Samedi 25 juin. Le tout Tunis découvre un Omar Metiri le directeur de la radio Kalima entamant une grève de la faim. Dans quelques jours, le journaliste et militant des droits de l'Homme qu'il est, aura le visage émacié et le corps effondré par tant de jours de privation. Mais Omar Mestiri est assez vaillant et sur le bord assez cynique pour s'autodétruire rien que pour protester contre une société où l'injustice ne compte plus ses vitesses. Que l'on s'en agace ou pas, Omar Mestiri ne lâche en rien son côté contestataire après la Révolution, bien au contraire. Se revendiquant d'un déni de licence qui dure depuis six mois, le directeur de la radio Kalima a décidé d'entamer une grève de la faim depuis le 21 juin « … Cependant l'audiovisuel est toujours accaparé par les alternatifs qui ont combattu cet appareil et contribué à le discréditer, en payant le prix fort, demeurant rejetés hors de l'espace médiatique légal, près de six mois après la victoire de la Révolution. Ce paradoxe n'est pas le fait du hasard. De solides résistances concourent à entraver la métamorphose de l'audiovisuel, dont l'ouverture aux médias indépendants constitue la pierre angulaire. La scène publique a vu apparaître près de 90 nouveaux partis politiques, mais aucun média audiovisuel !» avance-t-on dans un dans un communiqué rendu public hier.
L'instance présidée par Kamel Laabidi
Cela paraît étrange dans un pays qui, six mois auparavant, faisait sa Révolution et étonnant encore si cela émane d'un directeur d'une radio militante qui en a bavé sous l'ancien régime après tant d'années de persécution, d'arrestations abusives et d'agressions oppressives en pleine rue… « Voilà près de 6 mois que Kalima attend qu'enfin l'injustice du déni de licence subie sous Ben Ali soit levée ; voilà près de 2 mois que le Premier ministre avait promis de le délivrer dans 3 jours ; voilà que l'instance présidée par Kamel Laabidi devait rendre ce ‘'précieux'' avis qui ne vient toujours pas. Après avoir édicté par voie de presse et de façon arbitraire une liste de conditions auxquelles la direction de Kalima devait répondre, à l'exception des radios qui ont bénéficié des privilèges de l'ancien régime - conditions auxquelles la direction de Kalima a répondu amplement- nous avons appris par voie de presse que la réponse finale serait communiquée au plus tard le 3 juin. Voilà 20 jours que ce délai est dépassé, sans que l'instance ou le Premier ministre ne ressentent le besoin de s'expliquer sur ce silence. » explique-t-on. Omar Mestiri jette un regard au vitriol sur l'Instance de réforme de l'information et de la communication (INRIC) qui selon lui « prend pour alibi un vide juridique pour ne pas délivrer sa licence à la radio. On veut nous mettre les bâtons dans les roues tout comme à d'autres radios militantes à l'exemple de Radio6, pour arriver aux élections avec le même paysage médiatique de l'avant Révolution.» Lorsque, comme l'avance Zakia Hédigi qui faisait partie de l'équipe de l'INRC « l'Instance de la réforme de l'information et de la communication que j'ai quittée il y a deux mois a organisé deux ateliers de travail en conviant des experts français et belges qui étaient unanimes pour conseiller l'INRIC de délivrer le visa à des radios militantes vu que la mise en place d'un cahier des charges n'est pas une mince affaire pouvant même prendre deux ans de travail. L'instance s'est passée des conseils des experts a préféré céder aux pressions venus de l'extérieur. » dit-elle en ajoutant « Je suis déçue de voir que nos collègues journalistes qu'on a invités ont brillé par leur absence. Aucun média télévisuel n'est venu soutenir Omar Mestiri qui est un symbole du militantisme. » Mais pourquoi en est-on arrivé jusque-là, en effet ? Omar Mestiri y répond par le fait que Radio Kalima a usé de tous les moyens légaux pour avoir ce visa en vain. « Depuis la révolution on a organisé deux conférences de presse, on a organisé des dossiers, envoyé des lettres aux responsables... Au cours de cette semaine, j'ai avisé le Premier ministre du fait que j'entreprendrai une grève de la faim. Celui-ci n'a pas tranché sur la question même s'il pouvait le faire. Pas de réponse jusque-là. Et donc j'ai opté pour ce choix pour sensibiliser l'opinion publique nationale et éveiller la conscience d'un peuple qu'une révolution ne semble pas réveiller », dit-il.
Les mots qui dérangent
Encore d'autres questions nous brûlent les lèvres : quelle forme et quel contenu donner à cette grève de la faim et surtout quelle suite aura cette action ? « Est-ce que Radio Kalima passera à une vitesse supérieure pour alerter des organisations internationales ? ». C'était la question du journal « Le Temps » à laquelle Omar Mestiri a répondu par le fait qu'un communiqué a été envoyé dans cette direction, sauf que pour l'instant Kalima préfère agir sur le plan national pour avoir ce qui lui revient de droit. « Certains nous ont même discrètement ‘'conseillé'' d'utiliser des fréquences pirates ! Nous leur répondons que nous n'accepterons jamais de recourir aux voies illégales, ça serait faire insulte à la Révolution tunisienne ! Au contraire, notre combat pour légalité et pour que Kalima et toutes les radios libres soient reconnues et disposent de fréquences, est un combat pour que les objectifs de la Révolution soient respectés et triomphent des basses manœuvres contre révolutionnaires.» Une contestation de tous les temps que des militants des droits de l'Homme n'ont cessé de raviver depuis 50 ans. Avec l'avènement de la Révolution, une bataille a été gagnée. Pas encore la guerre.