La Tunisie connaît depuis le 14 janvier, une floraison des partis politiques, une liberté de débat sans précédent. Elle commence aussi à voir des pratiques réservées, jadis aux pays à longue tradition démocratique, comme les sondages d'opinions. Des bureaux commencent à avoir pignon sur rue et communiquent les résultats de sondages d'opinions. Le dernier en date est celui du bureau CCC, édité par le Maghreb révélant, entre autres, une chute de la popularité d'Ennahdha et la grande confiance dont jouissent Béji Caïd Essebsi, l'ancien Premier ministre et le président provisoire Moncef Marzouki. D'autres sondages d'opinions ont été réalisés, comme celui de l'Institut de Sondages et de Traitement de l'Information Statistique (ISTIS) consacré à la situation politique dans le pays huit mois après la Révolution. Avant les élections du 23 octobre, plusieurs sondages ont été effectués, par différents bureaux d'étude. Des polémiques avaient éclaté à propos de la crédibilité de ces sondages. «Le forum des sciences sociales appliquées” avait aussi publié son 3ème sondage d'opinion, réalisé entre le 03 et le 07 janvier 2012 et se rapportant à la perception de l'avenir par le citoyen tunisien. La publication des résultats des sondages d'opinion commencent à se démultiplier. Sont –ils tous crédibles ? L'Institut Arabe des droits de l'Homme (IADH) et l'Institut de Presse et des Sciences de l'Information (IPSI) avec la collaboration de la Fondation Konrad Adenauer Stiftung ont organisé à Tunis du 16 au 18 janvier courant un atelier de formation sur les techniques de communications politiques. La question des sondages était au centre des débats, hier matin. Pour introduire les débats, Anouar Moalla, communicateur a repris une citation de François Mitterrand cité par Jacques Ségala où il disait : «Les sondages ont de la mémoire mais pas d'intelligence. Ils ne savent pas décider. Ils informent et encore moins ne lisent que le passé, jamais l'avenir. Pâle photocopie de ce qui s'est fait, ils sont bien incapables de dicter ce qui est à faire. La sondagite est un mal du temps, le temps la guérira ». Pour l'abolition de la peine de mort en France, tous les sondages montraient que les Français étaient à 70% contre. Trois ou quatre mois après, 80% des Français étaient favorables à l'abolition de cette peine capitale. Dr. Konrad Schwaiger définit le sondage comme « un baromètre de l'opinion publique, utilisé par tout le monde, surtout les partis politiques ». Dans un intervalle de temps, les sondages renseignent sur une possible réalité politique, si jamais les élections se dérouleraient dimanche prochain. « C'est tout juste un outil de réflexion dans le cadre de la discussion politique », dira-t-il. Les hommes politiques doivent poursuivre leur action, surtout que les résultats des sondages d'opinion changent nécessairement. Lorsqu'un parti est au pouvoir, il ne doit pas oublier qu'un laps de temps est toujours nécessaire pour la réalisation d'un programme. Jusqu'à l'échéance suivante, il doit suivre l'évolution de l'opinion publique. Cela lui permettra de voir s'il y a une amélioration ou non du degré de satisfaction sociale. A un certain moment les sondages ne doivent plus être publiés avant l'échéance électorale. En Tunisie, l'Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE) avait décrété l'interdiction de publication des résultats des sondages du 2 au 23 octobre. En Allemagne l'interdiction court jusqu'à trois semaines avant les élections. Il n'y a pas de normes internationales. Quelles sont les conditions nécessaires pour qu'un sondage soit crédible ? A cette question, le conférencier répond qu'il n'y a pas de conditions. C'est à la presse de donner l'information, car elle est utile, tout en rappelant que « la presse n'est pas là pour manipuler l'opinion publique ». Pluralité des bureaux de sondage En Allemagne avec les cinq ou six bureaux de sondage politiques, il est possible d'avoir une image directe d'une campagne électorale. Il suffit de consulter les résultats des différents sondages. D'ailleurs les sondages sont juxtaposés dans les journaux. Il est difficile d'avoir un coefficient de correction. Parfois les chefs de partis politiques demandent des sondages raffinés, pour savoir dans quels domaines, ont-ils la cote ? Les sondages sont très utiles dans les domaines économiques et sociaux. Sur le plan politique, les choses sont biaisées. L'expérience en Tunisie, d'avant les élections est très instructive à ce niveau. Nous sommes en période d'apprentissage. Sur le plan politique, l'opinion publique est alimentée par les médias. Personne n'est tenu de croire aux sondages. Le jour des élections, on peut juger la qualité du sondage. Si l'institut de sondage se trompe dix fois, il n'est plus crédible. Si le résultat est le même à 0,3% près, il peut être considéré comme bon. Comme en Europe, plus le nombre d'Instituts de sondage est élevé, plus il est possible d'avoir de bons résultats. La pluralité dans les sondages, doit suivre la pluralité politique. La comparaison avec l'Europe ne doit pas être totale. « Les variables d'un sondage effectué en Europe, ne doivent pas être les mêmes qu'en Tunisie », dira un participant. Tenir compte du taux de scolarisation est très important en Tunisie. Le clonage n'est pas utile au contexte tunisien. Pour montrer que les sondages donnent une image relative au passé, Konrad Schwaiger, parlera des évènements qui peuvent survenir à la dernière minute et tout changer. Il expose l'exemple de Gerhard Schröder qui s'était déplacé au moment des inondations en 2002 et a gagné de justesse les élections pour les perdre aux élections suivantes. Les Tunisiens vivront-ils ce genre de moments ?