M. Mouldi Drine, cofondateur de l'UCIL : «Une organisation démocratique, moderne et agissante» - Le pluralisme s'étend au patronat, et ne se limite plus aux partis ni aux organisations syndicales ouvrières. L'UTICA ne trônera plus seule sur les destinées des patrons. L'Union des commerçants et industriels libres (UCIL), nouvelle organisation patronale, vient de voir le jour, comme tant de partis et associations enfantés par la Révolution du 14 janvier. Pour en savoir plus, nous avons rencontré l'un des cofondateurs M. Mouldi Drine, homme d'affaires. Le Temps : Pourquoi cette organisation, et pourquoi le qualificatif « libre ». Est-ce l'éclosion de l'après-révolution ? Mouldi Drine : Certes, les patrons, comme tous nos concitoyens, toutes couches confondues, applaudissent de tout cœur la Révolution et l'air de liberté que nous respirons à pleins poumons. Quant aux facteurs qui nous ont poussé à envisager une telle entreprise, ils sont de deux ordres. Premièrement, la multitude des problèmes engendrés par la complexité du secteur privé, surtout depuis l'adoption du néo-libéralisme engendré par une mondialisation galopante à laquelle nous n'étions pas préparés. Secondo, les clivages et divergences qui déchirent l'UTICA et qui ont éclaté au grand jour après la révolution. Moi-même et quelques-uns des autres cofondateurs de l'UCIL, avons appartenu à l'UTICA, et nous avons opté carrément pour une nouvelle organisation. *Donc vos rapports avec l'UTICA, ne seront certainement pas cordiaux ? -Pas du tout. J'ai déjà précisé dans un communiqué de presse que nous ne sommes ni avec l'UTICA ni contre. Nous avons beaucoup d'estime pour nos collègues qui militent au sein de l'UTICA, surtout les jeunes opérateurs, mais nous jugeons qu'une organisation aussi vieille, est une citadelle imprenable de par la bureaucratie qui a fini par s'y installer, et avec laquelle on a fini par s'en accommoder. Nous avons donc jugé qu'il est préférable de nous consacrer à une nouvelle structure que de gaspiller notre temps et énergie en attendant un changement qui ne viendra peut-être jamais. Cela étant, nous saluons les efforts de nos collègues qui espèrent encore faire bouger les choses de l'intérieur de l'UTICA. *Que peuvent attendre les adhérents de votre jeune organisation ? -Ils jugeront d'eux-mêmes le jour où nous passerons à l'action. Au stade actuel, nous nous félicitons des échos favorables et du nombre d'industriels et commerçants qui figurent déjà sur nos listes. *Quelles sont les grandes lignes de votre programme pour l'avenir ? -Dans les statuts de constitution que nous avons déposés, nous avons bien entendu mentionné, dans les détails, nos approches et objectifs. Nous tenons tout d'abord à faire de l'UCIL, une organisation démocratique, moderne et agissante. Des élections vraiment libres, des décisions collégiales et une concertation de tous les jours pour trouver les solutions adéquates et les réponses qu'il faut à toutes les attentes dans tous les secteurs. Une méthodologie rigoureuse dans la planification des priorités et l'élaboration des dossiers feront de l'UCIL un partenaire de poids pour les négociations avec l'administration, les banques, les assurances, les services fiscaux, la douane et les syndicats. *A propos des syndicats, c'est l'UTICA, qui est leur vis-à-vis, n'est-ce pas ? -C'est jusqu'à nouvel ordre. Nous avons notre propre vision concernant les négociations avec les représentants des salariés. Nous ferons de notre mieux pour assainir le climat social. L'UCIL est par conviction contre le capitalisme sauvage. Nous sommes pour un capitalisme productif et non parasitaire selon la fameuse thèse de Franz Fanon. Nous serons les premiers à défendre le droit des salariés à un travail décent. Ça fait partie de l'investissement, et cela, les capitalistes des pays scandinaves l'ont bien compris. Nous veillerons à corriger l'image de l'homme d'affaires tunisien terriblement ternie par la cupidité de certains. Il faut en finir avec cette image dégradante. Nous comptons à ce propos sur la nouvelle génération, intelligente, créative, et humble. *Et c'est pour quand le démarrage ? -Actuellement, nous sommes en train de mener une campagne de sensibilisation et mobilisation, partout dans le pays. Des structures régionales, locales et sectorielles seront prochainement élues, en vue de la tenue de notre congrès constitutif, en début d'été. Interview réalisée par Néjib SASSI