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Ezzeddine Gannoun, metteur en scène et directeur de « Al Hamra »
Interview
Publié dans Le Temps le 01 - 08 - 2012

« Le ministère devrait se désister en faveur des hommes de la Culture pour assurer la relance »

Le créateur du théâtre « Al Hamra » se veut toujours innovateur, il est constamment à la recherche d'un renouveau au moyen des stages qu'il accumule à longueur d'année et auxquelles il invite une pléiade de dramaturges en vue d'assurer un meilleur encadrement aux acteurs venus des quatre coins du monde.
Cette universalité dont il tient à teinter son théâtre fait de « Al hamra » un espace spécial où toutes les particularités s'effacent pour céder le terrain à une identité commune, à un langage unique et simple accessible à tout un chacun, c'est un discours humain. Il s'agit du grand dramaturge « Ezzeddine Ghannoun ». Après l'atelier 54 dans le cadre du centre arabo-africain pour la formation de comédiens et de dramaturges et des recherches théâtrales qui s'est déroulé du 28 Mai au9 Juin qu'il a dirigé, le revoilà remettre « Al Hamra » sur la sellette à travers un autre stage de formation qui se tient du 17 Juillet au 4 Août. Nous l'avons rencontré pour en savoir davantage sur cette manifestation et recueillir ses points de vue à propos d'autres questions touchant à la vie culturelle et spécialement celles qui se rapportent à la saison estivale.

Conscientiser le citoyen de son rôle au sein de la société en faisant de lui un actant

*Le Temps : Si vous nous parliez de l'actuel stage.

Ezzeddine Gannoun : Il s'agit d'un stage de formation qui est organisé par « Al Hamra » conjointement avec l'espace « Massart » avec la collaboration du « Théâtre Chouff » de Lassâad Salâani et le « Théâtre N.A.J.E », (Nous n'Abandonnerons Jamais Espoir) de Marie France Dufot. En fait, ce stage contient trois types de théâtre : le théâtre invisible, le théâtre forum et le théâtre législatif. L'invitation est ouverte, elle s'adresse à tout le monde et non pas seulement aux initiés, elle est pour le citoyen et surtout celui de l'intérieur. Nous pensons vraiment créer des noyaux de groupes d'intervenants du théâtre de l'opprimé(G.I.T.O) dans les différentes régions. Donc, je réitère ; un appel à tous ceux qui désirent participer à ce stage.

*On voudrait bien que vous nous fassiez découvrir ces types théâtraux ?

-Le premier type comme son nom l'indique consiste à provoquer une situation conflictuelle dans un lieu public par un groupe d'intervenants, cette scène amène les présents à réagir, et une fois cette implication de l'assistance assurée, les deux premiers intervenants s'éclipsent pour laisser agir à leur place ces citoyens devenus comédiens sans le savoir et les provocateurs du spectacle deviennent ainsi spectateurs. Il s'agit donc d'une inversion de rôles. Le théâtre forum est une forme théâtrale qui a été inventée par Augusto Boal, un brésilien, dans les années soixante-dix sous la dictature de l'Amérique Latine. C'est le théâtre de l'opprimé qui s'adresse aux citoyens, il est pris en charge par des actants et des non actants : on propose un thème devant un parterre qui peut ne pas être d'accord avec le thème et là, l'un des spectateurs a le droit d'intervenir et d'émettre son avis contraire, ce qui oblige l'actant contrarié à s'éclipser pour céder la place au spectateur actant, ce qui établit un débat et un échange où celui-ci participe à l'élaboration des thèmes proposés ou traités. Cette forme théâtrale permet donc au citoyen de prendre conscience de son statut dans la société à laquelle il appartient. Nous avons, enfin, le théâtre législatif dont le thème est la législation et dont le but est de faire participer le citoyen dans la vie publique en le poussant à donner son avis à propos de la législation de son pays. Comme vous le voyez, ces trois types de théâtre poursuivent le même but : la conscientisation de ce dernier de son rôle au sein de la société.

Nous n'appartenons ni à une
, ni à une religion, notre seul statut c'est notre citoyenneté

*Le choix de ces formes théâtrales est-il influencé par la conjoncture présente que connaît notre pays?

-Absolument, la société tunisienne traverse une phase délicate de son histoire, on est dans un tournant politique qui nous invite à choisir le système démocratique qui nous convient le mieux. D'où l'importance et l'urgence de renforcer le rôle du citoyen dans l'élaboration de la nouvelle société dont nous rêvons. On n'est pas une communauté d'anonymes appartenant à une idéologie ou à une religion, on est des individus libres et nous avons droit de cohabiter ensemble avec nos différences et nos contradictions, on n'est pas une horde de sauvages ou un troupeau de bétails, on est des êtres humains, notre statut c'est notre citoyenneté.

On vit dans l'improvisation depuis des décennies

*Quel est votre jugement sur la programmation des activités culturelles dans les festivals et aussi à la télévision au cours du mois de Ramadhan ?

