L'exposition personnelle de Néjib Zneidi qui se tient à la galerie Sémia Achour à la Soukra est composée de 29 toiles figuratives représentant des natures mortes à la manière d'un Cézanne dont le peintre est sans doute admiratif. Nous voici face à une composition somme toute banale. Sur une table recouverte d'une nappe dont le coin est légèrement relevé trône un vase rempli de roses. A droite de ce vase, un livre est ouvert. Il est à peine entamé et au premier plan, une tasse de café vide. L'arrière-plan, un mur, est vide. Bien que l'espace de la toile soit plein de ces éléments, il y a comme une sorte de vacuité. Que s'est-il passé dans ce décor ? Nous sommes à la recherche d'un sens à donner à cette figuration. Qu'est-ce qui a poussé l'auteur de cette huile à réaliser cette composition ? Les objets ont-ils été disposés par le peintre ou la scène s'est présentée à lui de façon spontanée ? Qu'est-ce qui a attiré le plus son attention ? Les roses, le livre, le café ou alors les trois ensemble ? Répondons une à une à nos interrogations. D'abord que s'est-il passé ? Un lecteur a peut-être abandonné son livre ouvert après avoir bu son café et a quitté les lieux précipitamment bousculant la nappe de la table. Qu'est-ce qui a attiré le regard du peintre ? Les roses, le livre, la tasse de café ou l'ensemble et que reflète –t-il cet ensemble ? Il est évident que l'artiste illustre à travers cette représentation un art de vivre d'un modèle de société où les senteurs, les odeurs, les goûts et les visuels ont un sens. Qui s'intéresse de nos jours aux fleurs ? elles ne sont présentes que dans certaines occasions, d'ailleurs comme la lecture. Rares sont ceux qui prennent la peine de lire un livre. Alors, il y a donc dans cette représentation quelque chose qui relève d'un autre temps. Le temps du souvenir. Le tableau restitue une histoire d'un temps passé où ces éléments réunis avaient leur importance. Il s'agit bien entendu de l'intérieur d'un intellectuel ou d'un cultivé sensible et romantique. Les roses semblent être cueillies du jardin de la maison du fait de leur disposition inégale. Certaines sont encore en bourgeons. Il n'y a pas de luxe ostentatoire. L'ensemble est simple et de bon goût. Il semble, d'autre part, qu'il y a eu une mise en scène de la composition en raison de la disposition au moins de la nappe. Les roses font de l'ombre au livre disposé derrière la tasse. Et cela nous rappelle une belle chanson de Françoise Hardy : « on est bien peu de chose, c'est mon amie la rose qui me l'a dit ce matin ». Une mise en scène qui montre à quel point la représentation aussi naïve soit-elle reflète l'histoire d'un vécu qui aujourd'hui paraît fugace. Voilà ce que nous dit la toile de Néjib Zneidi, qui peint depuis une vingtaine d'années le même motif floral.