Kay Russel est une Britannique de 49 ans. Il est donc tout à fait prévisible qu'elle maîtrise couramment la langue de Shakespeare et de Cameron réunis. Et ce fut effectivement le cas jusqu'à ce qu'elle reçoive un coup sur la tête. Les circonstances de ce drame ne sont pas claires, mais on constata avec surprise que quelques jours après, Kay se réveilla en parlant anglais ; mais avec un fort accent français. Personne ne se souvenait autour d'elle qu'elle ait pris des cours dans la langue de Molière, ce qui donna lieu à plusieurs supputations. Après quelques investigations, on sut que le cas était rare mais pas isolé. Cliniquement, une façon d'être timbré pouvait se traduire par une modification du timbre de la voix ou de l'accent dans le débit de la parole. Ce qui, au fond, ne doit pas surprendre les politologues habitués au double langage. Il est même admis que les promesses électorales n'engagent que les imbéciles qui y croient, selon le même principe du double langage. Le seul détail qui fait la différence est que Kay et ses semblables sont déclarés pathologiquement atteints, et pas le gratin du monde qui fait la pluie et les mauvais temps. La paix est l'un de ces vocables qui prêtent facilement au double, sinon au triple langage. Entre la paix des braves, la paix des cimetières et la paix tout court, il y a de la marge. Des pourparlers de paix ne mènent pas nécessairement à la paix, et les gardiens de la paix peuvent aussi être des va-t-en guerre sournois. Le président palestinien Abbas en sait quelque chose, lui qui sillonne le monde pour dire que coloniser ce qui reste des territoires palestiniens ne milite pas spécialement en faveur de l'apaisement des esprits. Il faut dire que l'Orient, Proche, Moyen ou Extrême est habitué aux travestissements des réalités et à la manipulation des fictions. Au moment où tout le monde dit s'affairer à trouver des issues honorables aux crises, on apprend que les contrats dits « du siècle » sont conclus pour la vente d'armements. Les chiffres des transactions ne disent plus grand-chose. On sait simplement que tout le pétrole du monde ne sera pas assez pour payer un arsenal ne devant servir à presque rien. N'importe comment, et à ce titre, on donne à Israël dix longueurs d'avance sur tous les autres, puisqu'il est, paraît-il, admis qu'Israël n'en fera qu'un usage pacifique ! A l'ONU, les grands chefs se réunissent traditionnellement au mois de Septembre. Cette année, ils palabrent autour de la nécessité de venir à bout de la pauvreté, ce serpent des mers dont on ne connaît que la queue. Il y a toujours plus de pauvres dans le monde, mais personne n'arrive à savoir pourquoi, encore moins à trouver des solutions convaincantes. Les riches continuent seulement à bénéficier d'une manne céleste et occulte. Décidément, les exercices de langue ne sont que de la pure, et la pire des rhétoriques. B.B.R.