Par Bourguiba Ben Rejeb - Il n'y a pas si longtemps, parler de rendez vous arabe relevait de l'ironie sinon de l'autodérision. L'arabe était humilié, réduit à la dimension de la victime expiatoire de régimes politiques d'un autre âge. Il ne lui restait que le discours du rabaissement et, parfois, celui de la poésie de dérivation. Dire que cela vient de changer relève de l'euphémisme. La lame de fond partie de chez nous gagne les pays les plus incertains et les régimes les plus autoritaires. Du coup surgit un constat simple : il existe une communauté de destin entre les arabes, au-delà de dictateurs de toutes sortes qui tombent comme des châteaux de cartes. Il est même admis maintenant que sitôt un dictateur « dégagé », le prochain ne tient que pour une courte période. Le commun des arabes ne se demande même plus quelles raisons précises amènent les foules à braver les balles des dictateurs et des roitelets. Il s'interroge seulement sur le comment ces derniers se retrouvaient pour les agapes régulières qu'organisait la Ligue des Etats Arabes. On hésite entre le Grand Conseil de la Mafia et les guignols de basse facture. On aura tout de même remarqué que la Ligue des Etats en question n'a plus de projets de réunion en ce moment. Pour le moins, le Caire n'est plus le Caire de Moubarak et de Amr Moussa, Secrétaire Général d'un regroupement de chefs dont chacun rechigne à se déplacer de peur de perdre son fauteuil et les lambris de républiques de pacotille. Le concept même de ligue des Etats est subitement devenu désuet et sans objet. Par contre, celui d'une nation arabe liée par on ne sait quel destin est devenu une idée force. Dans le cas présent, il ne s'agit pas d'une idéologie habillée des pamphlets de la propagande, mais bien d'un sentiment d'appartenance et peut être d'un projet commun. Personne n'a vraiment théorisé sur la question, mais il devient évident que les révoltes et les révolutions en cours font le bonheur des peuples qu'on disait écrasés par le fatalisme de la puissance de l'argent facile et des armes avec lesquelles on mate le besoin de dignité. Il est d'ailleurs symptomatique que la France ait décidé de suspendre la vente des armes antiémeutes à tous les pays arabes. Retour de conscience tardif, mais tout de même significatif. Nous avons tous compris que les régimes arabes participaient au commerce extérieur de la France, et de beaucoup d'autres pays, en achetant des armes devant servir à faire taire la voix des peuples, sans états d'âme. Comment en avoir d'ailleurs, des états d'âme, quand le plus important a toujours été de posséder des alliés sûrs, pour le meilleur, et surtout pour le pire. Des régimes réputés forts garantissaient la pérennité des stratégies dans lesquelles le plus important était de garder la suprématie d'Israël sur le monde arabe. On a ainsi découvert, mais était-ce vraiment un secret ?, que les satrapes déchus étaient peu ou prou des agents du Mossad israélien. Cela donne le vertige, mais on sait maintenant que lors des sommets arabes, ces agents en grand costume de cérémonie passaient régulièrement au rapport quand ils ne protégeaient pas leur commanditaire de Tel Aviv. Il va falloir revoir tout ça, on va dire. On voit bien que pour les Etats Unis par exemple, il y a urgence pour retrouver la confiance des arabes, que les errements anciens pouvaient faire perdre. Pour reprendre la main, Obama a vite recentré son discours, avant de lâcher des alliés fidèles mais encombrants. Le président d'une grande démocratie ne pouvait faire autrement, rien que par rapport à ses citoyens à lui. Il reste maintenant l'essentiel : accompagner le réveil arabe pour le consolider dans la transparence. Désormais, le rendez vous arabe ne signifie plus un retard à l'allumage.