Grèves intempestives, sit-in interminables, frustration des magistrats, fuites de symboles du régime déchu sous la barbe et le nez de la police des frontières, prolongement du délai d'inscription sur les listes électorales. Un quotidien désolant fait de dépit et d'amertume, loin, très loin de l'euphorie engendrée par le soulèvement des trois journées glorieuses de janvier. Revenir à une évidence cruelle telle est la réalité amère et dure qui taraude et érode notre vécu, devenu insupportable à vivre et où la cherté de la vie ne fait qu'envenimer encore plus la situation. Un soulèvement spontané et glorieux mais qui, au fil des mois, s'essouffle et s'effrite pour sombrer dans le marasme et la gabegie absolus. Ni le gouvernement de transition et encore moins la Haute Instance de la protection de la Révolution ne semblent contrôler la situation. Tout s'entremêle. Quant à la centaine de partis prétendant participer à jeter les bases d'une démocratie ardemment espérée et souhaitée, ils semblent être en perte de vitesse prêchant la bonne parole dans un désert apocalyptique, où nul écho ne peut résonner et porter un élan à qui puisse entendre. A vrai dire, le Tunisien à quelque classe qu'il appartienne, semble vivre hors du temps et hors du vécu contemporain, frappé d'une myopie héréditaire devenue par la force des choses chronique et inguérissable - appelant à son chevet les éminents sociologues et guérisseurs occidentaux accourus en toute hâte si bien intentionnés qu'ils sont (fatalité oblige) mais en pure perte. Il nous faudrait alors des décennies Lumière pour nous débarrasser de ce carcan et nous défaire de cette torpeur avilissante et étreignante. Et dire que nous avons fait une Révolution. Sommes-nous, en fait, capables de la réussir et d'en être dignes.