«Pas d'inquiétude» est l'un des 435 romans français parus lors de la rentrée littéraire 2011. L'auteure, Brigitte Giraud, est née en Algérie en 1960. Elle a notamment publié «La Chambre des parents» (Fayard, 1997), «Nico» (Stock, 1999), «Marée noire» (Stock, 2004), «J'apprends» (Stock, 2005), «Une année étrangère » (Stock, 2010), «À présent» (Stock, 2001) et «L'Amour est très surestimé» (Stock), prix Goncourt de la nouvelle 2007. Dans «Pas d'inquiétude», son dernier roman, elle reconstitue le combat d'un père contraint à rester au chevet de son fils malade. C'est donc le témoignage d'un père – qui est le narrateur – face à une situation nouvelle, inattendue à laquelle il apprend à s'habituer bon gré mal gré en l'absence de sa femme qui vient juste d'être embauchée dans un nouveau poste et ne peut se permettre de s'absenter pour ne pas perdre son métier. Devenu homme au foyer malgré lui, le père est obligé de prendre un long congé de l'imprimerie où il travaille et de se séparer de ses collègues pour rester auprès de son fils atteint, selon son médecin traitant, d'une maladie incurable. Les parents ont dû aussi renoncer à un déménagement à une nouvelle maison qu'ils viennent d'acquérir. Le voici plongé dans une vie domestique lente, monotone, avec toujours la peur de ne pas être à la hauteur des soins prodigués à son fils malade, de ne pas trouver les mots et les gestes appropriés pour communiquer avec lui. Ce tête-à-tête avec Mehdi, le fils, que la maladie affaiblit chaque jour davantage le fait éloigner progressivement du monde extérieur et le met à l'écart de la société. Et dire que ce père ne doit pas perdre de vue sa fille aînée encore adolescente qui a aussi besoin de lui, Quant à l'enfant malade, qui est conscient de la gravité de son état, sans pour autant avoir les mots pour l'exprimer, il passe son temps à rassurer ses parents. Ce qui est original et d'autant plus touchant, c'est que la maladie est racontée du point de vue du père, non celui du malade ou de la mère ! « Ce fut [...] un début en douceur, sans la violence des mots, une auscultation tout en retenue, et en rentrant tournait dans ma tête la dernière phrase prononcée par le médecin. Plus je remâchais ce pas d'inquiétude, plus ma gorge se serrait. Pas d'inquiétude n'était pas compatible avec sans tarder, le médecin se contredisait, et en même temps je me rassurais, non, rien de plus normal, il voulait juste qu'un spécialiste prenne le relais, son sérieux était réconfortant, il valait mieux envisager les choses à temps. » C'est dans cet extrait que la mauvaise nouvelle est annoncée, que le grand malheur s'est abattu sur la petite famille, quoique l'expression « pas d'inquiétude », prononcée par le médecin, semble un peu rassurant pour les parents. Mais il ne s'agit en réalité que d'un euphémisme souvent utilisé par les médecins pour ne pas choquer le malade ou les siens ! Toutefois, tout au long de la lecture, le lecteur ne trouve pas de descriptions détaillées concernant cette maladie, sauf que le traitement sera long et le résultat est incertain ! C'est que l'auteure s'intéresse surtout à décrire les bouleversements subis surtout par le père à cause de cette maladie. Elle met l'accent sur la nouvelle routine dans laquelle le père apprend à vivre. Elle insiste sur son chagrin, son combat quotidien contre la maladie de son fils qui l'oblige à transformer toutes les habitudes et les règles de son existence, le menant à perdre l'équilibre qu'il a toujours maintenu entre la vie sociale et la vie familiale. Bref, la maladie du fils lui donne un autre sens à la vie ! C'est le dévouement d'un père qui risque de perdre son travail pour avoir choisi de rester auprès de son fils malade ! Seulement, ce sacrifice paternel est récompensé par le geste, ô combien précieux et généreux, de ses collègues de l'imprimerie qui décident de lui donner de leurs congés pour lui permettre de renouveler les journées qu'il consacre à Mehdi, l'enfant malade ! Ce geste inattendu donne au roman un tournant décisif tant il témoigne d'un élan de solidarité de la part des collègues, un don certes, mais qui, aux yeux du père, passe pour une dette qui vient le bouleverser davantage, surtout qu'il s'agit d'un geste auquel il ne s'attendait jamais. « Je devenais leur obligé... Je me sentais regardé et donc écrasé, soutenu mais écrasé, drôle de paradoxe », pense-t-il. De nos jours, la générosité étant rare, il y a de quoi s'étonner ! Le geste des collègues est aussi bien rassurant qu'inquiétant pour un père qui, à force de garder le chevet de son fils malade, a perdu toute notion de vie sociale ou de communication avec la société, avec l'extérieur ! Bref, ce roman tente d'analyser l'amour paternel qui est, le cas échéant, prêt au dévouement pour les autres, tout en posant la question de la solidarité entre les individus, du don, de la dette, des devoirs et des obligations envers autrui. De même, il s'interroge sur le rôle des parents, notamment celui des pères, de nos jours, et à quel point ils sont prêts à se consacrer pour leur progéniture ! Tout cela est exprimé dans un style élégant et puissant avec des mots bien choisis et des tournures bien sculptées qui décrivent avec une grande justesse les perturbations familiales qu'engendre la maladie du fils ! Hechmi KHALLADI
**« Pas d'inquiétude » de Brigitte Giraud, Ed. Stock, septembre 2011, 270 pages