Par : Meftah AYAT - J'ai l'honneur de venir, par le biais du journal « Le Temps », informer les Tunisiens qu'ils n'ont rien à envier à la Florence, principauté prospère et rayonnante aux XVème et XVIème siècles qui a enfanté Machiavel, penseur et auteur d'une œuvre célèbre, Le Prince, dans laquelle il prône l'art de gouverner efficacement sans se soucier de la morale quant aux moyens. Nous autres, Tunisiens, avons le nôtre : Mezri Haddad, docteur en philosophie morale et politique qui vient récemment nous annoncer la constitution d'un nouveau parti ayant pour fondement idéologique la pensée d'une « lumière » dans l'histoire contemporaine de la Tunisie : Bourguiba (Journal « Le Temps » du 19 février 2011). Il le baptiserait MNB (Mouvement Néo-Bourguibiste). Une telle initiative est une véritable mue « de serpent nietzchéen » qui ne veut pas mourir et qui érige la trahison en principe immuable de la politique politicienne. C'est ce que M. Mezri Haddad appelle dans son œuvre « prédisposition au changement » ou « ce que Machiavel appelle « ruse » (p.21). Si vous ne connaissez pas Mezri Haddad, je vous renvoie à son illustre traité « Non Delenda Carthago-Carthage ne sera pas détruite : Autopsie de la campagne anti tunisienne » parue en 2002, Editions du Rocher et dans laquelle il fustige, en redoutable polémiste sophiste, l'opposition tunisienne- toutes tendances confondues – pour hisser Ben Ali à un piédestal de gloire et de célébrité, faisant de lui un demi-dieu, presque infaillible, exemple incontournable de sagesse et de perspicacité, un déversoir d'amour et d'affection. A en croire notre philosophe, ce Ben Ali serait un mage-providence capable de faire régner sur la Tunisie la béatitude et la félicité. Dans ce livre, véritable chef-d'œuvre sur le plan linguistique, il se donne bonne conscience en exposant sa théorie de la trahison et en affirmant dans la page 17 qu'il est un traître : « Je dirai que traître, oui, je le suis », classant sa trahi-son, non dans le domaine de la morale, mais dans celui de la politique. Il rejoint ainsi Denis Jeambar et Yves Roucaute dans leur œuvre « Eloge de la trahison » Ed Seuil 1988, pp. 91-95 en adoptant leurs idées sur la trahison : « Affirmer que la trahison est le principe actif de la politique n'est pas la condamner. C'est au contraire en faire l'éloge. Ne pas trahir, c'est périr (…) Expression supérieure du pragmatisme, la trahison niche donc au cœur des mécanismes de nos Républiques ». Et ce parti que va fonder notre politologue, va-t-il être l'expression supérieure de la trahison ? Ne voyez-vous pas que M. Haddad, en vrai archétype du héros machiavélique est un traître, et de son propre aveu ? Si vous avez encore l'ombre d'un doute, suivez-moi. Naguère défenseur acharné de Ben Ali, le valorisant au dépens du grand Bourguiba, il fait aujourd'hui volte-face, en véritable renégat, pour se jeter dans les bras du passé, voulant, par un procédé retors et cauteleux leurrer les Tunisiens en remuant ce qu'il y a de plus sensible dans leur inconscient collectif : Bourguiba et le bourguibisme. Dommage ! Les Tunisiens ne croient pas tous au Père Noël. Pourquoi M. Haddad n'a pas fondé un parti inspiré du génie benalien à qu'il dédiait tous les qualificatifs laudatifs sans aucune parcimonie : le scientifique issu de l'Académie militaire de Saint – Cyr (p. 35), le virtuose de la micro et macro-économie qui réduit la politique à de « l'économie concentrée » (Lénine), le technicien en matière de gouvernance, fin et élégant « qui préfère agir que discourir » (p. 238), instigateur du bien être et de la joie de vivre grâce au fameux FSN, alias 26-26 « en référence à son numéro de compte courant postal » (P. 231). N'est-ce pas là un « festin » politique de prédilection qui inspirerait plus d'un politicard « taraudé par l'ambition et gangrené par le carriérisme » pour employer les mêmes termes de M. Mezri ? Non, bien sûr, puisque le dictateur déchu à qui notre auteur vouait allégeance et admiration n'est plus en mesure de le récompenser selon les rites d'un mécénat délictueux puisqu'il se nourrit de la chair des Tunisiens et s'abreuve de leur sueur. Voilà pourquoi M. Mezri Haddad a retourné la veste à son bienfaiteur qu'il défendait, toutes griffes dehors, contre l'opposition tunisienne, contre RFS, contre tous les diseurs de prophéties à bon escient et qui ont anticipé sur la révolution du 14 janvier 2011, pendant que « M. L'ambassadeur » dormait comme un bienheureux dans les draps soyeux du favoritisme et du clientélisme. Dans ce contexte, faire du bourguibisme son cheval de bataille me paraît inopportun pour un opportuniste, pour la simple raison que M. Mezri, a pris le parti de B.Ali en le comparant à Bourguiba ; il a même valorisé le premier en dépréciant, en filigrane, le deuxième. Un vieil adage de chez-nous, et M. Haddad le sait plus que tout un chacun, stipule que « celui loue après avoir dénigré ne fait que mentir deux fois ». Que M.Haddad se souvienne de ses allégations fallacieuses à l'encontre de Bourguiba, malgré les quelques panégyriques jetés par ci par là pour se mettre dans la position de l'académicien qui ne cherche que la vérité, rien que la vérité et pour conférer ses assertions sur B.Ali plus de crédibilité. N'a-t-il pas prétendu que Bourguiba fut détenteur d'un pouvoir gérontocratique dont B.Ali a redoré le blason en « sauvant Bourguiba de lui-même et en sauvant la Tunisie de ses extravagances », reprenant et certifiant une déclaration au quotidien Libération de M.Mohamed Masmoudi, ex-ministre des Affaires étrangères tunisien, deux jours après l'incursion du 7 novembre (9/11/ 1987)? N'a-t-il pas affirmé que Bourguiba, un littéraire ( avec toutes les insinuations que peut voiler ce terme) diplômé de la faculté de droit de Paris est sans vision économique « ce qui explique ses tergiversations et parfois son aventurisme en la matière » (p.236) N'a-t-il pas soutenu, en comparant B.Ali à Bourguiba, que pour ce dernier, la gouvernance est, non une technique, comme c'est le cas chez B.Ali la Référence mais tout simplement un art (9.237) que se réclame d'un certain impressionnisme capricieux délétère à toute action politique efficace et utile ? N'a-t-il pas accusé illicitement Bourguiba de manipulateur démagogique qui abuse de la crédulité du peuple et qui hypnotise les Tunisiens par le verbe (9.239). Et il s'en félicite que B.Ali soit tout simplement « un orateur ordinaire». En fait, l'est-il vraiment ? Pourquoi, après cette comparaison entre un lion et un scarabée, notre philosophe-caméléon se métamorphose-t-il en fervent bourguibiste, profitant de son statut d'érudit qui s'adresse à un peuple peu initié à la chose politique ? Qu'il continue, s'il a de l'audace politique à lutter pour la survie de ses premiers principes et fonder un parti à soubassements benaliens, inspiré de toute la philosophie exposée et commentée dans le livre « Non Dalenda carthago » et laisser Bourguiba dormir en paix. Non, Monsieur Haddad, encore une fois, Bourguiba n'est pas à vendre pour rejoindre M. Mohamed Habib Lemdani, de la Marsa ( Journal « Le Temps » du 22 février 2011) Consacrez-vous monsieur, au professorat, à la recherche académique. Vous serez utile à vos étudiants, à tous les Tunisiens car, en fin de compte, nul ne doute de votre verve intarissable, de votre incroyable dextérité à manipuler la langue de Voltaire. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas qu'un éminent docte, comme vous soit exposé à la réprobation de la postérité. Nous voulons que vous soyez le Montesquieu des Tunisiens et non leur… Machiavel.