Le 25 juillet 1957, l'Assemblée Nationale Constituante décidait l'abolition du régime beylical et la proclamation de la République. La jeune Tunisie indépendante, à peine sortie de l'ère de la colonisation, se voit, donc, engagée sur la voie de la constitution des institutions de l'Etat moderne sur la base des valeurs universelles de la République. On sait que, depuis cette date glorieuse de 1957, les Tunisiens n'ont joui ni de la démocratie, ni de la liberté, ni des droits de l'Homme. La constitution de 1957, pourtant l'une des meilleures au monde, a été vidée de sa substance à force d'amendements successifs consacrant la suprématie de la pensée unique, du parti unique, et de l'homme providentiel accaparant tous les pouvoirs. Sous Bourguiba, puis sous Ben Ali, la Tunisie a sombré dans la dictature avec, néanmoins, des différences majeures. Bourguiba, au moins, a bâti les institutions de l'Etat, a donné à la femme des droits et engagé le pays sur la voie de la modernité, alors que Ben Ali a enfoncé le pays dans le marasme de la mauvaise gouvernance et le pillage de ses richesses par une mafia organisée. Aujourd'hui, après la Révolution et après l'élection d'une Assemblée Constituante et d'un gouvernement issu de la légitimité des urnes, la Tunisie peut-elle prétendre avoir réussi sa transition démocratique et avoir enterré le spectre d'un retour à la dictature ? Les avis divergent. Il y a ceux qui voient le verre à demi-vide et ceux qui le voient à demi-plein. Mais, il y a aussi des signes qui renseignent. Les quelques mois de gouvernance de la Troïka n'incitent pas à l'optimisme. Il y a déviation des objectifs de la Révolution, comme il y'a des intentions d'accaparer le pouvoir par l'utilisation de pratiques rappelant la dictature et l'hégémonie du parti au pouvoir. Le peuple tunisien a fait sa révolution pour instaurer la démocratie. Le régime républicain en est le meilleur garant mais il a ses valeurs, dont la séparation des pouvoirs, la garantie des libertés et des droits de l'Homme. La prochaine Constitution devra en tenir compte et éviter une autre désillusion populaire.