Tabarka a vécu au cours de la journée, puis de la nuit du samedi 9 avril 2011 l'une de ses heures les plus agitées, avec une clinique brûlée, un hôtel pillé et quatre voitures incendiées, dont deux ambulances… La personne visée était l'ancien maire de la ville, Jilani Dabboussi, médecin, promoteur du festival international de Jazz de Tabarka et homme d'affaires qui a longtemps régné en maître sur une ville qu'il aime, mais qui elle, ne l'aime plus. En fait, la belle station balnéaire, d'habitude si calme, a commencé à s'agiter dès le milieu de la journée, lorsqu'un groupe de manifestants ont commencé à scander le fameux slogan « dégage ! » devant la clinique privée du médecin. En effet, la veille, Jilani Dabboussi était invité à la télévision tunisienne, où il intervenait pour la première fois depuis la Révolution, non pas en qualité d'ancien maire, mais en tant que médecin.
Propos mal appréciés
Or ses propos ne semblent pas avoir été très appréciés par certains habitants de la ville, qui l'ont accusé le lendemain au cours de cette manifestation, de s'être servie Tabarka, et non de l'avoir servie. Certains l'ont également accusé d'enrichissement illégal, de malversations et de complicité avec le clan des Trabelsi. A la fin de cette manifestation, des jeunes ont jeté des pierres contre des édifices qui lui appartiennent, brisant des vitres. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois que cela arrivait, puisque des jets de pierres avaient été observés au lendemain de la révolte de la jeunesse tunisienne qui allait aboutir à la Révolution du 14 janvier... Mais le pire allait survenir à la tombée de la nuit de ce samedi, lorsque des bandes de jeunes ont commencé à brûler l'une après l'autre les deux ambulances stationnées devant la clinique privée de Dabboussi, puis deux de ses voitures personnelles. La clinique a ensuite été vidée de son contenu par des pillards, avant d'y mettre le feu… Mais la vindicte populaire ne s'est pas arrêtée là, puisqu'au bout de quelques instants, les manifestants se sont dirigés vers l'hôtel Zen, situé en plein centre ville pour l'incendier et le piller. Cet hôtel appartient au fils de Dabboussi, que les habitants de la ville accusent d'avoir profité de la fortune présumée illégale de son père.
Et la sécurité ?
Le plus grave dans cette affaire, c'est qu'aucune autorité n'est intervenue : policiers et militaires ont laissé faire la foule en colère sans tenter de s'interposer pour arrêter les exactions diverses. Même les pompiers n'ont daigné se déplacer qu'après une longue période, laissant les flammes dévorer tranquillement voitures et édifices. Un drame est cependant survenu, aggravant la situation, selon plusieurs témoignages concordants : une dame qui devait bénéficier d'une dialyse est décédée faute de soins, suite à l'incendie de la clinique et une autre qui devait y accoucher aurait perdu son bébé. Ces mêmes témoins nous ont affirmé que plusieurs arrestations ont eu lieu tard dans la nuit, effectuées par des troupes de commandos de la police. Conséquences de ces exactions : de nombreux cadres médicaux et paramédicaux se retrouvent au chômage et leurs familles sans ressources. Il y a deux ambulances de moins dans une région montagneuse difficile d'accès et où chaque minute compte. En outre, les nombreux malades de la région, mais aussi ceux qui viennent d'Algérie n'auront plus accès aux soins du secteur privé et devront se rabattre sur le secteur hospitalier local, plutôt peu équipé et surchargé de travail… Incidents entre jeunes Tabarkois et Kasserinois Rappelons également que des incidents ont eu lieu au cours des dernières vacances scolaires, lorsque des autocars venant de Kasserine ont déversé sur la ville plusieurs centaines de jeunes en excursion. Bien accueillis par les habitants de Tabarka, certains auraient abusé de la boisson et provoqué les gens de la ville en déclarant que ce sont eux qui ont amené la Révolution, pendant que ceux de la région se cachaient. Une bravade qui a provoqué des heurts violents avec les Tabarkois et qui n'a trouvé sa solution que suite à l'intervention musclée de l'armée, qui a dû tirer en l'air pour calmer les esprits. Et c'est bien de cela qu'il s'agit à présent : il faut se calmer et laisser la ville retrouver sa sérénité, au lieu de tenter de lyncher les anciens responsables comme le veulent certains citoyens irresponsables, tandis que d'autres cherchent à régler leurs comptes par la violence aveugle. Pour le châtiment, il y a la justice qui saura trancher et sévir contre ceux qui ont trahi les principes de base de l'Etat de droit et de la société… Yasser MAAROUF