• Le ministre justifie la consultation préalable du Tribunal administratif avant la promulgation d'une circulaire interdisant le port du Niqab, par la suspension de l'ancienne Constitution • Et pourtant, le Tribunal administratif vient de rejeter le recours introduit par une étudiante réclamant le port du Niqab durant les cours et les examens ! • Vers le recrutement de 350 agents de sécurité et le déploiement d'agents de l'ordre aux alentours des facultés pour empêcher les intrus d'y accéder Après avoir considéré le port du Niqab à l'Université comme étant un épiphénomène qu'il faudra gérer à travers le dialogue, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique refuse toujours de se positionner clairement sur cette affaire à l'heure où les partisans du voile islamique intégral continuent à souffler le chaud et le froid à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba. C'est, du moins ce qui ressort, d'une réunion tenue mardi entre Moncef Ben Salem, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, et les membres du Bureau exécutif de la Fédération générale de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FGESRS). Accompagnés de Anouar Ben Gaddour et Hefaïedh Hefaïedh, secrétaires généraux adjoints de l'UGTT chargés respectivement des études et de la fonction publique, les membres du Bureau exécutif de la FGESRS ont réclamé l'introduction d'un paragraphe interdisant de manière claire le port du Niqab durant les cours et les examens dans la circulaire stipulant l'identification des étudiants promulguée en 2005. La réponse du ministre fut sans appel: le ministère ne peut aucunement promulguer une telle circulaire sans consulter le tribunal administratif puisque la Constitution a été suspendue ! Faux fuyant de la part d'un ministre membre du mouvement islamiste Ennahdha, qui semble refuser de heurter la sensibilité des salafistes, ou la légalité constitutionnelle ? Quoi qu'il en soit, les universitaires ne comptent pas lâcher prise et envisagent de défendre mordicus les décisions des conseils scientifiques. « En attendant que le tribunal administratif se prononce sur la question, comment allons-nous gérer la détérioration du climat général à l'Université ? Des enseignants ont été insultés, molestés et humiliés devant leurs étudiants», s'offusque Houssein Boujarra, secrétaire général de la FGESRS. Selon lui, le tribunal administratif que le ministère est en train de consulter a rejeté tout récemment le recours introduit par une étudiante inscrite à la Faculté des Sciences de Tunis qui réclamait le port du Niqab durant les cours et les examens. «Un cas de jurisprudence existe. Et j'imagine mal le tribunal administratif se contredire», précise M. Boujarra. Sécuriser l'Université En ce qui concerne la demande des universitaires de déployer un dispositif sécuritaire opérant devant les facultés et dans leurs alentours pour empêcher les personnes étrangères d'y accéder, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a précisé que le gouvernement a déjà pris la décision de recruter 350 agents de sécurité et de déployer des agents de l'ordre aux alentours des facultés. «Nous avons demandé le recrutement de 500 agents de sécurité dans les seules facultés du Grand Tunis, mais le ministre nous a fait comprendre que les moyens financiers dont dispose le gouvernement ne lui permettent d'engager que 350 agents. Cette mesure va , quand même, dans le bon sens», indique le secrétaire général de la Fédération générale de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique. A noter que les salafistes ont repris, lundi, leur sit-in, levé le 5 janvier, à la Faculté des Lettres de la Manouba des Arts et des Humanités de la Manouba. Six étudiantes portant le Niqab ont également annoncé, hier, avoir entamé une grève de la faim. Le doyen de la Faculté Habib Kazdaghli a, quant à lui, indiqué que l'administration a recensé 20 actes d'agression contre des enseignants depuis la reprise des cours, le 9 janvier. Ces agressions ont été, selon lui, perpétrés par un groupe de 15 à 20 personnes qui s'en prennent aux enseignants dès que ces derniers refusent l'accès en classe à une étudiante en Niqab. Les partisans du voile islamique intégral avaient occupé à partir du 28 novembre les locaux de la Faculté de la Manouba, où sont inscrits quelque 13.000 étudiants, obligeant la direction de l'établissement à suspendre les cours entre le 6 décembre 2011 et le 8 janvier 2012. Walid KHEFIFI
Les universitaires réclament des salaires équivalents, à ceux de leurs collègues marocains et algériens Outre l'affaire du port du Niqab et les agressions contre les enseignants, la Fédération générale de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a formulé lors de sa réunion avec le ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique plusieurs revendications corporatistes. Les universitaires ont notamment réclamé des salaires équivalents à ceux de leurs collègues marocains et algériens. «Le salaire d'un universitaire en Tunisie représente en moyenne la moitié de celui de son collègue marocain ou algérien. Ces deux pays voisins se trouvent, pourtant, dans une situation économique et sociale semblable à la notre », précise Houssein Boujarra, secrétaire général de la fédération. Les enseignants du supérieur ont également réclamé le versement de leurs honoraires relatifs aux heures supplémentaires remontant à plusieurs années et de la prime de la rentrée universitaire qui ont fait l'objet d'un accord avec le ministre de l'Enseignement supérieur du gouvernement de Béji Caïd Essebsi. Ils ont, par ailleurs, appelé le ministère à remplacer les directeurs de certains établissements de l'enseignement supérieur «peu qualifiés» par des responsables plus compétents. Ces établissements, dont les responsables sont accusés de mauvaise gestion, sont l'Ecole préparatoire aux études d'ingénieur de Bizerte, la Faculté de lettres de Kairouan, l'Institut du transport et de la logistique de Sousse et l'Institut supérieur de la musique de Sousse.