3 milliards pour l'extension de Tunis-Carthage    Ooredoo Tunisie s'associe à Dora Chamli pour promouvoir le padel et le talent tunisien sur la scène mondiale    Une première intervention de chirurgie robotique en Tunisie réalisée avec succès à l'hôpital Charles-Nicolle de Tunis    Tunisie : 1,8 milliard de dinars évaporés dans le commerce de l'alcool    Marathon COMAR de Tunis-Carthage dans une 38e édition : Courons pour une Tunisie plus verte    Avec les happy days de nouvelair, la France et le Royaume-Uni à -30%    Siliana en action : 3 000 coccinelles mexicaines lancées pour sauver nos figuiers de Barbarie    Hikma Tunisie ouvre sa troisième unité de production à Tunis : Hikma Pharmaceuticals renforce sa présence en Tunisie    Hafida Ben Rejeb Latta ce vendredi à Al Kitab Mutuelleville pour présenter son livre « Une fille de Kairouan »    QNB Tunisia inaugure la première agence QNB First à Sfax    Tunis, prépare-toi : les matchs amicaux des Aigles se jouent plus tôt    Tunisie : 2000 bâtiments menacent la vie des habitants !    Tunisiens, attention : des caméras intelligentes vont traquer les pollueurs !    Quand Mohamed Salah Mzali encourageait Aly Ben Ayed    Ons Jabeur annonce une belle nouvelle : elle va devenir maman !    Météo du mardi : douceur et ciel partiellement voilé sur la Tunisie    EST : Yann Sasse touché par une légère blessure    La pièce Les Fugueuses de Wafa Taboubi remporte le Prix de la meilleure oeuvre de la 3e édition du Festival National du Théâtre Tunisien    Amina Srarfi : Fadl Shaker absent des festivals tunisiens    Dhafer L'Abidine à la Foire du Livre de Sharjah : Les histoires doivent transcender les frontières    Lem7ata : quand un espace de créativité et de solidarité investit la place Barcelone de Tunis    Météo en Tunisie : averses isolées au nord    Sarkozy fixé ce soir sur sa libération    Tunisie: Financement de projets d'excellence scientifique    Décès du Pr Abdellatif Khemakhem    Hatem Kotrane: Le Code de protection de l'enfant 30 ans et après?    Match EST vs CA : où regarder le derby tunisien du dimanche 09 novembre 2025?    La Fête de l'arbre: Un investissement stratégique dans la durabilité de la vie sur terre    Nouvelles directives de Washington : votre état de santé pourrait vous priver du visa américain    Enseignement en Tunisie: une seule séance?    Justice tunisienne : 1 600 millions pour lancer les bracelets électroniques    Tunisie : Le budget de la Culture progresse de 8 % en 2026    L'Université de la Manouba organise la 12è édition du symposium interdisciplinaire "Nature/Culture"    Qui est Ghazala Hashmi, la musulmane qui défie l'Amérique ?    Qui est le nouvel ambassadeur de Palestine en Tunisie, Rami Farouk Qaddoumi    Météo en Tunisie : pluies éparses, températures en baisse    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    Suspension du Bureau tunisien de l'OMCT pour un mois : les activités à l'arrêt    La Tunisie prépare une réduction du nombre d'établissements publics pour plus d'efficacité    Elyes Ghariani: Comment la résolution sur le Sahara occidental peut débloquer l'avenir de la région    Mondher Khaled: Le paradigme de la post-vérité sous la présidence de Donald Trump    Congrès mondial de la JCI : la Poste Tunisienne émet un timbre poste à l'occasion    Attirant plus de 250 000 visiteurs par an, la bibliothèque régionale d'Ariana fait peau neuve    Le CSS ramène un point du Bardo : Un énorme sentiment de gâchis    Ligue 1 – 11e Journée – EST-CAB (2-0) : L'Espérance domine et gagne    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    Lettre manuscrite de l'Emir du Koweït au président Kaïs Saïed    Taekwondo : la Tunisie s'impose parmi les quatre meilleures nations    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Paroles de réprimés de l'ère Ben Ali
Publié dans Le Temps le 27 - 01 - 2011

Par Jalel El-GHARBI* - Il n'est pas compliqué de trouver des témoins de la répression sous le règne de Ben Ali. Mais les témoignages les plus poignants auront été ceux que je n'ai pas pu recueillir. Z.A. a refusé de raconter. «Je m'en remets à la justice divine», dit-il. Les geôles de Ben Ali l'ont détruit. Il s'en est sorti avec une insuffisance rénale et des séances de dialyse.
Je n'ai pas osé aborder K.J. Le 14 janvier, jour de la chute de Ben Ali, on l'a vu, la rage au cœur, courir dans les rues parce qu'un de ses tortionnaires était en ville. Il voulait tuer celui qui a violé sa femme. Ici, à Tunis, tout le monde sait ce que le délégué (sous-préfet) a répondu à la femme d'un détenu politique venue demander de l'aide: «Allez faire le trottoir!»
Mohammad Ali Jaouani, la cinquantaine, a été détenu de 1994 à 2006 pour appartenance à une association non reconnue. Lui est prêt à raconter dans le détail son arrestation musclée et les séances de torture qu'on lui a fait subir dans les caves du ministère de l'Intérieur.
