Par Ahmed Nemlaghi - « Quand la justice va bien, tout le reste va bien » ; telle fut la réflexion de Winston Churchill, alors premier ministre britannique à une époque où la deuxième guerre mondiale était à son paroxysme et constituait une grave menace tant sur le plan social, qu'économique et politique pour tous les pays du monde. Pourtant, Churchill, était avant tout un militaire et un homme politique. Mais il était convaincu, que le rôle de la justice reflète l'état général du pays. Une justice saine et qui n'est liée par rien d'autre que la loi, est de nature à éviter tous les abus pour une société où règnent l'ordre et la sécurité. C'est la raison pour laquelle, l'une des premières préoccupations du gouvernement provisoire est d'œuvrer à la révision de l'organe judiciaire dans sa totalité, en procédant à l'assainissement total de ses membres parmi lesquels il y avait ceux qui ne faisaient que servir les intérêts du président déchu et de ses hommes ce qui a causé des injustices de toute nature. D'aucuns spoliés de leurs biens, ne pouvaient obtenir gain de cause en s'adressant aux tribunaux. D'autres ont été jetés en prison pour avoir osé dénoncer des abus. Tout l'ordre judiciaire est à revoir et à remodeler afin de permettre une Justice libre. En évoquant le pouvoir judiciaire, Montesquieu affirme que la difficulté du rôle que doit remplir le juge réside dans le fait qu'il est nommé par l'exécutif. C'est « la bouche qui prononce les paroles de la loi » dit encore Montesquieu, pour démontrer que le juge est plutôt lié par une application stricte de la loi. Quid cependant si ces lois sont l'œuvre d'un pouvoir despotique ? Eh bien c'est là où le bât blesse, car le juge ne peut en aucun cas s'écarter de la loi ou refuser de l'appliquer sans risquer d'être poursuivi pour forfaiture ou déni de justice. En fait, le système judiciaire dépend du système politique en place. A l'avènement de la Révolution, il est temps d'accéder à une justice indépendante et efficace. Il n'y a point de justice efficace sans l'indépendance des juges. Certes ces derniers sont tenus tout d'abord d'appliquer la loi. Mais entre ceux qui appliquent la loi et ceux qui appliquent les instructions qu'ils reçoivent d'en haut il y a une différence énorme. Un juge indépendant doit, avant tout, défendre cette indépendance. C'est ce que vise Montesquieu en parlant du pouvoir judiciaire. Or, c'est par l'existence d'une indépendance judiciaire que se réalise le pouvoir du juge qui est en même temps normatif , en cas de silence, ou d'ambiguïté de la loi. C'est la justice prétorienne, ou la jurisprudence, que ne reconnaît Montesquieu que dans les affaires criminelles. Mais le pouvoir normatif du juge ne fait qu'évoluer, avec l'évolution du droit et La diversité des branches du droit. Bref, l'indépendance du juge est la meilleure garantie du pouvoir judiciaire. Les commissions d'enquête créées par le gouvernement provisoire de la Révolution, ne peuvent que pallier une situation d'absence d'un système judiciaire bien constitué. Cela a donné lieu malheureusement à des revendications démesurées et des requêtes qui sont pour la plupart, dénuées de fondements juridiques avec des accusations qui ressemblent plutôt à des règlements de comptes. Par ailleurs, on assiste actuellement à des abus par des gens qui sous prétexte de la démocratie et de la liberté , violent la loi tous azimuts, en spoliant les droits de leurs semblables de différentes manières. Plusieurs personnes ont occupé des immeubles ou des terrains, appartenant soit à l'Etat, soit à des particuliers. D'autres ont même procédé à des constructions sur des terrains d'autrui, ce qui constitue une violation de domicile, sans compter le fait de construire sans obtention préalable d'un permis de bâtir. On assiste également à plusieurs autres genres d'abus, avec des agressions multiples dans les villes, les autoroutes et les demeures privées. Cela est de nature à gâcher les acquis de la Révolution. C'est l'institution d'un système judiciaire sain et indépendant qui peut pallier tous ces abus et permettre d'instaurer la justice et la sérénité dans la société tunisienne de l'ère nouvelle.