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Tunisie , Politique: MACHIAVEL EN SELLE
Publié dans Tunivisions le 18 - 12 - 2012

« Autrefois j'avais un « moi » ; je ne suis plus qu'un objet… Je me gave de toutes les drogues de la solitude ; celles du monde furent trop faibles pour me le faire oublier. Ayant tué le prophète en moi, comment aurais-je encore une place parmi les hommes ? » !
Cioran, Précis de décomposition
Il est des hommes qui ne sauraient se départir de l'idée qu'ils sont – privilège dont ils jouissent au détriment de la masse anonyme de leurs « semblables » (qu'ils tiennent bien parqués entre guillemets pour prévenir les risques de contagion) – infaillibles et, pour cette raison, purs de toutes les imperfections qui flétrissent la pauvre humanité, vautrée dans la fange nauséabonde de ses triviales préoccupations : pain, sécurité et santé. Pour cette élite de l'espèce humaine (qui appartient à la race rare du surhomme nietzschéen et, pour le Tunisien d'entre eux, à la race du surhomme divin), le désagrément consiste dans le fait de traiter avec la racaille, composée d'êtres faillibles, imparfaits et, pour la plupart, foncièrement corrompus et de devoir, par nécessité plutôt que par conviction, subir les inconvénients de cette affligeante promiscuité. Or, le Surhomme (c'est là un nom propre et non un attribut) a une révolution à immuniser et, pour ce faire, il a besoin de bras musclés et de langues déliées . Ceux-là, il ne pourrait les recruter que dans cette race d'esclaves qui se pressent devant son autel pour venir, comme des papillons, se jeter à ses pieds et brûler au contact de ses Lumières. Le Surhomme a dans l'idée de les organiser en Comités, eux-mêmes structurés dans le cadre d'un ordre qu'il baptiserait Ligue. Après quoi, il demanderait à ses croisés de quadriller le pays et d'y traquer la moindre velléité de rébellion.
Le Surhomme – que son nom soit glorifié – se rappelle alors que son frère de sang, cet italien des temps féériques, a écrit de sa main experte, dans son Prince mémorable :
– Les fins justifient les moyens.
Lui, le Machiavel en selle, ajouterait volontiers :
– La Révolution vaut bien une mésalliance !
Convaincu qu'il est, de par son statut particulier, l'incarnation de l'exemplarité congénitale et, de ce fait, qu'il ne pourrait être autrement que judicieux, sage, perspicace, pertinent, profond et juste, il est scandalisé par la bêtise, l'incompréhension, les humeurs volages et l'ingratitude de ceux qu'il a la faiblesse de considérer, par condescendance ou par pitié, comme ses « semblables » (toujours entre guillemets parce que leur mise en quarantaine est toujours en vigueur) effectifs et, pour cette raison, un peu comme – ô grand Dieu ! – ses égaux, à lui qui n'a d'égal que lui-même. Mais, déterminée par sa nature douteuse, l'humanité inférieure ne pourrait que décevoir la race des dieux par son caractère impulsif et imprévisible, par ses abracadabrantes lubies et par une insupportable inconstance enfin, surtout lorsqu'elle s'obstine à compromettre le devenir de la révolution en exigeant la dissolution des comités qui devraient en assurer la protection. Comme si cette engeance était habilitée à statuer sur des questions de cette gravité : la révolution, qu'elle le sache une bonne fois pour toutes, est son affaire à lui, et à lui seul. S'il estime lui, le Surhomme, qu'elle a besoin d'être protégée et immunisée, c'est qu'elle en a réellement besoin. Et il n'en sera qu'ainsi !
Le Surhomme – que son nom soit béni – se rappelle alors que son frère de sang, ce fameux Machiavel des temps glorieux, a consigné de sa main habile, dans son Prince ingénieux :
– La Mosquéeest la clef des cœurs arides.
Bien entendu, son rital de frangin rital parlait de l'Eglise. Lui, le Mahdi du jour, ajouterait volontiers :
– La Révolution vaut bien un prêche !