Les interrogatoires qu'il a subis pendant vingt jours se déroulaient en deux séances. Des membres de la tristement célèbre DST (police secrète) se relayaient pour lui poser les mêmes questions de 8h à 17h puis de 22h à 3h. Complètement nu, il était accroché au plafond, pieds et poings liés. C'est la torture dite « poulet rôti ». Plus ignoble encore, il subit «El Bano » (le bain): «On me suspendait à l'aide d'un palan au plafond, la tête en bas au-dessus d'une baignoire d'une saleté indescriptible. À l'eau, se mélangeaient le vomi des suppliciés et leur sang. Cette eau, on ne la changeait jamais. À l'aide du palan, on m'immergeait la tête dans la baignoire jusqu'à l'étouffement. On ne me retirait que lorsque je leur faisais signe que j'allais avouer. Le comble, c'est que cette opération se faisait sous le contrôle d'un médecin qui devait intervenir en cas d'évanouissement.»
En prison étaient interdits papier, stylos, journaux - sauf ceux du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique, ex-parti au pouvoir) -, livres, y compris le Coran, et exercice physique. Les cinq prières étaient autorisées, mais pas une de plus. Une douche de 10 minutes était accordée aux détenus tous les 15 jours. «Comment dire en si peu de temps ce que j'ai enduré en 13 ans. J'espère que le jour viendra où l'on demandera des comptes à ces criminels et que tous viendront témoigner en détail», dit Mohammad Ali Jaouani.
Le témoignage de Mohammad Ali est tout en euphémismes. Il ne dit rien des cigarettes sur les testicules, du bâton dans l'anus, des viols, des coups et des gifles dont on sait qu'ils étaient monnaie courante dans les sous-sols du ministère de l'Intérieur sous Ben Ali.
Mustapha Salouhi, 62 ans, cheveux grisonnants, est sur les barricades à Bizerte. Mustapha Salouhi a fait ses études à Grenoble. À son retour en Tunisie, il postule pour un travail. La cellule du parti au pouvoir exige un pot-de-vin, 300 dinars, soit à peu près 200 dollars. Il claque la porte et s'exile en Libye. Il passe 10 ans à Sabha. À son retour, il est arrêté à la frontière. On lui reproche le fait que sa femme porte le voile. Il est interrogé pendant 24h. On lui demande des informations sur des Tunisiens qu'il ne connaît pas. Le tout sous une pluie d'injures ordurières.
Mustapha regrette qu'il n'y ait pas de parti socialiste en Tunisie. À Grenoble, il sympathisait avec le PS et il se souvient avec nostalgie de leur arrivée au pouvoir, en France, en 1981. « Je voudrais que tout le monde ait un avenir. Qu'il n'y ait plus de corruption. Le bien-être de mon voisin m'importe plus que le mien », confie-t-il.
«Nous avons vécu des moments extrêmement pénibles. On nous a enlevé le droit à l'expression. Nos comptes Internet ont été fermés. Nos téléphones étaient sur écoute. Nous étions sous surveillance policière. Mais nous ne nous sommes jamais rétractés. Nous nous sommes exprimés comme on le pouvait. La machine répressive ne nous a que peu terrorisés», affirme Abdessalem Kekli, universitaire, syndicaliste et chargé de l'information au sein de l'observatoire tunisien des libertés et des droits syndicaux.
Abdessalem Kekli est toutefois lucide sur l'engagement des intellectuels, de certains intellectuels du moins. « Je dois dire que si le pouvoir de Ben Ali a duré autant, c'est parce que nombre d'entre nous, je parle des intellectuels qui semblent avoir retrouvé la parole, n'ont pas assumé leur rôle. Cela veut dire que Ben Ali est en nous et qu'il n'est pas facile de s'en défaire tant que la société n'a pas acquis les mécanismes qui défendront la liberté. Je veux parler des structures d'une société civile à même d'endiguer tout abus de pouvoir. » Les défis sont, selon M. Kekli, devant les Tunisiens: «Je ne pense pas que les choses changeront de manière radicale à court terme. Nous avons besoin de construire une société réellement démocratique dont le fondement sera une information indépendante, des associations influentes et indépendantes, une justice indépendante et une véritable séparation entre Etat et parti au pouvoir. En somme, il s'agit d'une refonte totale de la société. Et je ne pense pas qu'on puisse réaliser cela en un mois ni même en un an. Ce sera difficile. La leçon qu'on peut tirer de ce que d'aucuns appellent "révolution" est que quiconque n'est pas prêt à faire des sacrifices pour la liberté ne mérite pas de vivre libre.» Liberté. Un mot qui résonne partout aujourd'hui en Tunisie.
Il y a un mois, le RCD comptait plus de 2 millions d'adhérents. Soit 20 % de la population adhérant au parti au pouvoir. C'est dire que ne pas avoir une carte du RCD était en soi un acte de résistance. La répression était telle que le silence était un acte militant.
Ces derniers jours, la jeunesse a montré qu'il ne suffisait pas de cultiver des valeurs autres que celles du parti. Qu'il ne suffisait pas de se taire. En agissant, les Tunisiens ont incarné le «Yes we can» d'Obama.
Article publié dans L'Orient le jour le 21/01/2011


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.