Le premier ministre, Mr Béji Caid Essebsi, a insisté, hier à Tunis, sur la nécessité de repenser le modèle de développement suivi jusqu'à présent par la Tunisie et dont l'échec cuisant a été le principal déclencheur de la Révolution tunisienne. Ouvrant, mercredi 21 septembre, à Gammarth, un séminaire international organisé par le ministère des affaires sociales sur le thème ‘'justice sociale et lutte contre exclusion dans un contexte de transition démocratique'', le premier ministre a recommandé de mettre l'accent davantage sur la pauvreté, le chômage, la protection sociale, le déséquilibre régional. Il a émis l'espoir que les conclusions de ce séminaire serviront à jeter les bases d'une approche économique et sociale allant dans cette direction. Il a accusé l'ancien régime de Ben Ali d'avoir provoqué une véritable fracture sociale au sein de la société tunisienne. Dans cette perspective, et s'adressant, nommément, au secrétaire général de l'UGTT, et à d'autres partenaires sociaux, Mr Béji Caid Essebsi a appelé à un partage des sacrifices en cette période transitoire par laquelle passe la Tunisie. Il a préconisé l'élaboration d'une feuille de routes qui fixe les priorités et les voies et moyens à mettre en œuvre en vue d'assurer la continuité de l'action dans l'immédiat et pour le long terme. Après avoir passé en revue les efforts considérables déployés par le gouvernement de transition afin de promouvoir l'emploi, améliorer la situation économique et sociale des catégories faibles, remédier tant soit peu au legs de l'ancien régime en matière de déséquilibre régional, le premier ministre a évoqué le programme économique et social étalé sur cinq ans que le gouvernement a élaboré et présenté à la communauté internationale pour contribuer à son financement. Il s'est dit persuadé que si tout va bien, et contrairement aux promesses fallacieuses faites par l'ancien président, deux jours avant sa déchéance, concernant la création de 300 mille emplois, en peu de temps, et autres nouvelles surenchères du genre, ce programme quinquennal, inspiré des principes ayant guidé la Révolution tunisienne, permettra de régler le problème du chômage en Tunisie, qui s'est accru, de façon alarmante, cette année, ainsi que de relever les autres défis affrontés par notre pays, en matière de développement économique et social. Ainsi, malgré une croissance nulle, le gouvernement transitoire a pu créer et assurer, depuis janvier, plus de 50 mille postes d'emplois. En effet, le coût de ce programme quinquennal est estimé à 125 milliards de dollars, soit 25 milliards dollars, par an, tandis que le groupe des 8 pays les plus nantis du monde, les institutions financières internationales et l'ensemble de la communauté internationale se sont engagés à apporter l'assistance et l'aide nécessaires à la Tunisie pour la réalisation de ce programme. Il a salué l'organisation de ce séminaire international sur la justice et l'exclusion dans un contexte de transition démocratique, le qualifiant d'heureuse initiative. ‘'Le gouvernement prête une attention majeure au thème du séminaire, a-t-il ajouté, car il est au cœur de l'action politique. D'autant que la Révolution tunisienne a ceci de caractéristique qu'elle a été réalisée par des jeunes gens issues des régions défavorisées, en dehors de tout encadrement, de tout leadership, et de toute référence religieuse ou idéologique quelconque, ainsi que loin de toute influence étrangère. Ces jeunes gens sont descendus, dans les rues, la poitrine nue, pour dire non à un régime despotique et ils ont réussi à le renverser car ils avaient la justice, à leur côté, en sortant protester contre la corruption, l'injustice, la tyrannie et l'oppression.
Objectifs
De son côté, Mr Mohamed Ennaceur, ministre des affaires sociales, a exposé les objectifs de ce séminaire tenu, en collaboration avec l'Organisation internationale du travail (OIT), et autres partenaires nationaux et internationaux , savoir la présentation de l'état de connaissance du phénomène de la pauvreté et de l'exclusion et l'échange des expériences en matière de mesure et de lutte contre ce phénomène, afin de contribuer à améliorer la connaissance des méthodes et des moyens permettant la réalisation de la justice sociale. La mesure et l'appréciation de la pauvreté et de l'exclusion différent un peu partout dans le monde et chacun adopte pratiquement ses critères particuliers à ce sujet. La Banque mondiale possède ses propres critères, l'Union européenne applique des critères propres. Ces différences existent au niveau d'un même pays, comme il s'est produit en Tunisie, ces derniers mois, où une vive discussion a été engagée sur la mesure de la pauvreté et son taux réel en Tunisie, le ministère des affaires sociales l'estimant à 24, 5 %, alors que l'Institut national des statistiques l'estime entre 11% et 4% sur la base des critères de la Banque mondiale (11% pour le revenu à 2 dollars par jour et 4% pour le revenu à un dollar par jour). Cependant, comme l'a dit le ministre, la pauvreté reste, en définitive, un sentiment personnel. Mr Mohamed Ennaceur a plaidé pour l'institution d'un revenu minimum d'insertion pour tous, à titre de protection sociale généralisée, comme en France, entre autres. Mr Charles Dan, directeur régional de l'OIT, pour l'Afrique, a qualifié la pauvreté et l'exclusion de bombes à retardement pour toutes les sociétés, comme l'ont si bien illustré les récentes Révolutions arabes, et à leur tête la Révolution tunisienne, notant que 8 personnes sur 10 dans le monde ne bénéficient pas de la protection sociale, et appelant à l'adoption d'un nouveau dialogue social pour un nouveau contrat social plus axé sur les préoccupations sociales. L'OIT a réalisé une étude à ce propos qui sera incessamment publiée. Les travaux du séminaire sont étalés sur deux jours, avec la participation d'une élite d'experts nationaux et internationaux, de décideurs, de chercheurs et de représentants de nombreuses Instances et institutions internationales. Salah BEN HAMADI