• L'emploi ? Le gouvernement s'en contrefiche Les débats au sein de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) représentaient une occasion propice pour l'opposition démocratique de jouer pleinement son rôle et émettre des propositions lesquelles, tout au long des séances plénières ainsi qu'au sein de la commission des Finances, butaient sur l'intransigeance la Troïka. Aucun amendement ne pouvait passer sans l'accord préalable du Gouvernement. Lors d'une conférence de presse tenue, hier à Tunis au siège de la Voie Démocratique et Sociale (VDS) par plusieurs membres du bloc démocrate au sein de la Constituante, plusieurs cas du refus de prêter l'oreille aux propositions de l'opposition ont été avancés. Mongi Rahoui, membre de la Constituante représentant le Mouvement des Patriotes Démocrates, avait participé aux travaux de la Commission des Finances. Le projet de budget complémentaire leur avait été présenté le 5 avril pour examen. Le ministre des Finances, son secrétaire d'Etat et le ministre du Développement régional avaient été entendu par la commission. Aucun changement n'a pu être inclus dans le projet de budget complémentaire introduit par le Gouvernement. Des précisions avaient été formulées à propos des 1200 milliards de rentrée d'argent provenant de la confiscation des biens appartenant à l'ex-famille régnante. Sans résultat. Il en est de même de la relation entre les 450 millions de dinars d'apports volontaires au budget de l'Etat et la liste des 450 hommes d'affaires interdits de quitter le territoire. D'autres rubriques parmi les recettes de l'Etat ne sont pas claires. Sur les 2500 millions de dinars de recettes globales, une grande partie s'élevant à 1900 millions de dinars manque de clarté, chose qui ne fera qu'augmenter l'endettement de l'Etat dans des conditions qu'il ne maîtrise pas. Les zones d'ombre n'existent pas seulement dans la rubrique recettes. Il en est de même pour les dépenses. Dans ce volet 1400 millions de dinars ne sont pas répartis, soit le tiers du déficit budgétaire dont 670 millions de dinars de dépenses de gestion et le reste pour le développement. C'est louche. Aucun changement n'a été effectué au sein de la Commission des Finances. Quant à la loi des Finances complémentaires, sur les 60 articles, seul un seul article a été ajouté. « Les réactions au sein de la Commission répondaient à la logique des rapports de forces », précise Mongi Rahoui. A propos de la somme de 900 millions de dinars qui doit provenir des recettes de privatisation de Tunisie Télécom, l'opposition avait proposé que cette enveloppe soit consacrée aux Fonds de développement des régions, un niet catégorique de la part du Gouvernement leur fut opposé. Quant aux biens confisqués, Mongi Rahoui, précise que le Gouvernement n'a rien fait pour l'évaluation de ces biens. Les administrateurs judiciaires ont des réflexes purement administratifs. Rien n'est fait sur le plan de la gestion pour augmenter leur valeur. Est-ce en 7 mois, qu'ils vont être liquidés ? Le marché peut-il les absorber ? Des propositions ont été faites pour que la loi de Finances ait des articles à caractère social comme le logement et la solidarité entre Tunisiens. L'élan de solidarité apparu après le 14 janvier 2011, méritait d'être légalisé. Des incitations fiscales en faveur des actes de solidarité méritaient d'être inscrites dans la loi de Finances. « L'imaginaire du Gouvernement n'avait pas suffisamment de sensibilité sociale et révolutionnaire pour introduire ces réformes », affirme Mongi Rahoui. Seuls 3,9% du budget sont consacrés aux programmes de promotion de l'emploi. Blanchiment de l'argent Noômane Fehri, membre de la Constituante du Parti Républicain, rappelle que le nombre de chômeurs s'élève à 800 mille. Il faut 40 à 50 mille dinars pour créer un emploi. Il faudra au total 40 milliards de dinars d'investissement. Sur 8 ans, il faudra 5 milliards de dinars par an. Pour mobiliser cette somme il faut créer un Fonds souverain, chose que le Gouvernement actuel a refusé une suggestion que le Gouvernement de Béji Caïd Essebsi avait acceptée. Ce fonds aurait pu servir pour financer des fonds régionaux de développement, ainsi que des fonds sectoriels. « La politique d'investissement ne figure pas dans les choix de ce gouvernement », dira Noômane Fehri qui ajoute que « l'article 3 de la loi de Finances laisse la voie ouverte au blanchiment de l'argent ». Les secteurs porteurs comme les TIC ne sont pas encouragés. Et si l'opposition était au pouvoir, qu'est-ce qu'elle aurait pu faire ? Noômane Fehri, pense qu'au moins l'opposition n'aurait pas tergiversé des mois durant pour prendre des décisions. Le fonds souverain aurait été créé. De toute façon l'opposition a préféré s'abstenir au moment du vote pour ne pas soutenir des choix auxquels elle n'adhère pas. Elle n'a pas voté contre pour ne pas paraître négativiste et qu'elle veut bloquer l'action du Gouvernement. Selma Baccar, constituante de la Voie Démocratique et Sociale (VDS), a dénoncé la politique des deux poids deux mesures que le Gouvernement compte mener. Selon l'article 3 de la Loi de Finances, des hommes d'affaires qui ont des litiges avec l'Etat et n'ont pas payé ce qu'ils devaient au Trésor public ne seront pas inquiétés s'ils investissent dans les régions. Par contre l'article 54 élargit non seulement aux chefs d'entreprises, mais aussi aux gestionnaires et aux Directeurs, les poursuites en cas d'infractions fiscales ou douanière. Avec ces deux articles, le pouvoir peut faire pression sur les hommes d'affaires et appliquer la politique des deux poids deux mesures. A la tête du client. L'article concernant l'exonération de taxes pour les associations, méritait des éclaircissements et des nuances. Nombreuses associations sont à la solde de partis politiques. Il faut faire la distinction entre celles qui agissent pour servir la société et celles qui sont au service de partis politiques. Les petits agriculteurs ignorés Un des rares amendements introduits est celui de Mehdi Ben Gharbia par ce qu'il a fait le détour pour le faire passer par le Secrétaire d'Etat aux Finances. Samir Bettaïeb porte- parole de la VDS, rappellera que l'opposition avait entamé les débats budgétaires dans un esprit constructif, pour être une force de proposition. Même la proposition d'annuler une partie des dettes des petits agriculteurs et pêcheurs et le rééchelonnement du solde n'a pas été retenue. Ces petits agriculteurs et pêcheurs qui avaient voté pour Ennahdha, n'ont pas été payés en retour. Aucune mesure en leur faveur. Concernant les 30 mille logements sociaux, la composition des commissions régionales allaient être laissées à la discrétion des Gouverneurs. Il fallait l'intervention de Fadhel Moussa pour y inclure les élus de la région. Par ailleurs la fiscalité n'a pas été utilisée comme facteur d'équité et de justice. Samir Bettaïeb a déploré les derniers év ènements survenus à l'aéroport TunisCarthage et l'OPA provenant de la part des Wahabistes sur la mosquée de la Zitouna. Ce genre de conférence de presse commune entre diverses composantes de l'opposition, sera-t-elle le prélude d'un rapprochement réussi entre ces forces ?