• La sensibilité de Ben Jaâfar et Marzouki, quelque peu écorchée Alors qu'à l'extérieur le sit-in Bardo I persiste, attise la curiosité et attire la foule, au sein du siège de l'Assemblée Constituante la séance plénière de l'après-midi battait son plein autour des deux articles 7 et 8. L'article 7 du chapitre 3 du Pouvoir législatif qui désigne le corps politique qui représenterait le pouvoir législatif dans l'état d'exception et l'article 8 du chapitre 4 du Pouvoir exécutif, Section 1 et qui est consacré aux critères du Président de la République ont été les deux projets de lois à débattre hier. Entre tergiversions, quelques anecdotes et discussions ponctuées parfois de discours de sourds, les élus ont voté pour ou contre ou en s'abstenant sur les deux textes de lois proposés par la commission de l'Assemblée. Le pouvoir législatif aux mains des trois présidents en cas d'état d'exception La modification du texte de loi de l'article 7 a été sujette à plusieurs critiques de la part des députés. Néanmoins, la proposition qui a été donnée par la commission de l'Assemblée a été votée comme suit : 214 voix pour, 2 contre et un seul qui s'est abstenu. Après avoir entendu les suggestions des élus, le nouveau texte de loi qui désigne le pouvoir législatif en cas d'état d'urgence, de guerre, de catastrophes naturelles, etc.… stipule que «si jamais dans une situation très critique et d'exception, les membres de l'Assemblée Constituante n'arrivaient pas à se réunir et que la séance plénière ne pourrait avoir lieu, et après vérification de la véracité de l' état d'urgence, la majorité devra procurer son rôle de pouvoir législatif ou une partie de lui aux président de l'Assemblée Constituante, le président de la République et le Chef d'Etat. Ces derniers exerceront leur spécialité en publiant des décrets de loi sur lesquels ils devraient être d'accord. Une fois l'état d'exception passé, le président de l'Assemblée ou l'un tiers au moins devra inviter le reste des élus afin d'annoncer officiellement la fin de cette période de procuration et pour voir après les décrets publiés afin de les promulguer, les modifier ou les annuler.» Malgré le vote, quelques élus ont manifesté leur mécontentement en signalant que la décision sur ce projet de loi a pris trop de temps, chose qui se fait au détriment de l'état économique du pays et au milieu d'un contexte social assez critique (des sit-in, des grèves, etc..) et qu'il faudra revoir la démarche dans l'exposition des suggestions et de la prise de la parole pour pouvoir passer aux textes de lois qui concernent les projets de loi budgétaire. Un autre élu déclare que l'article 7 qui équivaut celui du numéro 16 de la Constitution française, laisse beaucoup de zones de flou et a été exploité par les dirigeants des pays arabes afin d'exercer un pouvoir absolutiste et que même en période de guerre, l'Assemblée doit garder son rôle de pouvoir législatif indépendant et seule maîtresse de la situation. L'article 8 a fait couler beaucoup d'encre L'article 8 qui s'occupe de la présidence de la République a été très discuté et chahuté par plusieurs élus surtout par rapport à la nationalité du prochain président. La Commission a décidé ainsi que le prochain Président de la République devra être un Tunisien de père et de mère, n'ayant aucune appartenance politique. Il devra quitter son poste en tant que membre de l'Assemblée, si c'est le cas, avant d'avoir prononcé le serment. Il devra avoir au minimum 35 ans et n'avoir que la nationalité tunisienne. Avant de proclamer le projet de loi proposé par la commission, 13 suggestions ont été exposées à cette dernière. Deux points ont été longuement discutés. Le premier, c'est l'âge minimal du président entre 40 et 50 ans, jugeant que 35 ans n'est pas un âge qui donne au candidat de la présidence le temps d'avoir déjà fait une carrière politique assez riche et expérimentée. On a aussi proposé de limiter l'âge du président à 65 ou 70 ans. Chose qui a quelque part vexé Mustapha Ben Jaafer et Moncef Marzouki … Le second point qui a été celui de la discorde, c'était la nationalité du futur président. Plusieurs élus ont contesté ce critère puisqu'ils ont la double nationalité. Le fait y est, 14% des électeurs vivent à l'étranger et ont la double nationalité. D'autres députés ont critiqué cette partie du texte étant donné que les ressortissants tunisiens sont dans la majorité fils de militants et d'opposants et que ce n'est pas à eux de payer les pots cassés et l'hériter la marginalisation de l'ancien régime. Sur ce point l'élue et militante féministe tunisienne Nadia Chaâbane vivant en France a fortement critiqué le fait que certains ébranlent le patriotisme de ceux qui n'ont pas la nationalité tunisienne ou ceux qui en ont une autre en parallèle. Article 9, les conditions d'élection du président de la République L'Assemblée constituante élit le président de la République avec le système de vote confidentiel avec la majorité de ses membres entre deux candidats qualifiés qui ont été élus par 15 membres de l'Assemblée au minimum, juste après la proclamation de cette loi. Chaque membre n'a pas le droit d'élire plus d'un candidat. Dans le cas où l'un des candidats n'a pas pu avoir la majorité des voix dans le premier tour, un second tour sera organisé entre les deux candidats ayant eu la première classe et la seconde selon la base de la majorité et si le nombre des voix est le même, sera élu celui qui est plus âgé des deux. Un point qui a été contesté par certains. Or, 183 députés étaient pour ce texte de loi, 5 contre et deux se sont abstenus. Et la séance se poursuivit jusque tard dans la nuit.