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Venus de partout pour aider…
Publié dans Le Temps le 04 - 03 - 2011

Oubliez ce que vous savez des frontières tuniso-libyennes. C'est une autre dimension.. Un paysage inhabituel ; On est obnubilé, carrément à côté de la plaque. Et nous voilà face à une interrogation qui s'impose comme une évidence tranchante : mais où sommes-nous au juste ? Est-ce un nanar dont nous verrons aussitôt le générique de la fin ? Nous aimerions y croire en tous cas.
Néanmoins, tout cela est bien réel. Une catastrophe humanitaire ? Presque. Mais une chose est sûre ! Ce sont là les premières esquisses. Retransmission visuelle : des marrés de gens : Bangladais, Egyptiens, Philippins, Libyens envahissant les lieux ; certains tiennent le file pour avoir à manger ; d'autres ont choisi de camper sur place, ils y sont depuis des jours ; et puis d'autres s'accrochent à l'ultime espoir en grimpant dans les bus en direction de l'aéroport. Et puis un effluve de solidarité comme jamais vu : les Tunisiens venus de diverses régions du pays, en volontaire prêter main forte aux sinistrés. La carte de la générosité est une dame de cœur : la Tunisie.
Les réfugiés, ou plus correctement les transitaires des frontières libyennes, que nous pouvons égrener par milliers, s'ébrouent dans une saccade à quelque endroit. Frénétiquement, ils cherchent à se nourrir, à trouver une issue de secours, une échappatoire. Cette ribambelle humaine- victime du forcené Kadhafi, nous fait prendre conscience de la gravité cruelle des actes de répression dictatoriale. Que d'injustice et d'oppression et… un décharnement absolu, résument fichtrement bien les foyers de la Révolution libyenne.
Une lueur d'espoir : les Tunisiens. Militaires ou citoyens volontaires, ils se sont mobilisés en masse et sans compter pour ranger le foutoir de Kadhafi. Mais pas seulement lui. Car les Egyptiens déplorent, de leur côté, l'indifférence de leur gouvernement. Les milliers des ressortissants Egyptiens sont totalement pris en charge par la Tunisie. D'ailleurs, ils donnent rendez-vous à leur gouvernement à la place Tahrir dès leur retour. Aussi a-t-on appris que des bus faisaient l'aller retour de Ras Jdir à Djerba afin de transporter, à priori les Egyptiens à l'aéroport. Un des ressortissants nous a confié qu'ils n'embarquent dans le bus que les familles, et qu'une fois à l'aéroport de Djerba, ils attendent jusqu'à ce qu'un avion envoyé par leur gouvernement vienne les récupérer.
Le sens de l'humanitaire
Plusieurs tentes sont installées, quasiment à tout va ; par là on distribue de la nourriture, et par ici des médicaments. Des médecins, des infirmiers, des cuisiniers, des hommes d'affaires aussi. Ici, il n'y a guère de disparité, tous voués à une seule et unique cause : venir en aide aux transitaires. Les conditions de leurs transitions sont des plus lamentables : des jours entiers debout, à lutter pour passer les frontières, pour atteindre la lisière de sécurité... Les douaniers, l'armée, et le comité de protection de la Révolution s'échinent à instaurer de l'ordre autant que possible. Ce n'est pas simple, en effet…
Nous nous arrêtons à une tente, celle de l'association « Taâouen ». Environ quatre volontaires distribuent à une file de transitaire, Bangladais dans la majorité, de la nourriture : du pain, du yaourt, du lait et autres denrées donnant des forces à des personnes épuisées, des ventres affamés et des poitrines exsangues..
Dr Mohamed Néjib Karoui, professeur agrée- médecin d'urgence chef service hôpital universitaire Sahloul et président de l'association « Taâouen » :
« Notre association « Taâouen » a été crée en 2010. La politique de notre association est d'être un pont entre le nécessiteux et le donneur. Ce que nous voulions c'est créer un organisme dont le capital est la confiance. Avant, notre activité était plutôt individuelle centrée sur l'aide aux orphelins et aux familles démunies. Depuis la Révolution, l'activité est devenue collective, nous avons organisé cinq caravanes dans les régions intérieures de la Tunisie, et maintenant nous avons installé une unité ici à Ras Jdir. Plusieurs personnes de différentes régions nous contactent, organisent des convois de nourriture jusqu'ici pour que nous les distribuions aux transitaires. »
Lassaâd Souiai, homme d'affaires et secrétaire général de l'association « Taâouen », unité de Zarsis
« Nous avons su qu'il y a plusieurs personnes qui ont du passer des jours à l'aéroport de Tripoli et qui se sont retrouvées ensuite à la frontière tuniso-libyenne. Du coup, elles ont besoin de se nourrir et nous avons pris l'initiative de nous installer ici sur place afin de leur offrir de l'alimentation. Nous avons été précurseurs en la matière et avons été suivis par d'autres associations. L'armée nous a beaucoup aidés ainsi que l'unité de protection civile et de santé. Et puis, ce qui nous a le plus interpellés, c'est les gens de la région qui nous ont épatés par leur générosité et leur volontariat. Ce que nous avons fait en premier lieu c'était de nous organiser avec le comité de protection de la Révolution de Ben Guerden qu'avec les militaires et le Croissant Rouge. Chacun devait avoir une mission précise afin que les choses soient faites dans l'ordre et de manière efficace. Par ailleurs, nous avons commencé par recueillir les dons du sang mais pour le moment nous n'avons pas eu de blessés ayant besoin de transfusion sanguine. Hier il y a eu 10 100 personnes, entre 8h et midi, ayant franchi les frontières et nous avons réussi à les nourrir tous. »
Habib Zidi, infirmier à l'hôpital de circonscription de Gabès, volontaire
« Ici nous sommes une vingtaine de volontaire. Nous travaillons 24h sur 24 en gérant l'équipe qui est très homogène et dont les membres sont venus notamment de Ben Guerden, Médenine, Siliana, Gabès, notamment. Nous gérons cette unité de pharmacie avec des médicaments qui sont tous des dons de nos concitoyens. Ce que nous distribuons le plus ce sont les antibiotiques, les antalgiques, les anti-inflammatoires, les antispasmodiques et même des traitements contre les maladies chroniques, je parle de l'insuline pour les diabétiques. La majorité des malades que nous recevons est égyptienne et bangladeshie et une minorité de turcs et d'algériens.
