« Si tu ne connais pas la pudeur, tu peux faire ce que tu veux ! » Cet adage tunisien doit, connaître en ce moment même un boom considérable. Rien qu'à voir et à entendre toute la racaille d'hier qui s'est soudainement transformée, par un coup de baguette magique salutaire, en anges gardiens de la Révolution, déblatérer à la télé sur les ondes des stations radiophoniques et sur les colonnes des journaux, l'on est en droit de se poser la question suivante : S'il y avait autant de révolutionnaires dans l'administration et dans tous les milieux et structures de l'Etat, pourquoi le peuple tunisien a-t-il fait sa révolution et – surtout – comment un pouvoir aussi despotique que celui de Ben Ali a-t-il pu voir le jour et prospérer jusqu'à devenir inespérable même pour ceux qui l'ont nourri et qui s'en sont nourris ? Parmi les premiers à occuper le vide laissé par les héros choyés de l'ancienne époque, il y a certains activistes célèbres du monde de la culture. Ceux-là maîtrisent un seul art : celui de succéder à eux-mêmes avec une facilité inouïe. Nous les avons connus avec Bourguiba à l'époque de Ben Salah, nous les avons aussitôt retrouvés avec Nouira puis avec Mzali et quand est arrivé leur « changement béni » ils étaient, comme cela se doit, aux premiers rangs. Comment voulez-vous qu'ils ratent aujourd'hui « leur » révolution qu'ils qualifient de bénie, elle aussi. Ils sont tellement forts en matière de reniement qu'en vous regardant droit dans les yeux, ils vous diront que ceux que vous avez entendus couvrir de louanges les maîtres du passé ce ne sont pas eux mais peut-être bien… vous. Et quand vous leur dites qu'il y a des preuves (écrits, son, image etc…) ils vous diront qu'après tout, ils étaient forcés de faire et de dire ce qu'ils ont fait et dit. Ainsi a-t-on vu un responsable de hautes institutions théâtrales qui a raflé ce qu'il a raflé montrer son inquiétude quant au détournement de « notre Révolution » (sic) de ses objectifs et un autre patron de presse qui lors d'une réception retransmise par tous les médias dire à Ben Ali, qu'il avait fait plus qu'il ne fallait pour la liberté de la presse et que la balle est dorénavant dans le camp des journalistes, s'ériger aujourd'hui en révolutionnaire radicaliste que rien ne semble arrêter dans ses multiples appels à la décision du peuple dans toute affaire concernant le devenir du pays et à insulter les invités qui - sur le même plateau que lui – ne répondent pas à ses aspirations. Cette révolution a mis tout sens dessus dessous jusqu'à ce pauvre « mouchard » reconnu par tous, qui, privé de sa maigre pension mensuelle octroyée par le ministère de tutelle, s'est vu pousser des ailes de révolutionnaire à son tour et a avancé comme preuve le fait que son père possède deux fusils de chasse. Donc son père était lui aussi, révolutionnaire. Quel lien y a-t-il entre ceci et cela, me direz-vous ? Il y en a un et il répond à notre adage du début. « Si la pudeur ne te connaît pas, fais ce qui te plait ». Sans appeler à aucune chasse aux sorcières et en tentant de respecter le déroulement normal des affaires dont va se saisir la justice, nous disons qu'il y a certaines figures emblématiques, pas précisément, du pouvoir de Ben Ali ou celui de Bourguiba ou des deux à la fois, mais surtout de ce qu'il y a de plus bas et de plus vil chez l'être humain dans l'absolu (ce qui ne les empêche pas d'être emblématiques de ces mêmes pouvoirs nauséabonds), nous dirons, donc, que ces figures devraient être rayées du paysage médiatique, politique et social avec la fermeté qui s'impose. Non Messieurs, tous les Tunisiens n'ont pas collaboré avec la dictature. Vous l'avez fait et ce n'est pas par hasard que vous vous êtes trouvés au poste qu'il faut pour le faire mais parce que vous l'avez voulu et que vous avez combattu pour y parvenir. Il faut vous jeter dehors comme des malpropres car si vous n'avez aucune pudeur il serait insensé que vous ayez le moindre gramme de fierté pour vous auto-évaporer. La réconciliation est nécessaire mais nous devons instaurer la vérité avant et cette vérité va être présentée par plusieurs noms et visages. Arrêtez de vous insérer à l'intérieur d'un fruit que vous ne pouvez que pourrir par votre écoeurante présence. Cette révolution va vous vomir comme une bactérie infectée car elle n'appartient pas aux maîtres mais aux esclaves et ces esclaves sont – aujourd'hui – les seuls maîtres du temps.