A l'approche de la nouvelle année universitaire, plusieurs orientations de recadrage du secteur ont été annoncées. En particulier, une option chiffrée a été retenue pour l'introduction de l'enseignement à distance comme composante de la formation au niveau de la licence. Un dernier conseil de ministres a en effet retenu le taux de 30% de l'ensemble de ces enseignements pour l'horizon 2014. Plusieurs indices permettent de considérer que l'objectif pourra être atteint, évidemment dans la mesure où l'ensemble du système aura la capacité de répondre aux enjeux. Tout le monde s'accorde à considérer que l'outil informatique peut donner un plus à l'apprentissage, quel que soit ce niveau d'apprentissage. Il est en effet tout à fait commode et opérationnel de soutenir le travail de classe par l'accès au savoir et au savoir faire à partir d'un poste individuel ou d'un poste à usage collectif. Plusieurs pays en ont fait l'expérience et tout laisse croire que la technologie a résolu l'essentiel des problèmes dans le sens de la facilitation de cet accès. Chez nous, l'Université virtuelle a été créée dans cet esprit et plusieurs programmes ont vu le jour, dont certains fonctionnent et rendent service au plus grand nombre. Récemment encore, la même Université a annoncé l'ouverture de certaines formations pratiquement au grand public, moyennant des procédures finalement assez simples. Des choix à faire Le programme en question, dit C2I est en fait un parcours déjà familier dans les différentes licences ouvertes dans le pays. En gros, il correspond à l'idée que tout le monde doit être capable de communiquer par support numérique balisé et réduit à l'essentiel et au nécessaire. En principe, toutes les promotions actuelles de licenciés sont passées par là, probablement avec des fortunes diverses. Le plus important est qu'il a été possible de mettre en ligne ce programme préparé par des équipes tunisiennes et adapté aux conditions du pays. Cette préparation n'en a pas moins été l'occasion de multiples adaptations sur ce qu'il y a lieu d'enseigner et comment. Mettre en place un enseignement à distance nécessite en effet de prendre des décisions importantes tant sur le contenu que sur la manière de le traiter. Comme il s'agit d'un véritable savoir faire, il va falloir former de véritables équipes de conception et de réalisation des programmes. L'expérience du C2I, adopté en tant qu'enseignement transversal a profité de la familiarité des enseignants en question, en général des informaticiens, avec les usages de l'outil informatique. Ce qui n'est pas le cas des chantiers déclarés ouverts de l'enseignement des langues. Depuis un temps déjà, la même Université Virtuelle a entamé une vaste opération de mise à niveau de tous les secteurs universitaires dans la manipulation de l'outil informatique. L'action est encore en cours et, manifestement, demande beaucoup de temps, pour toutes les raisons du monde. Il s'agit en effet d'un saut qualitatif qui exige autant le matériel adéquat, que la disponibilité à la formation, que la maintenance du matériel que l'organisation dans le temps et dans l'espace des sessions de formation. L'enjeu est de taille, puisque la mise à niveau doit concerner les enseignants dans n'importe quel endroit de la République. Et quand on sait que le surnombre actuel des étudiants pose encore des problèmes de locaux et de personnel de gestion, la tâche n'en est pas pour autant facilitée. Pour l'enseignement des langues en particulier, tout le monde sait que le nombre a amené à recruter à tour de bras, en particulier dans certaines zones fraîchement arrivées dans le domaine universitaire. Les enseignants en question doivent en effet autant apprendre à enseigner qu'à progresser dans la carrière qu'à se former dans les nouvelles technologies. Le sens de la marche En cette période estivale, le dispositif se met en place pour tenter de réussir les modifications de cap devant corriger le tir dans le choix des filières et les délimitations des contenus de formation. La démarche concerne bien évidemment d'abord les nouveaux bacheliers appelés à mieux lire les filières dans lesquelles ils sont affectés. Or, ces filières contiennent des changements qualitatifs auxquels les nouveaux enseignants ne sont pas nécessairement préparés par les études qu'ils ont suivies eux-mêmes. Autant il est nécessaire de suivre l'évolution des savoirs et des technologies, autant il faut réviser les structures qui organisent l'accès à l'enseignement lui-même. Ceci concerne en particulier les critères selon lesquels fonctionne le recrutement et la promotion des enseignants au sein de l'université. En l'état actuel des choses, il n'est pas évident que ces critères soient adaptés à la mission telle qu'elle se redéfinit de jour en jour. En particulier, et concernant la familiarisation avec l'outil informatique dans sa fonction didactique, beaucoup de chemin reste à faire, notamment dans les filières relatives aux sciences humaines en général. Cela commence en fait à partir des formations dites doctorales, là où se joue l'avenir de l'université. Le Conseil des ministres consacré à l'enseignement supérieur a en effet rappelé à juste titre la position stratégique qu'occupe l'enseignement des langues dans le dispositif qui les associe à la technologie. Or les enseignants des langues appartiennent actuellement au secteur sinistré des formations doctorales. En regard de l'effort national dans ce domaine, les sciences humaines ne représentent qu'une partie très marginale. Dans les faits, la recherche en sciences humaines et dans les langues doit se contenter de structures sans moyens conséquents pour les chercheurs, futurs enseignants du supérieur. Il est vrai que l'on ne peut avoir que la politique de ses moyens. Pour les sciences humaines en général, et pour les langues en particulier, il n'est pas immédiatement évident que cela serve le développement économique, soit dit sans détours rhétoriques inutiles. Le dernier recadrage montre pourtant que les technologies ont aussi besoin de la maîtrise bien assise des langues vivantes. L'ennui, c'est qu'il est encore très compliqué de mettre tout le monde ensemble, scientifiques et sociologues, technologues et linguistes, littéraires et spécialistes du domaine artistique. De vieux clivages hérités d'un monde révolu font que les acteurs de la recherche ne communiquent pas entre eux, et collaborent encore moins. Dans cette optique, du chemin reste manifestement à faire, en dépit de quelques exceptions dues à des initiatives personnelles que le système ne soutient pas spécialement. En gros, les As du numérique, et il y en a, ignorent les meilleures compétences qui exercent tout juste à côté quand elles n'appartiennent pas à la même Université. Pourtant, ces choses là ont été dites et redites. Et il y a de la marge pour tenter de bien faire.