Stiglitz démontre que l'accroissement du PIB n'implique pas nécessairement la prospérité générale Une consultation nationale élargie sur la préparation du budget de l'Etat pour l'exercice 2013, associant tous les acteurs de la scène nationale, a été lancée, ce samedi 23 juin 2012, à l'initiative du gouvernement, lors d'une grande rencontre tenue au palais des congrès à Tunis, en présence de plusieurs membres du gouvernement ayant à leur tête, Hamadi Jébali, chef du gouvernement et du professeur Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie en 2001, et spécialiste et expert émérite en économie. Il effectue un séjour en Tunisie, du 21 au 24 juin, à l'invitation du gouvernement tunisien pour donner une série de conférences et faire profiter la Tunisie de sa riche expérience dans le domaine.
D'ailleurs, il a été décidé, à l'occasion de cette visite, de créer un Conseil des analyses économiques en Tunisie dont le professeur Stiglitz sera membre actif.
Les membres du gouvernement ayant pris part à la rencontre étaient Ridha Saidi, ministre chargé des affaires économiques et sociales, Hassine Dimassi, ministre des finances, ainsi que le gouverneur de la Banque centrale de Tunsie (BCT), Mustapha Kamel Nabli. Les participants
appartenaient aux diverses sphères et secteurs d'activité..
Donnant officiellement le coup d'envoi à cette consultation, le chef du gouvernement, Hamadi Jébali, a affirmé qu'elle s'inscrit dans le cadre de la politique de concertation, de participation et d'ouverture sur les compétences, suivie par le gouvernement en matière de gestion des affaires publiques.
‘'Après la réussite de l'expérience de 2012, nous avons tenu à élaborer, en commun, pour l'exercice de 2013, un budget consensuel afin d'instaurer une nouvelle démarche dans la gestion des affaires publiques fondée sur la participation, le dialogue et la concertation, de manière à jeter les bases du nouveau contrat social, en Tunisie, a dit Jébali qui a défendu, dans le sillage, l'adoption d'un budget expansionniste pour 2012, en raison de la situation exceptionnelle que la Tunisie connait, tout en comptant sur les ressources propres et en veillant à la préservation des grands équilibres macroéconomiques.
Toutefois, d'après les déclarations du ministre des fiances, Hassine Dimassi, la Tunisie pourrait connaitre, en 2013, des pressions au niveau de la mobilisation des ressources propres pour la couverture des dépenses publiques, ce qui générerait des problèmes de financement à divers niveaux, à moins de recourir à l'emprunt avec les risques d'une telle option sur la préservation des équilibres macroéconomiques.
Il faudrait penser également à redéfinir l'échelle des priorités, a-t-il dit, notant que dans le budget de 2012, les dépenses inscrites au titre du développement , soit 6 milliards dinars, sont équivalentes aux dépenses inscrites au titre du soutien et de la subvention au profit des prix des produits de consommation de base et des carburants dans le cadre de la Caisse générale de compensation.
Dans ce même esprit, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli, a indiqué que le déséquilibre de la balance des paiements a atteint le taux de 4% et qu'il faut veiller à ce qu'il n'augmente pas davantage . D'autant que le remboursement de la dette publique va atteindre son apogée en 2013.
Il a mis l'accent sur la nécessité d'œuvrer à la consolidation du secteur bancaire afin qu'il accomplisse, au mieux, la double mission qu'il s'était, toujours, assigné, à savoir veiller à la stabilité des prix, d'une part et contribuer à l'impulsion de l'activité économique d'autre part.
Selon le gouverneur de la BCT, le secteur bancaire en Tunisie a frôlé l'effondrement, au lendemain de la Révolution du 14 janvier, à la suite des retraits massifs de grosses sommes d'argent, soit 650 millions dinars, en un seul mois, mais les mesures appropriées ont été vite prises, qui ont permis au secteur bancaire de rassurer les épargnants, de rétablir la confiance, et se donner les moyens de poursuivre sa mission au service de l'économie nationale.
Aussi, la croissance économique en 2011 a été négative, dans l'ensemble, mais en ne comptant pas les secteurs des mines (phosphates en particulier) et du tourisme, la croissance a été positive, à hauteur de 1%.
A cet égard, les orateurs ont souligné que les indicateurs durant les cinq premiers mois de 2012 incitent à l'optimisme et reflètent un rétablissement de l'économie tunisienne et une reprise économique soutenue, malgré les retombées des difficultés dont se débattent les pays européens de la zone euro.
Rôle de l'Etat dans le développement
Dans la conférence qu'il a donnée, à cette occasion, le professeur Stiglitz a commencé en insistant sur l'importance que revêt la réussite de l'expérience tunisienne en matière de transition démocratique pour la région ainsi qu'à l'échelle mondiale.
Il a mis l'accent sur le rôle axial des orientations et des décisions politiques en matière économique, notamment face à des situations marquées par la faiblesse des ressources disponibles qui réduit , énormément, la marge de manœuvre.
Il a plaidé pour un développement équilibré et inclusif , assurant une répartition équitable des fruits de la croissance entre les personnes, les catégories et les régions, car, a-t-il dit, l'expérience a montré que l'accroissement du PIB n'implique pas nécessairement la réalisation de la prospérité générale. Les richesses peuvent être monopolisées par une minorité au détriment de la majorité.
S'inscrivant en faux contre les thèses des ultra libéraux qui réclament un effacement total de l'Etat, en matière économique, en faveur d'un marché absolument libre de toute immixtion publique, et s'autorégulant grâce à sa main invisible, aux dires de leur maitre à penser, Adam Smith, le professeur Joseph Stiglitz a plaidé pour une complémentarité des rôles entre l'Etat et le marché, pour la réalisation de la croissance équilibrée et inclusive, à travers l'intervention forte de l'Etat dans l'œuvre de développement, à l'instar de la mise en place de l'infrastructure, la généralisation de l'enseignement gratuit et de la couverture sanitaire et sociale.
Dans cette même optique, il a insisté sur la nécessité de faire preuve de pragmatisme et d'éviter d'agir en fonction d'idéologie préconçue.
Hamadi Jebali défend la thèse du budget expansionniste pour 2012
Mustapha Kamel Nabli Le secteur bancaire a frôlé l'effondrement au lendemain du 14 janvier avec le retrait massif de 650 millions de dinars en un seul mois SALAH BEN HAMADI Ps : nous reviendrons sur cette événement, de manière exhaustive, dans notre supplément économique du mardi