Le département de la réforme administrative a beau prolonger la consultation du personnel de la fonction publique sur la semaine de 5 jours, le taux de participation à ce sondage n'a pas dépassé la barre des 16.000 fonctionnaires sur une armée d'environ un demi- million d'employés étatiques. Malgré l'échec prévisible de ce plébiscite inutile, le ministre de la Réforme administrative a déclaré que ce régime avait été adopté et qu'il serait appliqué à partir du mois de septembre 2012. Avec cette décision unilatérale qui ne tient pas compte de la démotivation, le ministre semble ignorer les raisons si nombreuses de ce fiasco et qui deviennent de plus en plus complexes dans le contexte où le pays est déboulonné. Tout d'abord, il n'est pas facile de secouer cette tradition des 6 jours par semaine établie depuis plusieurs décennies. En effet, beaucoup de fonctionnaires ont balisé leur vie hebdomadaire à la lumière de cet horaire. D'autant plus, on est en mesure de préciser que le décalage de l'entrée et de la sortie des administrations centrales, entamé depuis plusieurs années a contribué à décongestionner le trafic et à alléger notamment le calvaire des habitants de la capitale. Par ailleurs, la semaine de 6 jours est un facteur d'épanouissement, d'équilibre et de plénitude pour un grand nombre de fonctionnaires citadins. Elle permet non seulement d'allonger la durée de sociabilité au sein du milieu de travail, mais elle est également une source d'intégration, de communication et de divers plaisirs quotidiens avant, pendant et après le boulot. En effet, à chaque sortie, les employés cherchent à élargir leurs réseaux de communication directe avant de s'engouffrer dans leurs cités respectives où les attendent les corvées ménagères et familiales les plus variées et une infinité de problèmes de proximité. A vrai dire, la fréquentation du lieu de travail permet à l'employé de se mettre en valeur et de réduire la durée de vie dans sa cité dortoir. Le beurre et l'argent du beurre Ensuite, le refus de ce dérèglement émane aussi bien des pratiquants que des non pratiquants. Les uns préfèrent être disponibles le vendredi après midi pour se consacrer surtout au devoir religieux ; les autres s'intéressent d'habitude aux activités culturelles, récréatives et ludiques variées. Dès lors, même s'ils acquiescent à ce dérangement de leur rythme traditionnel, beaucoup d'entre eux vont sauter sur l'occasion pour donner plus de légitimité à leur revendication qui consiste à décaler les deux jours de repos au jeudi et au vendredi. Mais, par suite de cette réforme digne d'un Dom Juan, la conséquence hypothétique immédiate la plus probable consiste à accepter le nouvel horaire tout en continuant à chômer le vendredi après midi sous mille prétextes. Ainsi, on peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Mais la cause notoire, la plus vraisemblable est la « flexibilité » du rythme du travail imposée par le personnel de la fonction publique aux supérieurs hiérarchiques qui finissent par céder au diktat et devenir dans plusieurs cas des complices incontournables. Par exemple, le fonctionnaire peut venir en retard, signer et sortir avant d'arriver à son poste, signer à la place de son collègue, négliger ses tâches, s'absenter, pourtant, il est souvent certain que tous ses droits sont assurés grâce au tour de passe-passe qui règne dans tous les services sans exception. D'ailleurs, ces pratiques sont tellement répandues, tellement banales qu'elles deviennent la règle et non l'exception. Mais si un nouveau responsable ne suit pas la pente et essaie d'injecter plus de rigueur, il regrettera le jour de sa naissance et s'exposera à toutes les formes de sabotages tels qu'une pluie de certificats de maladie en bonne et due forme. Un autre fait confirme le comportement laxiste dans lequel on se complaît et auquel on ne préfère point de réforme. Il s'agit du travail à mi-temps avec les 2/3 du salaire. Cette option légiférée depuis longtemps est encore en vigueur, mais elle n'a pas été suivie. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu'on travaille déjà avec une marge de tolérance qui permet de frôler la mi-temps tout en percevant l'intégralité du salaire. Pour être plus pertinent, prenons l'exemple d'un(e) professeur(e) qui travaille 10,12 ou 14 heures par semaine. Ce sera de l'ordre du faux calcul, d'opter pour la mi temps à savoir 9 heures par semaine… Enfin, le coup de grâce revient au syndicalisme populiste qui intervient pour enfoncer les clous. Car, dès qu'un employé se sent menacé par le moindre changement, il recourt aux responsables syndicaux qui traitent fréquemment les affaires selon un schéma manichéiste. Evidemment, c'est toujours le responsable public qui est diabolisé et c'est l'employé qui est sa victime. Alors, si la réforme est contestée, ce n'est pas parce qu'elle est erronée dans l'absolu mais c'est parce qu'elle n'est pas adaptée aux circonstances actuelles. A priori, celles-ci impose plusieurs autres réformes préliminaires dont figure notamment le déploiement de la valeur du travail dans le secteur public que beaucoup défendent fallacieusement.