« Si je savais que ce sont les derniers moments où je te vois, je te dirais « je t'aime », sans stupidement penser que tu le sais déjà » Sur la page, les mots frissonnent, feuilles automnales emportées par un vent providentiel. Des mots tendres adressés à ceux qu'on aime et qu'on doit abandonner, pressé par l'impondérable, l'inéluctable. Des mots légers comme une brise bienfaisante, la danse d'une libellule aérienne; des mots qui tournoient telle la ronde d'un manège heureux, qui tintent comme le rire cristallin de l'enfant chéri; des mots chaleureux telle une caresse, une main qui vous effleure et vous transmet sa quiétude. Des mots qui tourbillonnent, farandole du bonheur. Des mots d'une simplicité limpide qui coulent, le murmure d'une source bénie, ultime berceuse à ceux qui vous ont aimé. Des mots patiemment tissés, minutieusement choisis, montés en chapelet de tendresse pour dire, tant qu'il est temps, combien on les aime, combien ils sont précieux. Tu me l'envoyas, ma consolante, un jour où l'hiver s'attarda dans mon cœur, un de ces jours interminables où « le ciel bas et lourd » vous écrase la poitrine et met un voile sur l'espérance. Les mots m'enveloppèrent, ondée généreuse et me purifièrent. Tu t'en voulus, te sentis coupable de ma peine et t'excusas, alors que tu me fis don des mots de grâce qui m'apaisèrent. Ultime message épistolaire, ultime confidence, ultime déclaration d'amour à ceux qui vous ont accompagné, vous ont adopté, pour dire l'intensité de l'attachement à des compagnons de route, amis chers rencontrés au gré des chemins et des hasards, leur dire la beauté du partage, le bonheur des retrouvailles, les flambées de joie, les déceptions, les désarrois, les chagrins communs, leur dire ce qui est vraiment « important », vital, leur livrer ses pensées les plus intimes en guise de testament. « C'est peut-être aujourd'hui que tu vois pour la dernière fois ceux que tu aimes, pour cela, n'attends pas, fais-le ou tu regretteras toujours de n'avoir pas pris le temps d'un sourire, une embrassade, un baiser » Tu clamas ton amour à l'être adoré, le compagnon de vie, celui dont tu aurais voulu devenir « le gardien de son âme », que tu désires inonder de mots tendres, celui que tu voudrais étreindre longuement, éternellement, lui susurrer des « je t'aime » à l'infini. S'extirper du carcan du quotidien, faire sauter le verrou de la pudeur, se libérer de l'ego et réciter les mots d'amour comme une prière quotidienne. L'amour a besoin d'être exalté, chanté. Effusion de tendresse pour l'enfant chéri qui vous tient, s'accroche à votre main pour la vie, arrimé par un lien viscéral. Guider l'enfant, mais le laisser « prendre son envol »seul. Des mots poignants pour apaiser les maux et les tourments de l'âme, tenter d'apprivoiser le temps qui passe, implacable, qui fuit et nous emporte, nous donne l'illusion de le maîtriser alors que nous sommes ses marionnettes. Le vertige du temps qui coule et érode l'amour. Les mots nous survivent et nous prolongent, s'inscrivent dans l'éternité. Des mots pour balayer ce préjugé tenace à propos de la vieillesse qui, pour beaucoup interdit le droit « de tomber amoureux ». Le cœur ne vieillit jamais, il n'a pas de rides, la vieillesse n'est pas la mort, « la vieillesse, c'est l'oubli ». Message de tendresse, de sagesse et d'espérance pour élaguer le silence, des mots forts, intenses qui nous transpercent. Une fort belle réponse à l'oubli qui menace de tout engloutir avant l'exil solitaire.