Malgré un taux de croissance démographique en déclin depuis deux décennies, le nombre de demandes additionnelles d'emploi culmine depuis quelques années à 88.000 par an. D'ici 2017, l'Université déversera sur le marché de l'emploi chaque année plus de 80 mille diplômés qui viendront renforcer les rangs des jeunes en attente d'une première embauche. Cette forte pression sur le marché de l'emploi, qui découle essentiellement de la «massification» de l'enseignement et de l'entrée fracassante de la femme dans le monde du travail, ne commencera à fléchir qu'à l'horizon de 2025…Ces projections ont contraint le ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi à revoir sa copie sur la stratégie nationale de lutte contre le chômage. De nouvelles pistes ont été, en effet, identifiées loin de la vision étriquée d'un marché du travail «national» et des opportunités qu'offrent les secteurs d'activité économique traditionnels et à faible intensité technologique. Intervenant lors de la séance d'ouverture de la première session ordinaire du Parlement des jeunes, tenue hier à la Chambre des Députés, M. Mohamed Agrebi, ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi a reconnu, de prime abord, que les activités économiques traditionnelles comme le textile-habillement et l'industrie des composants automobiles, qui se sont beaucoup développées depuis la fin des années 80 grâce à la faiblesse des coûts de production, ne sont plus en mesure de générer une baisse significative du taux de chômage.
Les services à la personne, gisement inépuisable
Pour créer 415.000 nouveaux emplois et ramener le taux de chômage à 11,6% à l'horizon 2014, conformément aux prévisions du programme présidentiel 2009-2014, la nouvelle «feuille de route» élaborée par les services du ministère de la formation professionnelle et de l'emploi » prévoit le lancement d'un programme spécifique pour l'encadrement et l'accompagnement des promoteurs dans les métiers de proximité. « Ces métiers qui concernent majoritairement les services à la personne à l'instar de la garde d'enfants, l'accompagnement d'enfants dans leurs déplacements, l'assistance informatique et l'assistance aux personnes âgées et aux handicapés constituent un gisement inépuisable d'opportunités d'emploi », a souligné M. Agrebi. L'encouragement de l'initiative privée se traduira également par le renforcement de l'expérience des «concours des plans d'affaires » pour qu'elle englobe 5000 étudiants en 2011. Cette expérience menée début 2010 consiste à stimuler la création d'entreprises à travers l'octroi de financement et du conseil aux porteurs de meilleures idées de projets innovants. L'intérêt se porte aussi sur la multiplication des conventions de formation pour l'entreprise à l'instar de celles signées récemment avec Aérolia, filiale tunisienne du constructeur aéronautique européen Airbus, le groupe italien Benetton et le fabricant japonais de câbles pour automobile Yazaki. «Dans le cadre de ces conventions, nous sondons les besoins réels des entreprises afin qu'on puisse leur préparer des compétences sur mesure », explique le ministre de la formation professionnelle et de l'emploi. Dans cette même optique, il sera procédé à la professionnalisation des formations universitaires, afin qu'elles répondent aux besoins précis des entreprises. D'autant plus qu'une récente étude de la Banque Mondiale a révélé que 60% des entreprises tunisiennes affirment avoir beaucoup de mal à trouver des professionnels qualifiés malgré une production abondante de diplômés.
Feu vert pour les agences de placement internationales
Par ailleurs, la nouvelle stratégie nationale de lutte contre le chômage ambitionne de rompre avec la vision étriquée d'un marché de travail se limitant aux frontières nationales. L'une des nouvelles pistes avancées pour résorber le chômage consiste à nouer des partenariats avec les bureaux privés d'emploi et des agences de placement internationales pour assurer l'embauche des compétences tunisiennes à l'étranger. « Ces structures privées seront appelées à exercer sur la base d'une collaboration avec les structures publiques en place. Elles prospecteront les besoins sur les marchés étrangers comme l'Afrique subsaharienne, l'Europe le Canada et le Moyen-Orients avant de procéder au placement des compétences tunisiennes sur ces marchés», précise M. Agrebi. Dans ce même chapitre, la Tunisie devrait signer des accords de partenariat avec les pays du Golfe et développer des programmes d'émigration avec les pays africains, le Canada et l'Australie. Une première expérience sera entamée avant fin novembre courant avec le Canada. Des hommes d'affaires canadiens ont été, en effet, invités à visiter notre pays pour prendre connaissance de l'offre tunisienne en matière de main-d'œuvre. Le spectacle affligeant des embarcations de fortune transportant leurs « cargaisons » d'émigrés clandestins vers la rive nord de la Méditerranée se fera, ainsi, de plus en plus rare… Walid KHEFIFI