•Ettajdid, le PTT et quelques indépendants du PDM partent «sur de nouvelles bases» Révolution de la Liberté et la Dignité, a débouché lors de la première étape transitoire, sur des élections qui ont fait apparaître un grand déséquilibre dans les rapports de force, entre les partis gagnants et leurs poursuivants. Des initiatives ont été entreprises pour dresser le bilan de ces élections et leurs péripéties et en tirer les leçons nécessaires. Une première tentative de regroupement fut esquissée le 11 janvier dernier, engageant le Parti Démocrate Progressiste (PDP), Afek Tounes et le Parti Républicain qui doivent fusionner dans un seul parti à l'occasion du prochain congrès du PDP. Une deuxième initiative a été annoncée hier par Ettajdid, le Parti du Travail Tunisien (PTT) et quelques indépendants du Pôle Démocratique Moderniste (PDM) pour la fondation d'un parti « réellement nouveau »…après le prochain congrès d'Ettajdid. Une unanimité s'est dégagée quant aux causes de la déroute des forces progressistes et démocratiques lors des dernières élections. L'émiettement de ces forces en est une des principales raisons. Les initiateurs de cette nouvelle initiative tiennent à donner au nouveau parti une orientation socio-démocrate. Tout en s'attachant au modèle culturel et civilisationnel arabo-musulman, avec ses spécificités tunisiennes faites d'ouverture sur le monde, l'option converge vers un modèle de développement qui rompt avec le libéralisme sauvage qui avait provoqué les déséquilibres entre les régions, les secteurs et les catégories sociales…La mise en place d'un nouveau pacte social fondé sur le travail, la solidarité, la justice et l'esprit de citoyenneté est revendiquée. Ainsi, le droit au travail, à l'enseignement, à la santé et à la protection sociale serait un droit légitime bénéficiant à tous. Le nouveau parti compte défendre un régime républicain démocratique garantissant les libertés publiques et individuelles, la séparation des pouvoirs, l'égalité entre hommes et femmes, la neutralité de l'administration, des lieux de culte et des services de sécurité. Les espaces religieux et politiques devront être séparés par respect au caractère sacré de la religion et pour lui éviter d'être instrumentalisée à des fins politiques. Dans un régime démocratique, la souveraineté revient au peuple. Un premier pas En présence de plusieurs personnalités nationales comme Saïd Aydi, ancien ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Taïeb Baccouche, militant des Droits de l'Homme et ancien ministre de l'Education nationale, Bochra Bel Haj Hamida, ancienne présidente de l'Association des Femmes Démocrates et une des premiers démissionnaires d'Ettakatol, Abdeljelil Bédoui, coordinateur du Parti du Travail Tunisien (PTT), devait rappeler que des commissions se sont penchées depuis la première semaine qui avait suivi les élections du 23 octobre, sur l'unification des forces modernistes, démocratiques et républicaines. Il considère que bâtir un parti centriste n'est pas seulement un choix mais une nécessité. Chaque parti a fait son bilan. 1300.000 voix n'ont pas été représentées à la Constituante et 1500.000 voix ont accaparé 41% des sièges. « Il faut rééquilibrer les choses, en créant une force politique capable d'assurer l'équilibre, pour créer les conditions d'une alternance », dit-il. Au départ les négociations étaient engagées entre cinq partis : le PDP, Afek Tounes, le Parti Républicain, le Pôle Démocrate Moderniste (PDM) et Ettajdid. Chemin faisant les trois premiers partis ont préféré faire vite et annoncer leur prochaine fusion en un seul parti. « Nous saluons ce premier pas et le considérons comme une étape pour la constitution d'une aile libérale d'un grand parti national. Nous œuvrons pour la formation de l'autre aile démocrate progressiste », affirme Abdeljelil Bédoui. Les deux ailes doivent s'unir en un grand parti capable d'attirer les différentes composantes de la société tunisienne s'identifiant au projet moderniste. Le parti Ettajdid devra entériner ce choix lors de son prochain congrès. Le Parti du Travail Tunisien le fera lors de la prochaine réunion des instances de sa direction. « Nous vivons, un grand moment historique, un virage déterminant et un défi civilisationnel. Il faudra choisir entre une société moderne qui sauvegarde ses acquis et les consolide ou bien une société passéiste, saadiste », affirme Abdeljelil Bédoui, qui ajoute que « les dirigeants tiennent à des positions avant-gardistes plutôt qu'à un positionnement de leaders ». Ni absorption, ni addition Ahmed Brahim (secrétaire général d'Ettajdid), tient à rappeler la prise de conscience aigüe du constat de déséquilibre des forces politiques. Il est nécessaire de créer un large mouvement démocratique permettant l'alternance. Dans la construction de cette force, il ne s'agit pas de rejoindre un autre parti, « même si c'est une démarche positive, mais il s'agit de créer un nouveau parti, qui rejoindra le premier », dit-il. C'est une étape décisive fondée sur des principes clairs. « Le nouveau parti, tout en n'étant pas le fruit d'une absorption par un autre, n'est pas non plus une simple addition de partis ». D'autres indépendants sont attendus. Nadia Châabane, indépendante et constituante du Pôle, plaide pour « le renforcement du camp progressiste ». Elle estime qu'il n'est pas question de dire que la situation est difficile et ne rien faire. « Au-delà de la rédaction de la Constitution, la vigilance doit être de mise. L'unité renforce les espoirs. Les citoyens attendent de nous un langage de vérité. Il y a un problème d'orgueil chez certains hommes à dépasser. J'ai participé en 2004 à l'initiative démocratique. Il faut aller plus loin pour la diffusion de la culture de l'égalité entre hommes-femmes, régions et catégories sociales. Il ne faut pas rester tributaire des débats de la majorité au pouvoir. Il ne faut pas baisser les bras », dit-elle. Faouzi Charfi, un autre indépendant qui a beaucoup bataillé pour l'unification des forces progressistes, a rappelé que la société civile a senti des « dangers réels après les élections du 23 octobre ». Il pense que les militants qui ont réussi à participer aux élections doivent passer le témoin aux jeunes. Chacun doit oublier un peu son égo et mieux connaître la société tunisienne. Les politiciens doivent passer à l'acte. Il rappelle que pendant la Révolution on ne se posait pas des questions sur l'identité. « Il y a une particularité tunisienne à sauvegarder et à transmettre à nos enfants », dit-il. Samira Gaddour du Parti du Travail Tunisien dira que le « problème qui se pose en Tunisie est celui du choix de société. Le combat est un combat de justice sociale, de dignité, de travail et de liberté. Nous sommes ouverts. C'est une première étape, pour l'union avec les autres forces démocratiques ». Avec cette logique de refondation, il faut s'attendre à la présentation d'une autre demande de création d'un nouveau parti. Sera-t-il au rendez-vous des prochaines échéances électorales ?