Ces travers, désagréables à l'extrême, ne sont pas cependant ce qui gêne le plus le Surhomme dans son commerce avec la vermine. Humain, patient, compréhensif, conciliant, tolérant et obséquieux, à ses propres yeux – et cela suffit amplement, car il est dans la nature du Surhomme d'être autosuffisant – il fait de son mieux pour plaire à ceux qu'il daigne honorer de son amitié et, dans certains cas, de son estime. Un certain Qaradhaoui fait partie de cette élite de bienheureux. Bien plus, le Surhomme s'emploie, par tous les moyens, au cours de ses prêches du vendredi ou des meetings de piété qu'il lui arrive d'organiser sur les places publiques, de les mettre en confiance, de les gratifier de sa sollicitude, de sa bienveillance et de sa prodigalité. Seulement, cette extrême bonhomie s'avère être, dans les faits, insuffisante pour neutraliser, dans la mauvaise nature, son instinct maléfique. Le Parfait, poussé à bout, cède à une exaspération qui, s'accroissant d'une minute à l'autre, menace de le défaire de son sang-froid proverbial et de lui faire commettre des bêtises monumentales que le génie d'Italie ne manquerait pas de lui reprocher. Entre autres, celle d'autoriser la destruction – ô sacrilège ! – du rempart qui protège sa révolution contre les cortèges des revenants, des striges, des goules et des vampires, prêts à lui dérober le fruit de son labeur : cette Tunisie, redevenue dans ses bras protecteurs l'Ifriqiya du temps primordial. Cet éden perdu, à jamais selon les pessimistes et les incrédules, est aujourd'hui, grâce à son endurance et à la vigilance de ses vaillants moujahidins, à portée de ses bras.
Le Surhomme – que son nom, de tous les autres, soit le plus haut – se rappelle alors que son inspirateur antique, cet aïeul vénérable, la fierté des gens du Livre du pays du Vatican, a tracé de sa droite inspirée, dans son épître extraordinaire intitulée Le Prince :
– On réussit avec l'argent ce qu'on ne réussira jamais avec une arme.
Lui, l'Ange en chef du moment, ajouterait volontiers, convaincu que la foi et la piété ont pour siège la bourse :
– La Révolution vaut bien une compromission !
Il se dit alors, en s'efforçant de contenir sa mauvaise humeur, que ces malheureux, qu'il ne peut s'empêcher, pour les tenir en laisse, de plaindre, ont tort de s'obstiner dans l'erreur et de vouloir, à tout prix, se mesurer à ses Lumières célestes. Mais pourquoi refusent-ils d'admettre l'évidence ? Et l'évidence, c'est qu'ils sont petits, trop petits pour lui, pour ses projets grandioses et pour son califat aux odeurs de sainteté wahhabite (qu'il tient de la main de feu le Grand Ange Abdelaziz Ben Bèz, que Dieu ait soin de son âme), et qu'ils resteront, leur vie durant, limités, trop limités pour réaliser la valeur de son œuvre. Il n'y a là rien de vraiment étonnant. Quand on n'a pas les moyens de son ambition, on doit revoir ses rêves à la baisse. Au lieu d'un palace, l'on doit se contenter alors d'une petite villa coquette à Londres ou d'un chalet au Qatar. L'on doit se contenter également d'un strapontin et céder les somptueux fauteuils à ceux qui les méritent.
L'on doit surtout se faire à l'idée que la gloire et le prestige sont le lot des hommes intelligents, hyper-intelligents comme lui et, plus important encore, de reconnaître que le génie est une denrée rare qui n'est pas à la portée de leurs cabosses – pardon, têtes – d'imbéciles endurcis. Surtout pas du menu fretin de l'espèce de cette racaille, pouilleuse, crasseuse et vermineuse, qui peuple son espace vital – qu'il voudrait grand au-delà de toute limite – et qu'il se doit de supporter, le temps que ses légions ratissent le territoire pour débusquer fuyards et blessés, ces rats immondes défaits par sa redoutable rigueur. La victoire – sa victoire – est imminente. Entretemps, il doit se faire à l'idée que l'humilité est une qualité qui n'est pas accessible aux médiocres. C'est la raison pour laquelle ces ignares, qui l'obsèdent tant, refusent d'admettre leur handicap et mènent la vie dure aux lumières que la malchance a placés sur leur chemin.
