De Hechmi GHACHEM - Soudain la musique s'est éteinte, On m'interpelle. Le président va apparaître à la télévision. Je suis étonné. Quel président ? Je lève les yeux, tout le monde a les yeux scotchés au ciel. Jamais un président n'a fait autant d'effet. Nous sommes le 3 Mars 2011 et j'ai, comme tous les Tunisiens, un Président…aussi provisoire fut-il. Je me lève donc…obéissant. Silence infaillible. Dans l'endroit où je me trouve et qui regroupe une mosaïque des citoyens de diverses tendances : des artistes, des politiciens, des syndicalistes, des gens anonymes le suspense est à son apogée. L'homme qui s'adresse à nous, via la télé, a une cravate qui flashe, c'est absolument exceptionnel et la voix sûre (ou qu'il voudrait telle) est de ceux qui sont convaincus de ce qu'ils ont à dire. On écoute religieusement. Aucune réaction jusqu'à ce qu'il parle – je crois- de l'Assemblée Constituante. Applaudissements forcenés des gens présents. L'unanimité qui était l'apanage de deux présidents tunisiens précédents semble avoir été atteinte. C'est une première ! Le pays a radicalement changé. Malgré toutes les difficultés que nous aurons à surmonter, rien ne sera plus comme avant. La révolution est passée par là et le président-certes absolument, totalement, foncièrement provisoire, en a conscience. A trois reprises il parle des martyrs et prie pour la paix de leur âme. C'est un superbe acquis. Après il cite deux dates : fin Mars et le 24 Juillet. Nous sommes –en tant que tunisiens- respectueux de ce qu'un président au départ incontournable reconnaisse –enfin- le génie de ce petit peuple que nous sommes. Un seul point d'ombre dans ce discours qui a plutôt la texture d'une feuille de route. C'est le fait qu'il parle de “certains“ qui ne veulent pas que le pays retrouve la quiétude nécessaire à son redémarrage. Qui sont ces “certains“ ? Est- ce toi, moi, ta sœur, mon frère, nos voisins? Si le président de la République ne peut nous dire qui sont exactement ces malfaisants, comment pourrions- nous, pauvres citoyens, les reconnaitre ? Seuls les fascistes accusent les anonymes et notre Président nous semble être convaincu par l'unique voix de salut qui est la démocratie. Alors, dites-nous, qui sont ces “certains“ Monsieur le Président ! Par pitié !