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«Le moine» et le philosophe, ma rencontre avec R.Ghannouchi
La chronique de Youssef SEDDIK
Publié dans Le Temps le 19 - 04 - 2012

• Si vous parlez de salafisme sachez que c'est un phénomène superficiel et à mon avis, provisoire
• J'ai recommandé récemment à une militante de notre mouvement d'enlever le Niqab
Il y a un vers du grand El Moutanabbi qui me sert de règle de vie et de sentiment. Je ne m'en vais pas le traduire à la manière poétique, mais voici ce qu'il dit en substance : « Je suis ainsi fait, si fidèle que, si je quittais ma vieillesse, je ne me séparerais de mes cheveux blancs que le cœur endolori et les yeux en larmes… ».
C'est de cette manière que je me suis précipité vers ma rencontre avec cet homme que j'ai connu au début des années soixante-dix dans la vaste cours du lycée Al Mansourah, près de la sainte ville de Kairouan, comme collègue. Nous étions tous les deux enseignants de philosophie, lui de pensée islamique et moi de philosophie générale. Son aura actuelle, sa position quasiment à la tête de l'Etat de mon pays ne m'ont vraiment pas du tout donné ce trac qui accompagne d'habitude toute démarche vers les puissants de ce monde. « Si » Rached, par-ci « Si » Youssef par-là, la discussion a été cordiale, feutrée, polie mais, paradoxalement, embarrassante, pour celui qui nous aurait écoutés. J'arrivais avec la volonté non de provoquer mais d'avoir le cœur net quant à connaître très précisément sa position sur ce qui se passe ces jours-ci dans le pays, et j'ai commencé, imprudent, par l'interpeller d'une manière abrupte, excessivement alarmante :
- Le pays va mal ? dis-je, sans le moindre prélude.
- Oui, le pays va mal ! m'a-t-il répondu du tac au tac.
Me voilà, désarmé, pour le restant de l'entretien. L'homme a freiné mon élan, curieusement, en se déclarant d'accord avec mon excès surfait, rhétorique, de dramatisation.
Je ramasse mes moyens ainsi dispersés, pour essayer encore d'aménager un terrain d'échange contradictoire de débat :
- Vous avez, vous, guide du Parti Ennahdha, presque tout le pouvoir, que faites vous pour prévenir le pire ?
- Vous savez, comme moi, que devant le séisme qui se prépare et promet de nouveaux reliefs, de nouvelles montagnes et de nouvelles failles, il faut attendre que le sol s'apaise et que le nouveau paysage soit analysable. Et vous savez comme moi que la Révolution française a traîné pendant des années dans les plus graves marasmes, crises et violences avant d'échouer d'ailleurs et de se conclure dans l'établissement d'un Empire avec Napoléon… La France, démocratique n'a vu le jour que cent vingt ans après 1789.
- C'est ce que vous promettez à la Tunisie, un horizon si lointain ?
- Oh, non ! Avec l'accélération des échanges, la célérité des déplacements, les performances technologiques d'aujourd'hui, ça va être beaucoup plus court…
- A combien d'années, évaluez-vous les chances de la Tunisie pour se stabiliser dans des jours meilleurs ?
- Disons… une génération !
Nous voici édifiés. L'analyse de cette manière inscrite dans la macro-histoire ne souffre pas d'objections sérieuses. L'Histoire, en effet, a son rythme et ses propres patiences et ce n'est pas en terme d'échéances visibles qu'elle se déploie ou réalise ses étapes significatives. L'homme, M.Rached Ghannouchi, raisonne en philosophe, lecteur de Hegel, au moins, sans parler d'une connaissance authentique, celle du savant, de cette notion hautement historique du Coran, là où le terme çabr veut dire bien plus que patience, plutôt une vue panoramique sur la cohérence de la volonté de Dieu quant au Bien nécessaire qu'IL injecte dans le monde en dépit du mal apparent que notre perception humaine saisit, capte et déplore.
Et, derechef, je me retire vers de plus modestes considérations, en évoquant la vie quotidienne et ce qui se passe au jour le jour depuis les élections et l'apothéose d'Ennahdha. Je pose la question de ce que tous les Tunisiens désignent comme la horde de ces Salafistes barbus qui montent en troupeau à chaque manifestation, à chaque rassemblement pour s'affirmer comme une force qui impose son islam à elle, morose, coléreux et surtout, surtout, dépourvue de cette finesse de pensées et de comportements qui caractérisent cet islam historique, celui des milliers d'expériences religieuses colorées chacune de nuances particulières, différentes et qui coexistent toutes sans s'affronter ni se combattre, sinon, dans l'arène des idées et des courants doctrinaux.
- Mais, alors, ne faudrait-il pas un minimum de contrôle pour empêcher, par exemple, que continuent à sévir ces partisans incontrôlables, qui veulent promouvoir un islam de contrainte ?
- Si vous parlez des Salafistes, sachez que c'est un phénomène superficiel et à mon avis, provisoire… Ce sont les frustrés de plusieurs décennies de privation et d'une violence qui leur a interdit d'une manière féroce de vivre et d'exercer leur foi. Il s'agit d'un retour du refoulé, par définition appelé à se calmer dès lors, que l'exercice du culte et la manifestation pacifique du sentiment religieux va retrouver son équilibre et ses conditions normales de pratique libre.
- … Et le niqab ? Pourquoi vous ne dites pas à vos adeptes et militants que aucun texte dans le Coran ou dans la Sunna ne le préconise ni ne le prescrit ?
- Ennahdha n'est pas pour le niqab ! récemment, une militante de notre mouvement est venue me voir portant le niqab et je lui ai recommandé de l'enlever et cela a été fait…
Insaisissable, cet homme ! A visionner la vidéo qu'il a bien voulu nous laisser tourner lors de cette rencontre, on ne manquera pas de s'étonner d'un échange courtois, civilisé et d'un ton monocorde et presque chuchoté de ce dialogue. Celui-ci parait complètement détaché de ce que le pays vit, si éloigné de ses souffrances, du tabassage systématique des manifestants le 9 avril dernier, des événements tragiques à Om Laârayes, de la montée des prix sur les étals et dans les paniers de la ménagère, des lenteurs des réformes promises.
En quittant le Cheikh Rached Ghannouchi, j'avais l'amertume au cœur de celui qui ne verra jamais la Tunisie retrouver le chemin du salut mérité. S'il s'agit d'attendre une génération, il ne reste à tous ceux, comme moi, qui ne sont pas dans la logique de ce moine doublé d'un philosophe, de préparer un tout autre horizon, un horizon ou comme a dit le grand mystique médiéval Maître Eckhart : « Je prie Dieu, pour qu'il me libère de Dieu … ! », un horizon, enfin, où un homme de foi aura un si grand respect de Dieu qu'il Le tiendra en dehors de mes petits et mesquins problèmes de simple humain.


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