Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie avait affirmé, lors de ses apparitions devant les représentants des médias que les « montants dont avaient bénéficié les membres appartenant aux familles proches de l'ancien régime, s'élèvent à plus de 2200 millions de dinars ». Une partie des ces montants pourraient, espère-t-on, renflouer des caisses vides de l'Etat, mais trois mois après le 14 janvier on en sait très peu sur les responsables qui ont facilité cet accès démesuré aux biens publics. Beaucoup de responsables avaient certes une très courte marge de manœuvre pour désobéir aux ordres, mais ce serait très injuste d'occulter ce aspect de l'histoire de la Tunisie passer inaperçue, sans revenir sur la responsabilité directe de certains hauts responsables, et ils sont nombreux malheureusement, à échapper au questionnement. L'histoire, claire comme du Crystal, n‘occultera jamais les faits commis par certains responsables, qui avaient tissé leur réseau de relations, notamment dans les coulisses du palais de Carthage, non seulement pour faciliter l'accès aux financements aux proches de l'ancienne famille mafieuse, mais qui ont aussi profité de leur position pour détourner des fonds supposés être destinés à la croissance économique de la Tunisie. Bien que le gouvernement de transition actuel, comme celui qui l'a précédé, aient essayé d'embobiner le peuple tunisien, certains avocats ont pris l'initiative de porter plainte contre certaines « icônes » de l'ancien régime. Les avocats, tout récemment, ont porté plainte contre le président déchu, son épouse et Taoufik Baccar, l'ancien gouverneur de la BCT. L'objet de la plainte est de savoir comment ces colossales sommes d'argent sont arrivées au palais de Sidi Bousaïd, pour par la suite être « découvertes » par la Commission d'investigation sur la corruption et la malversation. Taoufik Baccar ! Il peut même être l'un de ces responsables qui ont « trompé » l'ancien dictateur. N'avait-il pas accaparé le dossier du « développement régional » pendant plus de 15 ans ? Et par la suite occupé différents hauts postes au sommet de l'appareil financier, corrompu ? Taoufik Baccar, né le 4 juillet 1950 à Gabès, est titulaire d'une maîtrise en sciences économiques en 1972 et d'un diplôme de l'Ecole nationale d'administration. Nommé, en 1986, directeur général des ressources humaines au ministère du Plan et des Finances. Il se voit nommer en 1988, pour une période de deux ans, au poste de directeur de l'Office de la formation professionnelle et de l'emploi. En 1992, il est gouverneur suppléant aux assemblées annuelles de la Banque mondiale puis président de l'Agence arabe pour l'investissement et le développement agricole. En 1995, il entre au gouvernement comme ministre du Développement économique puis dirige le ministère des Finances à partir d'avril 1999. En janvier 2004, il succède à Mohamed Daouas à la tête de la Banque centrale de Tunisie pour un mandat de six ans ; il est reconduit dans ses fonctions le 14 janvier 2010. Remercié le 17 janvier, Taoufik Baccar est l'une des têtes pensantes du pillage méthodologique qu'a subi l'économie tunisienne. De 1995 à 1999, Taoufik Baccar serait (d'après la plainte) à la tête du ministère du Développement Economique, période au cours de laquelle, les seules réalisations dont on se souvient encore, c'est la privatisation de deux cimenteries. Un flash back en 1999 jusqu'en 2003, période durant laquelle Taoufik Baccar était à la tête du ministère des Finances, on n'ose dire garder comme mémoire que l'âge d'or du marché parallèle. Un poste qui lui aurait permis de « cultiver l'amalgame entre sa fonction et le milieu du business. Poste où il a développé le trouble mariage des services rendus et échangés. Il observait le marché inondé de produits de toutes natures sans broncher. Il faisait semblant d'écouter les doléances des industriels qui n'arrivaient plus à commercialiser leurs produits », lit-on dans un document minutieusement élaboré par certains banquiers tunisiens. Comme ministre des Finances, Taoufik Baccar avait sous sa tutelle le Conseil du Marché Financier (CMF). Le Conseil qui avait accordé à Batam, en totale déconfiture financière en 2001 et 2002, le visa pour lancer 2 emprunts obligataires de plusieurs millions de dinars garantis par les banques. Cette décision a été prise après des réunions tenues au ministère des Finances, et qui auraient été présidées par lui-même. « C'est lui qui a poussé vers cette décision, contrairement à l'avis de ses collaborateurs, tout en sachant que Batam serait dans l'incapacité d'honorer les échéances de l'emprunt ». Belhassen Trabelsi, et un ancien président de l'Utica étaient les principaux actionnaires et administrateurs de Batam. On connaît le reste de ce conte ; BATAM a laissé une ardoise de 400 millions de dinars que pendant de longues années, les banques ont peiné à rembourser, à fonds perdus, les deux emprunts qu'elles ont garantis. Parmi les questions qui se posent ; comment taire l'échec de la fusion entre l'Union Internationale des Banques (UIB) et la Banque de Tunisie et des Emirtas, que le ministre Taoufik Baccar aurait pilotée ? La Tunisie aurait perdu, à cette occasion, un ami en la personne de M. Al Dajjani Président du Conseil d'Administration de la BTEI qui aurait démissionné de son poste après un entretien avec le ministre des Finances. « Il est sorti de cette rencontre totalement abasourdi en se demandant pourquoi le ministre s'était comporté d'une façon littéralement vulgaire ». Un échec qui aurait par la suite permis à la Société Générale de s'approprier la majorité du capital de l'UIB « avec de la monnaie de singe ». Comment oublier aussi l‘affaire des « Baccar Brothers » ? Sous la pression de Taoufik Baccar, Ali Debayya, ancien PDG de la Société Tunisienne des Banques (STB) aurait accordé un crédit personnel à Mongi Baccar, alors PDG de la Sotetel pour financer, sans fonds propres, l'acquisition d'un immeuble que le proche de l'ancien ministre des Finances aurait loué à l'entreprise publique qu'il dirigeait. Lorsque le scandale a éclaté, Taoufik Baccar a nié toute implication dans l'affaire et aurait choisi de sacrifier son ami Ali Debayya ! Mais « l'alerte de l'affaire Sotetel n'a pas été retenue, et l'homme s'est senti cru dispensé de la plus élémentaire des prudences ». Qu'on se rappelle le tapage ayant entouré la promulgation de la loi relative au produit Banque/Assurance supposé drainer au secteur bancaire des ressources sur le long terme. Plusieurs années après son lancement, les résultats ont été nettement en-dessous des espérances. A peine 3% des ressources à long terme ont été collectées. Le ministre des Finance aurait accusé les banques « de ne pas avoir joué le jeu ». Idem pour le produit épargne pour achat d'action, qui lui aussi fait l'objet d'une campagne de matraquage médiatique ayant accompagné son lancement. Il est aujourd'hui aux oubliettes, tout comme Taoufik Baccar, dont le nom n'a jamais été évoqué dans aucune de toutes ces affaires. Taoufik Baccar, fut par la suite promu Gouverneur de la Banque Centrale. Et là c'est une nouvelle phase qui démarre dans la carrière de cet homme. Depuis cette date en 2003, l'homme a faiten cavalier seul sur la gestion de la BCT. Epaulé par des liens étroits dans les fiefs de prise de décision, l'homme a ouvert la voie sans restriction aucune à des transactions, multiples et suspectes. Au même moment, il semble qu'on aurait sacrifié d'autres têtes pour payer les pots cassés par l'ancien gouverneur de la BCT. Allez chercher, à titre d'exemple, pourquoi a-t-on propulsé Ridha Chaghoum aux devants de la scène, alors que celui-ci ne fut nommé ministre des Finances qu'une seule année auparavant, le 14 janvier 2010 ! Les affaires dans lesquelles Taoufik Baccar serait impliqué alors qu'il était gouverneur de la BCT sont multiples. Nous y reviendrons !