En dépit des deux dinars d'augmentation du prix du quintal de blé décidé par le gouvernement, ce prix accusera une forte baisse. Le métadin consécutif aux pluies du début du mois de juin en est la cause expliquent les experts céréaliers. La perte en conséquence sera considérable pour les agriculteurs puisqu'il a été décidé de déduire du prix initial pas moins de 4d,800 par quintal. Cette somme déduite avance-t-on – et aujourd'hui du côté des experts en la matière – est pour compenser la qualité qui s'est ressentie des pluies estivales. Rien à dire à première vue. Mais si l'on creusait davantage dans la question on constaterait aisément que cela ne peut tenir la route et qu'en outre le producteur céréalier est doublement sanctionné cette saison. Le manque de qualité dû au métadin influe considérablement sur le poids du grain. Et un quintal est un quintal. Un sac de blé qui doit normalement peser 100 kg – un peu plus ou un peu moins - atteint difficilement cette saison les 80 kilos. Il y a donc une perte de près de 20% en terme de rendement. Celle-ci s'ajoute aux 12% de déduction décidée en raison du métadin. Cela fait plus de 30% de perte globale pour le céréalier si non plus, avec les autres critères qui entrent en considération dans la fixation du prix définitif, en plus de la contribution obligatoire de tout producteur céréalier à l'alimentation de deux fonds dont celui du défunt (26-26) et qui vient de passer cette saison du simple au double atteignant 0d,450 par quintal ! Voilà comment on vole au secours de l'agriculteur qui n'arrive à « soustraire une jambe que pour voir l'autre s'embourber encore davantage », comme l'affirme un dicton populaire. Et encore ! Sait-on que cette année le fil de fer pour les balles de foin et de chaumes a connu une hausse de 17,5% par rapport à l'année dernière passant de 1d,750 le kilo à 2d,100. En parallèle le prix de ces deux aliments pour bétail ont enregistré une baisse sans précédent. Le prix d'une balle de foin se négocie actuellement à moins de 3 dinars, alors que celle de chaumes à 1d,200. La saison écoulée à pareille période, leur prix était presque au double. A-t-on songé à tout cela du côté de nos décideurs ? Bien sûr ces derniers sont loin très loin de connaître la réalité et se fient aux rapports que leur soumettent nos illustres experts. Ces technocrates bien installés dans leurs bureaux et à des années lumière de ce qu'endurent les pauvres producteurs qui ne connaissent ni répit en matière de dépenses ni vacances, cela va sans dire. Une affaire de terrain L'agriculture, et il faut que tout le monde le sache, n'est pas une affaire de statistiques ni non plus d'estimations le plus souvent érronées – mais plutôt une affaire de terrain. C'est la raison pour laquelle il est aujourd'hui impératif que les décideurs en la matière soient de véritables connaisseurs prêts à mettre la main à la pâte et à aller s'enquérir sur place des problèmes auxquels font face les damnés de la terre. Nous le disons parce que nous avons constaté malheureusement que nos responsables agricoles se déplacent dans les régions, à bord de leurs cylindrées à l'air conditionné et dans des cortèges qui n'ont rien à envier à ceux de leurs prédécesseurs des vingt-trois dernières années. Nous avons été témoins d'un tel faste qui agresse tout bon sens de responsabilité. Cela dit l'urgence est de revoir ce qui a été décidé en matière du prix des céréales pour cette saison pour que l'agriculteur ne sente plus ce laisser pour compte et pour qu'il demeure un acteur économique au même titre que les autres secteurs auxquels on octroie sans lésiner moyens financiers et encouragements de tout genre. Sachant par ailleurs que sur le marché mondial des céréales les prix sont à la hausse depuis l'été dernier et qu'ils le demeureront pour cette année. Ce facteur devra impérativement imposer au gouvernement une révision de stratégie en la matière des décisions prises jusque-là afin que justice soit rendue à ceux qui nous nourrissent. Cela commence par un geste significatif au niveau du prix du blé avec en premier lieu au moins la division par deux de la somme à déduire pour cause de grains métadinés et ensuite la création d'un fonds pour stockage de fourrage dont on aura besoin au cours des années de faible pluviométrie. C'est le moins qu'on puisse exiger pour le moment.