Bourguiba Ben Rejeb - La co-diplomation et la certification font désormais partie des objectifs prioritaires assignés à l'Enseignement Supérieur. - On parle moins de la valeur ajoutée provenant des contributions de nos diplômés à des activité technologiques transfrontalières. - Pour les entreprises soucieuses de leur place sur le marché international, la Certification ISO est désormais entrée dans les habitudes. L'idée, qui s'est transformée en contrainte, part du constat que les frontières commerciales n'existent pratiquement plus et qu'on ne peut gagner sa place que dans la transparence de la qualité soumise à des critères reconnus. La même logique s'applique désormais au facteur humain. La mobilité des postulants à l'emploi s'accompagne de la transparence nécessaire des compétences. En clair, un ingénieur tunisien peut être amené à exercer son art partout dans le monde. Par conséquent, ses compétences doivent être reconnues immédiatement et avec certitude. On le voit pour les opportunités offertes dans les pays du Golfe, on le devine pour les marchés que certaines entreprises tunisiennes gagnent à l'étranger. Pour entrer dans la course, et comme pour les Olympiades, les performances requises et dûment estampillées sont incontournables. Certification et co-diplomation Dans la dernière déclaration du Gouvernement tunisien devant la Chambre des Députés, il est dit que la co-diplômation et la certification font désormais partie des objectifs prioritaires assignés à l'Enseignement Supérieur. Il s'agit bien entendu de deux volets différents de la question, mais la logique est la même. Il ne suffit plus d'aligner les chiffres de réussite, mais de se mettre en ligne pour la compétition sans frontières. Le système est ainsi mis à l'épreuve de la qualité transnationale des formations. Supposons que des architectes tunisiens, fraîchement diplômés, se lancent sur des projets un peu partout dans le monde. Il ne suffira plus de gagner ses lettres de créance à un niveau local, il faut surtout se soumettre aux rites de passage sur l'international. En ce moment, on lui demandera par exemple un niveau de manipulation conséquent de la langue anglaise. Les programmes tunisiens prévoient bien une formation « transversale » dans ce secteur, encore faudra-t-il prouver que cette formation a amené le postulant à l'usage quotidien et professionnel de la langue de Cameron. Dans ce domaine, comme dans d'autres, le processus de certification est l'apanage d'institutions internationales prestigieuses gardiennes du temple et carburant aux droits sonnants et trébuchants, comme toute entreprise qui se respecte. Les tarifs sont affichés, comme les conditions de niveau à atteindre. Le commerce du savoir reste quelque part du commerce, encore faudra-t-il échafauder des stratégies de financement dans une situation contrainte par le nombre des postulants. Dans le cas d'espèce, aux charges classiques de la formation universitaire viennent s'ajouter les frais d'obtention d'un sésame qui ne vaut que par son label international confirmé. On peut penser que dans les domaines de spécialité, technologiques en particulier, les diplômés tunisiens ont les moyens de se défendre. Le défi est d'autant plus accessible que les mécanismes de co diplômation commencent à se mettre en place. Les dernières initiatives prises en ce sens à L'Université de Sfax sont un exemple parmi d'autres. Cela suppose bien entendu une nouvelle forme de mobilité des enseignants eux-mêmes, mais les premières expériences portent à un optimisme mesuré. Questions de trésorerie Dans sa réponse aux interrogations des députés, le Premier Ministre parle d'une manière générale de l'intégration à l'économie mondiale à travers les « produits à haute valeur ajoutée et cognitive ». La formule vaut en premier pour les produits à l'exportation. Mais le constat actuel est que les produits peuvent être aussi immatériels et se traduisent par un savoir faire et un savoir tout court. Il y a bien eu l'époque de la « coopération » des enseignants tunisiens dans plusieurs pays. Il y eut ensuite l'exportation du savoir faire en matière de gestion, hôtelière ou autre. On parle moins de la valeur ajoutée provenant des contributions de nos diplômés à des activités technologique transfrontalières, là où les exigences de résultat sont primordiales . Dans tous ces cas, et quel que soit l'employeur potentiel, la clause de confiance joue à plein. Chez nous déjà, la mise en place de diplômes co-construits entre l'Université et l'entreprise donne des gages de lisibilité, et donc ouvre en plus grand les voies à l'emploi. Des expériences sont en cours, par exemple à Zaghouan où des commissions mixtes, université-employeurs, suivent ensemble les programmes et les applications. Il n'est pas encore temps de mesurer l'impact réel de ces initiatives. On sait pour le moment qu'elles sont coûteuses en moyens humains et en moyens financiers. Les formations doivent d'abord être organisées autrement. La place des enseignants et des intervenants étrangers à l'institution universitaire doit être redéfinie, ce qui n'est pas une mince affaire dans tout le système éducatif fonctionnant jusque là selon des mécanismes et des procédures rigides. Des assouplissements ont bien été consentis, mais beaucoup reste à faire. Il reste surtout à trouver des modes de financement adéquats pour des opérations particulièrement onéreuses, en particulier en regard du nombre d'étudiants supposés intégrer le nouveau système. Gérer les diplômes en commun avec les universités étrangères suppose de son côté une grande mobilité des enseignants, et par conséquent des frais additionnels dont il va falloir répartir les charges. A ce sujet, tout le monde sait que la machine administrative est particulièrement lente quand elle ne devient pas dissuasive pour des opérations qui exigent efficacité et célérité. Ainsi et jusque là, dans le domaine de la recherche adossée à l'international, il arrive souvent que les intéressés finissent par abandonner la partie en raison de circuits dissuasifs. L'enjeu de la certification promet d'être encore plus coûteux si des solutions pratiques n'étaient pas trouvées. Manifestement, le nombre de candidats potentiels rend la facture salée, que celle-ci soit à la charge de la puissance publique ou des étudiants pris individuellement. Mais il va bien falloir trouver des solutions, dans la mesure où les objectifs nationaux de haute valeur ajoutée et cognitive passent aussi par là.