Et le Surhomme de se triturer jour et nuit la cervelle dans l'espoir de trouver une solution à cette étrange énigme. Pourquoi les petits se voient-ils si grands, encore plus grands que les grands de sa stature, les vrais ? Pourquoi s'obstinent-ils à croire que le monde ne peut pas se passer de leur avis, qu'ils ont voix au chapitre, et qu'ils sont, sur ce plan, aussi indispensables que n'importe quelle autre créature de leur espèce de merde, pardon, de paille ? Les voilà qui crient au crime, comme quoi les croisés auraient lynché ce quidam de Tataouine ou d'il ne sait quel autre trou perdu de son califat et, plus excités que des femelles en rut, les voilà qui remettent sur le tapis leur stupide exigence, ces merdeux qui ne réalisent même pas qu'ils seraient les premiers à être foulés des pieds s'il commettait l'imprudence de céder à leur sottise ! Les déchets, appuyés par les blessés, les envieux et les nihilistes, massacrerait tout le monde pour reprendre les rênes. Voilà ce qui les attend les idiots qui s'émeuvent pour un petit accident de parcours.
Le Surhomme – que son nom, de tous les autres, soit le plus odorant – se rappelle alors que son allié précieux des temps révolus, ce génie de la Cour et du Mihrab – pardon de l'Autel, mais c'est du pareil au même –, a précisé dans son éternel chef d'œuvre, qu'il se presserait de lire bientôt pour parfaire son rôle de Prince : Qui s'offusque du sang renonce au trône. Lui, le Maître de céans, ajouterait volontiers, les mains levées vers l'Eternel :
– La révolution vaut bien un sacrifice !
Pourquoi la racaille refuse-t-elle d'admettre que la Mosquée est une grande, très grande affaire, qui n'est pas à la portée du premier intrigant ? Surtout quand il s'agit de ces astuces techniques qui permettent, à un cheikh de génie, doublé d'un stratège inspiré, de scinder un pays en deux, de faire l'économie d'une nationalité – ô combien futile ! – et de réussir, avec cela, son putsch, pardon sa transition démocratique ! Le plus important, c'est la Fin, comme le stipule le bienfaiteur de toute l'espèce royale, c'est se faire applaudir par un public acquis et obséquieux. C'est pour cette Fin que s'époumonent les Ben Hassan, les Jawwadi, les Abidi et les Ellouz, et bien d'autres encore dont les noms lui importent peu. Les Minbars sont le chœur du Miracle en cours, sur toutes les scènes de la dictature – pardon la démocratie, mais c'est du pareil au même – naissante. Si le triomphe est garanti, qu'importe le tapage des vaincus !
Qu'ils l'accusent de duplicité ou même de triplicité, le Surhomme s'en fout comme d'une guigne. Ce qui l'occupe, lui, ce qui détourne son attention de l'évolution inexorable de ses moujahidins, c'est l'entêtement de ses « semblables » (toujours dans les chaînes, le temps que s'accomplisse l'épopée) et leur aveuglement : entassés comme des sardines dans leurs réserves, ils continuent de râler, exigeant que justice soit faite. De quelle justice parle le bétail ? La justice transitionnelle travaille sans relâche, et c'est à elle de traiter l'affaire de Tataouine et de la Place Mohamed Ali. Le Surhomme, obsédé par cette inconséquence n'arrête pas de se torturer les méninges. Un matin, alors qu'il est sur le point de céder à la dépression, il est surpris par une illumination. La solution de l'énigme est enfin à portée de sa langue et, elle se résume en un mot et un seul : l'égo ou, en langage céleste, la vanité. Les petits ont l'égo si développé pour leurs corps de cigales qu'ils ne peuvent, les pauvres cons, s'empêcher de jalouser la race du Surhomme et – ô sacrilège – de leur demander des comptes ! Lui, qui n'a de comptes à rendre à personne (en dehors de Dieu peut-être) devrait donc subir l'affront de s'expliquer devant des ignares de leur espèce ! Ils sont bien culottés ces sales cigales avec leur égo de lion !
Le Surhomme – que son nom, de tous les autres, soit le plus bon – se rappelle alors que son maître inspiré, ce philosophe florentin, homme, de tous les hommes, le plus brillant, a noté dans son bréviaire inimitable :
– Il n'est impératif que vos propos concordent avec vos actes.
Lui, le Muawiya du Temps, ajouterait volontiers :
– La révolution vaut bien un mensonge !
Et d'ajouter, pour lui-même, à l'insu du monde prostré aux pieds de son Grand Minbar :
– Dieu est clément et miséricordieux, et son pardon est immense !


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