Le tri des médicaments que nous recevons en vrac se fait au niveau de l'hôpital et jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de problème de réception des traitements nécessaires. »
Le camp de Choucha
Ici on à l'impression d'être dans un camp de réfugiés : des tentes à perte de vue, une unité d'hôpital militaire de campagne, et une unité de cuisine. Nous sommes au camp de Choucha à quelques kilomètres de Ras Jdir. Il y a un peu de 20 000 transitaires. L'organisation est au comble. Nous sommes arrivés au moment de la distribution du repas du soir. Et ce que nous avons vu est proche d'une scène tirée tout droit d'un film de guerre : trois files de gens, bangladais et philippins en majorité, assiette en plastique dans la main, ils attendent le signal des militaires pour aller récupérer de la bouffe. Au menu ce soir, du riz. De l'autre côté, un camion rempli de bouteilles d'eau assurée. La logistique est bien ficelée : armée et volontaire travaillent en concert et mènent d'une baguette de maître cet orchestre humain.
Plus loin, nous sommes tombés sur le quartier général de l'Association de Coopération en Tunisie. Cette dernière opère en Tunisie depuis 27 ans et son domaine de prédilection est le développement. Mais situation de crise oblige, cette fois on fait dans l'humanitaire.
Henneke Cook, membre de l'ACT :
« Notre association est une ONG (Organisation Non Gouvernementale) internationale et en ce moment on travaille en Tunisie. Nous travaillons surtout avec les marginalisés et maintenant ils sont ici à la frontière tuniso-libyenne. Nous sommes venus jeudi dernier, il y a une semaine et avons demandé à nous rendre utiles. On nous a dit qu'il y a assez de nourriture mais que les transitaires mangeaient des sandwichs et là on s'est dit que ce n'est pas suffisant pour avoir des forces. Alors nous avons installé une unité de cuisine pour distribuer des repas chauds. Nous avons commencé le samedi. Au début on nous a dit qu'il s'agit de 500 repas environ et là nous faisons dans les 10000 par jour. Nous sommes tous des volontaires, Tunisiens et étrangers qui sont là pour aider et par miracle, nous avons pu le faire. Mais, nous nous ne sommes pas des experts et on aimerait qu'une association internationale experte vienne nous aider en mettant à notre disposition son expérience. Notre cuisinière vient de Sidi Bouzid, elle a un petit restaurant mais n'a pas l'habitude de faire la cuisine pour autant de monde. Par ailleurs, il y a des adhérents tunisiens dans notre association et ils nous ont beaucoup aidés. Et nous aimons les Tunisiens, ce que nous avons vu des Tunisiens… Ils sont tout simplement admirables. Aussi, ce que l'armée a fait est très touchant et on ne s'attendait pas à tant d'organisation et de générosité. Vous savez, on n'a jamais vu cela nulle part dans le monde. Je parle bien sûr d'élan de solidarité. »
Salem Guaja, second chef cuisinier dans un hôtel et volontaire avec l'ACT :
« J'ai été sollicité par le Comité de Protection de la Révolution pour aider en cuisine et j'ai demandé à mon patron un congé pour pouvoir me déplacer et le faire et il n'a pas hésité à me l'accorder. Comme tout le monde j'ai vu des images à la télé de la situation ici mais je ne pouvais imaginer de telles choses. C'est hallucinant. Tout ce monde à nourrir, à protéger et à aider. Nous faisons tout notre possible, on oublie la fatigue et on ne pense qu'à une chose : aider le pays à sortir de cette crise humanitaire. »
Une fois de plus, la Tunisie fait preuve de responsabilité et de générosité. Bien que nous ne soyons pas habitués à la gestion de pareille crise, et de surcroît en ces temps difficiles et critiques, nous faisons montre d'un grand professionnalisme. Loin de toutes tergiversations, loin des discriminations et du régionalisme, aujourd'hui le fameux « l'Union fait la force » devient l'ultime instrument pour la Tunisie afin de réintégrer la marche de l'Histoire en toute gloire »S.


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