Symbole de protestations sociales depuis déjà quatre ans, la ville de Redeyef n'a pas l'air de se calmer même après la Révolution du 14 janvier 2011. Rien ne change dans cette délégation délaissée par tous les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis 50 ans. Taux de chômage très élevé, infrastructure délabrée, absence de projets économiques efficaces, conditions de vie très difficiles… La ville qui a longtemps été marginalisée n'attire toujours pas les responsables au pouvoir, d'où la détermination des citoyens de Redeyef à aller droit vers leur objectif : le droit au travail, à la vie décente et au bienêtre, pourquoi pas ! « Nous n'allons pas nous taire », s'accordent les sit-inneurs qui campent depuis le 27 mars dans le siège d'une administration sous tutelle du ministère de l'Agriculture. Ce slogan affiché par les ouvriers de l'érosion et des forêts, est partagé par tous les citoyens de Redeyef. Ils sont décidés plus que jamais à maintenir leur militantisme, rien que pour vivre dignement. Les natifs de la ville ont réussi grâce à ces actes de contestation à se forger une réputation internationale. C'est, d'ailleurs, pour cette raison que les membres fondateurs du Forum Social Mondial ont choisi cette délégation pour lancer officiellement les préparatifs de ladite manifestation internationale qui se tiendra en Tunisie en 2013. « Un autre monde est possible. Une autre Tunisie est possible », c'est le slogan que nous pouvons lire sur l'affiche où, l'on voit également les femmes de Redeyef manifester le 9 avril 2008 pour libérer les jeunes de la ville arrêtés suite aux actes de contestations. Ils sont tous mobilisés pour instaurer une meilleure vie. « Et la bataille continue », annonce Adnane Hajji, syndicaliste du bassin minier dans une salle archicomble en présence des sommités internationales : Gustave Massiah, économiste et membre central du mouvement altermondialiste, Chiko Whitaker, récipiendaire du Prix Nobel Alternatif en 2006, militant altermondialiste et membre fondateur du Forum Social Mondial ainsi que Hamouda Sobhi, membre du Conseil International du Forum Social Mondial en plus des jeunes militants tunisiens. Le samedi 14 avril restera certes, gravé dans la mémoire collective des citoyens du bassin minier. C'est à partir de Redeyef qu'on annonce le démarrage des préparatifs à un rendez-vous international. La ville qui est longtemps réprimée et négligée attire désormais l'attention des penseurs et des défenseurs internationaux des droits économiques et sociaux. Elle est l'icône de la lutte contre l'injustice sociale. Un constat confirmé par M. Whitaker. « Vous êtes là », rassure l'un des fondateurs du Forum Social Mondial en s'adressant aux présents pour les féliciter de leur courage tout en leur rappelant que « les luttes sont les mêmes parce que les mécanismes de domination sont les mêmes » dans le monde entier. Le récipiendaire du Prix Nobel ajoute : « la lutte humaine est unie, et c'est elle qui va nous pousser tous à faire valoir la volonté humaine…de lutter contre le pouvoir matériel ». Cette volonté a été confirmée à maintes reprises par les citoyens de Redeyef. « On ira jusqu'au bout pour une patrie libre et un peuple heureux », interrompaient-ils les intervenants par des chants.
Pouvoir d'achat
Nul ne peut nier que la vie dans le bassin minier est le moins que l'on puisse dire difficile. Les indices des prix sont très hauts contre un pouvoir d'achet très bas. « Il faut que la mutuelle nous rembourse rien que pour l'achat de légumes et des fruits », ironise une dame à la cinquantaine qui vient tout juste de payer le commerçant. Elle ne mâche pas ses mots pour exprimer son mécontentement de la hausse des prix. « J'ai l'impression que nous ne faisons pas partie de la Tunisie », proteste-t-elle. En effet, le kilo de pommes de terre se pratique au souk hebdomadaire de Redeyef à 2 dinars. Idem pour le poivron. Les tomates se vendent entre 1D400 et 1D600 le kilo. D'ailleurs aucun commerçant n'affiche les prix ce qui peut laisser le champ libre à la spéculation. Mais l'activité économique n'est pas très dynamique dans cette ville. Il est presque 13 heures, tous les commerces sont fermés et les vendeurs qui exposaient leurs produits ont déjà plié bagage et quitté les lieux laissant derrière eux des tas de déchets. A cette heure de la journée la ville est désertée, couverte de poussière. Cela donne une idée sur l'activité à Redeyef. « Les citoyens n'ont pas assez de moyens pour dynamiser l'économie. C'est une ville morte », fait remarquer un jeune tout en ajoutant que « les cafés restent le seul espace de loisirs pour les jeunes qui continuent de subir la mauvaise gestion des politiciens ». Il est vrai que les conditions de vie sont très difficiles dans la zone minière. Toutefois, « le jour viendra où, nous célèbrerons nos succès », rassure Adnèn Hajji tout en faisant passer un message aux membres du gouvernement provisoire. « L'alternative qui se présente à vous est de faire bénéficier la région de ses droits », attire-t-il l'attention. Le droit au travail, au développement équitable, à la dignité. Sana FARHAT