Pas de progrès tangible pour la mise en place d'une instance indépendante des élections Fixer des échéances est un facteur d'apaisement Ne pas sous-estimer le temps nécessaire pour un processus électoral Après sa mission d'observation électorale des élections de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), le centre Carter continue à s'intéresser à ce qui se passe en Tunisie surtout le processus de rédaction de la Constitution et les développements relatifs à l'établissement du cadre institutionnel et légal pour les futures élections. La transparence, l'accessibilité et le caractère participatif au processus d'élaboration de la Constitution étaient-ils en vigueur ? La communication des travaux de l'ANC était-elle, exempte de tout reproche ? Ces questions figuraient au centre du point de presse tenu, hier par le Centre Carter. Sabina Vigani, directrice du centre, précise que « le travail d'observation du Centre après les élections se fait dans le même esprit que lors du processus électoral. L'évaluation a été faite par rapport aux lois et aux standards internationaux ». Dans les conventions internationales auxquelles la Tunisie a déjà adhéré, il est stipulé que « les citoyens ont le droit de participer à la gestion des affaires du pays ».Seuls ou au sein d'associations avec d'autres, ils doivent pouvoir faire communiquer leurs idées. La transparence ne peut être dissociée du droit de savoir. Le droit international dit que la liberté d'expression, implique le droit d'accès à l'information. Les autorités doivent mettre à la disposition de tout le monde les informations à caractère général. Concernant la transparence et l'accessibilité des travaux de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), Sabina Vigani, rappelle que l'article 54 du Règlement intérieur de la Constituante, stipule que les réunions plénières ou celles des commissions sont publiques. Une aubaine pour les médias qui en ont profité. Toutefois l'accès des organisations de la société civile n'a pu se faire. Des associations ont saisi la présidence de l'ANC. Sans résultat. Des membres du Centre Carter, connaissant quelques élus ont pu assister à certains débats. Le principe d'ouverture des débats a été appliqué de façon restrictive avec la société civile. « Il fallait établir un système d'accréditation, pour les associations, en s'inspirant de l'expérience l'ISIE », affirme la Directrice du centre qui a suggéré de formaliser le droit de participation. Une pétition a été faite pour que la société civile puisse bénéficier d'un meilleur accès aux travaux de la Constituante. Les consultations des experts par les commissions, ne pourraient suffire. Les Tunisiens veulent un nouveau système de gouvernance où les débats critiques sont acceptés. Dans un esprit de gouvernance démocratique, il faut écouter la société civile qui « regarde l'opération d'élaboration de la Constitution comme un processus et non comme une opération technique », pense les experts du Centre Carter. Aller vers le citoyen Au niveau du large public, le règlement intérieur a accordé aux élus une semaine par mois pour se consacrer à la rencontre des citoyens et recueillir leurs avis. Les expériences des autres pays qui ont connu ce genre de transition a montré que lorsque les élus vont vers les citoyens ces derniers finissent par s'approprier davantage la Constitution élaborée. Le fait que les élus représentent le peuple ne les dispense pas de la nécessité de l'associer davantage et lui expliquer les choses. La préoccupation du Tunisien ordinaire est de sentir que sa situation s'améliore. Il voit que les constituants discutent, sans que les choses n'avancent pour autant. Si les constituants expliquaient les choses aux citoyens, ces derniers comprendraient mieux. Il ne faut pas provoquer une cassure entre les élus et les citoyens. Ces derniers doivent savoir que le processus est compliqué et qu'il prend du temps. Un plan de travail clair devait être établi. Il faut que toute la machine travaille de façon de façon connue. Le fait de fixer des échéances tempère et apaise les tensions perceptibles chez plusieurs couches sociales. Lors de la semaine dédiée aux régions du 19 au 25 mars dernier, les membres du Centre Carter, avaient essayé d'obtenir des informations sur ce que faisaient les élus, à travers le site web de l'ANC. Sans résultat. Aucun mécanisme n'est prévu pour appuyer les activités des élus dans les régions. Au cours de cette semaine, le Constituant est laissé à lui-même. Les choses se font avec spontanéité. « C'est une action qui devait être formalisée par l'ANC », affirme la directrice du Centre. Certaines ONG locales comme l'ATIDE ou « Jeunesse sans frontières », ont organisé des forums de discussion entre les citoyens et les élus. Toutefois, les organisations de la société civile ne peuvent assurer de façon assez large cette consultation. Les membres de l'ANC doivent jouer un rôle moteur dans le retour et le dialogue avec les citoyens. L'absence de communication n'aide personne. Des campagnes d'affichage auraient dû être organisées pour que les travaux de la Constituante puissent être perçus. La cellule de communication de l'ANC doit être renforcée. Attendre deux ou trois élections Pour le prochain cycle électoral, Sabina Vigani est rassurée. « Les acteurs tunisiens sont unanimes à propos de la nécessité de capitaliser la première expérience en gardant ce qui était positif et dépassant ses faiblesses ». Le Chef du Gouvernement avait fixé une date possible pour les prochaines élections à savoir le 20 mars 2013. Désigner la date est très important pour que tout le monde s'organise en conséquence. Une forte volonté politique est exprimée pour incérer dans la Constitution le principe d'une instance indépendante des élections. « Toutefois, cette volonté n'a pas été accompagnée par un progrès tangible. Nous sommes le 11 mai et nous ignorons toujours si le Gouvernement a présenté un projet de loi sur l'Instance supérieure des élections. Des fuites circulent à travers les réseaux sociaux, mais rien n'est formel », affirme la directrice. Elle prévient : « il ne faut jamais sous-estimer le temps nécessaire au processus électoral ». La directrice pense que pour qu'un processus électoral tienne la route, il faudra peut-être attendre deux ou trois opérations électorales.