Le Musée International du Bélier, pour la réussite duquel j'ai consacré durant un quart de siècle tant d'efforts matériels et humains, se trouve actuellement dans une phase critique, qui nécessite une solution décisive et irréfutable. Sur les conseils les plus prompts et les plus salutaires de l'opinion publique, des journalistes et du corps diplomatique, permettez-moi de m'adresser à vous par l'intermédiaire de cette lettre ouverte constituant un appel de détresse pour notre musée. Il continue de subir une gêne envahissante et un enlisement humiliant.
Notre établissement a, en effet, brillé dès son inauguration en 1982 à la Karraka de la Goulette, par l'intérêt considérable que lui avaient manifesté de hautes personnalités tunisiennes, dont messieurs : Chedly Klibi, Mohamed Talbi et Hichem Djaït. Ils considèrent que la présence du Bélier est attestée dans toutes les civilisations et elle est méritée, et que l'idée de consacrer un musée à l'histoire du « Khnoum » (mot utilisé par Ramsès II pour désigne le Bélier) mérite hommage.
Ils étaient certains que son rayonnement culturel sera grand et que les touristes viendront nombreux le visiter. Il est à noter, Monsieur le Premier ministre, que pas moins de quatre thèses de doctorat d'Etat ont été soutenues publiquement au Caire, à Athènes, à Bruges et à Paris, ayant pour thème ce fabuleux animal élu de Dieu, dans les diverses cultures universelles.
Les personnalités étrangères dont la plupart sont issues du corps diplomatique, ont été également vivement intéressées par le thème nécessairement historique du Bélier, qui a accompagné l'existence humaine depuis ses débuts et sacralisé par les trois religions monothéistes. En prenant part à l'enrichissement du musée par des pièces archéologiques et autres objets d'art représentant le profil du Bélier, ces chefs de missions ont tenu à donner à la Tunisie un gage de leur sincère collaboration et attachement à notre institution. Ils se sentent partie prenante d'une même histoire, se reconnaissent dans les mêmes valeurs, la même culture et les mêmes idéaux. La France, mère des arts, des sciences et des lois, nourrissant la plupart des pays du monde entier, tient à ce niveau, le haut du pavé. Les objets d'art venant du musée du Louvre, de la Mairie de Caen, de celle de Nevers, l'évocation de Napoléon Bonaparte, de Louis XVI... etc, figurent en bonne place au musée, sans compter les contributions des 26 autres pays amis.
Monsieur le Premier ministre, Si notre établissement a un caractère international, c'est grâce à nos relations avec les personnalités tunisiennes et étrangères précitées. Celles-ci l'ont fait grandir, son bagage culturel et scientifique s'est enrichi. Il est l'expression de cette collaboration élargie.
L'UNESCO, pour sa part, a estimé que le musée du Bélier est tout à fait compatible avec les données historiques, religieuses, culturelles et touristiques de la Tunisie, lui conférant un caractère où prime l'option de la mondialisation. Notre institution est devenue par la force des choses, une « maison commune » fondée sur les concepts de l'entente, de l'ouverture, de la solidarité, du partage et de l'écoute. Malheureusement, et heurtant le bon sens, l'ancien régime avec son lot d'injustice et d'arbitraire, n'a de cesse d'affirmer stricto-sensu, qu'il s'agit, sans autre forme de procès, « d'un prétendu et soi-disant musée », au point de le réduire à des pièces rangées dans la pénombre des garages, synonymes de sentence de mort. Il n'a probablement pas mesuré la portée de cette malheureuse initiative et l'inquiétude qu'elle génère auprès du corps diplomatique et de l'opinion publique. Il m'a fait comprendre qu'il n'intéresse ni le ministère de la Culture, ni l'Institut national du patrimoine. Ces derniers ne voient, par conséquent, pas d'objection à ce qu'il quitte le pays pour l'étranger. Effectivement, le Conseil d'administration, et moi-même, avons envisagé, à notre corps défendant, de le transférer ailleurs, avec le soutien logistique des pays amis. Ces derniers, à maintes reprises, ont manifesté leur désir de l'abriter chez eux, et de lui redonner une deuxième vie. Ils sont disposés à offrir au musée les plus larges horizons de développement dans un cadre admirablement approprié. Sauf que ce transfert a achoppé, pour la énième fois, à une situation sans issue. Les gens de la culture préfèrent, de toute évidence, son existence dans l'air vicié des abris, dégageant une odeur d'humiliation, de traumatisme et de honte, que de lui permettre de s'expatrier, parcours qui pourrait lui laisser entrevoir de belles perspectives, surtout en France où une thèse de Doctorat d'Etat, a été soutenue par un de ses concitoyens, Philippe Bidermann, intitulé « Le Bélier en Tunisie ».
Monsieur le Premier ministre, Le comportement du ministère de la Culture, jugé moralement intolérable, n'a pas été suivi, fort heureusement par les autres départements ministériels. En effet, le ministère des Communications a mis en 1990 et 1993, des timbres – poste, prenant la mention « Premier Musée du Bélier ». De son côté, le ministère du Tourisme a édité plusieurs documents, prospectus et affiches grand format sur le musée, dans le cadre de l'innovation et de la diversification du produit touristique. J'attire aussi votre attention qu'en 2006, sous le regard de 1300 membres de la JCI, représentant 54 délégations internationales et des experts de l'ONU, le projet « Univers du Bélier », a remporté le concours et fut choisi comme la meilleure réalisation culturelle et socio-économique. Le musée international du Bélier, faut-il le souligner, n'est pas une affaire tuniso-tunisienne. La notion d'image de marque de notre pays joue un rôle fondamental. Il se trouve que nous disposons à travers l'établissement, de ce « signe distinctif » qui pourrait véhiculer un reflet positif de la Tunisie. Les timbres-poste qui circulent à travers les cinq continents représentant les caractéristiques du Bélier en font foi, autorisant une identification sans équivoque.
Monsieur le Premier ministre, Paradoxalement et heurtant le bon sens, il appert que notre établissement n'a pas été bien vu par le département de la culture, prenant ombrage de tout ce qui innove et sur quoi viennent souvent s'échouer les belles initiatives. Nous portons à votre connaissance que la direction de la douane, après avoir observé les formalités prescrites, nous a donné son accord par écrit pour le transfert du musée à l'étranger. Il suffirait que le ministère de la Culture nous attribue son aval... que nous attendons à ce jour. Autant donner un cours de dermatologie à un écorché vif. Notre institution, unique au monde, doit quitter le sol natal en toute républicaine transparence, pour faire entendre son message, démontrer sa singularité et asseoir son tempérament associatif.
Monsieur le Premier ministre, Sauf votre respect, nous vous exhortons plus que jamais, de bannir tout attentisme, étant donné les tensions et les contraintes que cette pénible situation engendre. Pour terminer, je voudrais citer la belle parole de M.Frédéric Mitterrand, ex-ministre français de la Culture : « Il ne faut pas priver le tourisme tunisien de s'enorgueillir du seul musée au monde dont il puisse vraiment se distinguer ». Avec l'expression de mon profond respect. Ali Essaïed Béliologue – Fondateur du Musée du Bélier - Fondateur de la Fédération tunisienne de Béliomachie