-Depuis le tout début du festival de Carthage avec le jazz et en dehors de quelques éditions et en particulier au cours des vingt dernières années, ce sont le copie/coller et l'improvisation qui règnent, cela devient une spécialité tunisienne. De leur côté, la fête de l'Aïd et Ramadan arrivent toujours à l'improviste et nous sommes continuellement surpris et pour remédier à la situation, nous faisons les choses à la hâte en présentant n'importe quoi et en faisant appel à n'importe qui. Ce manque de planification et cette phase transitoire durent depuis 50 ans, on ne prépare pas nos fêtes à l'avance, on est constamment dans l'urgence. D'autre part, la conjoncture actuelle caractérisée principalement par la montée de l'intégrisme n'est pas à même de favoriser l'émergence d'œuvres remarquables qui soient vraiment émancipées, puisqu'on impose une censure d'un autre genre au nom de la défense du sacré : la sanction religieuse supplée à la répression politique et la victime est toujours la même, la création artistique. En effet, il paraît que les titres de certaines émissions dérangent pendant le mois saint tels que « Café noir », « Chocolat chaud » et « Café liégeois », car ils suggèrent le petit déjeuner dont l'odeur humée produit le même effet que l'infusion bue, d'après les maîtres de l'exégèse islamique... c'est une vraie absurdité.

Des exégèses absurdes visant à étouffer la création artistique

*Vous voulez dire que l'art est menacé ?

-Malheureusement oui, on ne cesse, ces jours-ci, de nous tracer des lignes rouges à ne pas dépasser, mais il faut savoir que le sacré est relatif et il faudrait donc s'entendre sur une définition bien précise. Ces groupes fanatiques agissent comme si l'art n'était pas conscient, il est clair que leurs manœuvres visent à l'étouffer et encercler par là les forces démocratiques et la société civile dans son ensemble. La création est un acte libre et conscient et non pas prémédité, en ce sens que ce dernier agit dans l'instant même où il se trouve tout en prenant en considération les conditions dans lesquelles il entreprend son action, il influe et il est influencé à son tour et sa visée n'est jamais de profaner le sacré, elle est plutôt pédagogique consistant à aider le citoyen à prendre conscience de sa réalité en tant qu'individu au sein de la société.

La restructuration du ministère de la Culture est une urgence

*Comment concevez- vous le rôle que doit jouer la nouvelle équipe ministérielle ?

-Le ministère actuel est provisoire, sa mission consiste donc à gérer le quotidien, ce qui veut dire que dans cette phase transitoire, il ne peut pas établir de structures culturelles. Ce qui est urgent aujourd'hui c'est de donner une autonomie financière aux festivals et aux structures de production pour qu'ils puissent diriger politiquement et financièrement, c'est le seul moyen susceptible de relancer à long terme la culture dans le pays. Donc, indépendamment du caractère provisoire du ministère, il est grand temps de penser à sa restructuration, il ne faut plus qu'il soit le premier responsable de la vie culturelle et qu'il la cristallise autour de lui, cela doit être l'apanage des structures spécialisées, sa fonction à lui ne peut être que purement administrative.

L'art a toujours répondu présent à l'appel de la patrie

*L'art a-t-il les moyens de participer à réaliser les objectifs de la Révolution ?

-Depuis l'époque coloniale, il était à l'avant-garde de la Résistance et nombreux sont les poètes et les artistes qui y ont apporté leur contribution et marqué de leur sceau le « Mouvement National » parmi lesquels notamment « Abou Al Kacem Al Chebbi ». Ce rôle ne s'est pas arrêté, il a continué après dans le cadre de la décentralisation instaurée pendant les années soixante, et le théâtre a assumé ses responsabilités sociales et de conscientisation au sein des écoles, des lycées et des facultés dans les régions. Le slogan officiel levé par le régime de l'époque c'était « sortir le théâtre de l'ornière » et il était concrétisé par l'envoi des nouveaux bacheliers à l'étranger pour suivre des études théâtrales dans des écoles comme « Piccolo Teatro di Milano », « Royal Shakespeare Compagny », Nouvelle Sorbonne (Paris III), l'Art de la Marionnette à Prague. La fin des années soixante et le début des années soixante-dix ont connu un pullulement de troupes théâtrales dont celle de Moncef Souissi qui ont sillonné le pays allant jusqu'à ses fins fonds pour rencontrer le public et essayer de le conscientiser pour apporter leur pierre à l'édifice social de la Tunisie moderne. Ce rôle progressiste ne s'est arrêté qu'avec l'avènement de Mzali qui a imposé une rupture entre les artistes et les masses pour mettre en place la culture de vitrine occasionnelle et officielle qui était utilisée comme moyen de propagande du régime, et cela a, bien sûr, continué avec Ben Ali. Depuis, c'était la désertification de la culture.

Laisser les hommes de culture planifier pour pouvoir sortir de l'ornière

*La conjoncture révolutionnaire n'est-elle pas favorable à un nouvel essor de la culture?

-Aujourd'hui, il n'y a pas d'horizons stratégiques à cause de la politique menée par le ministère. Si on veut vraiment évoluer et rompre définitivement avec le manque de planification et aussi la médiocrité qui caractérise certaines activités, il est impératif que celui-ci laisse les hommes de culture tracer les lignes stratégiques, il devrait les consulter et mettre à leur disposition tous les moyens administratifs. Nous avons des propositions concrètes qui n'excèdent pas le budget de l'Etat, nous avons même des projets qui sont susceptibles de renflouer les caisses du ministère, il suffit de nous consulter et de nous prêter l'oreille.

Propos recueillis par : Faouzi KSIBI


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