L'automne musical de Nîmes a accueilli « le groupe Flo » qui a interprété « Cantate pour Florent » composée et dirigée par RaimundFleiter, avec Samirah Al-Amrie, Arno Bovensmann, Ralf Bazzanella, FreyaDeiting, Christian Bongert, Sandra Wilhelms, Alice Grümmmer. « La musique, ce qu'elle est : respiration. Marée. Longue caresse d'une main de sable. » ( Christian Bobin)
Quand automne et printemps se rencontrent, on parle musique, chant, poésie, liberté, réminiscences ; épousailles des notes et des sons, des mots, des rimes et des émotions. On parle retrouvailles et souvenirs, Nord, Sud rassemblés, Est, Ouest unis dans le même souffle ardent. Quand l'histoire rejoint l'Histoire dans un même élan, la mort et la vie réconciliées, quand les voix se font écho, se répondent grâce à la magie d'un musicien qui relate bonheur et tragédie et la délivrance qui les unit, la musique se fait caresse et cri, houle, déferlante et chuchotements. Quand RaimundFleiter revisite le mythe d'Icare, la métaphore de l'envol et de la libération, il transcende ce rêve obsédant de l'élévation, désir pétri d'espérance et de lumière.
Quand le piano égrène une cascade de caresses, geint de douleur, évoque le chemin de l'aimé amoureux de l'immensité, Sisyphe heureux aux pieds ailés, posés sur la blancheur immaculée, le rire répercuté par l'écho d'une montagne sacrée, un sanglot nous étreint la gorge, l'étreinte d'une main amie transmet chaleur et sérénité. Quand la Cantate se fait berceuse, les sommets enneigés rejoignent le sable ocré et le sommeil des trésors enfouis. Quand les mots tressés par Chloé, Christine, Damien, Clémence, s'envolent, douloureux et aériens, ils atteignent la voie lactée. Quand un piano raconte une journée glorieuse en Tunisie, moment unique, ailes déployées du Phénix ressuscité, quand les voix de Samirah al Amrie et d'Arno Bovensmann s'élèvent, torrent qui nous emporte, la clameur libératrice nous parvint des confins de l'Arabie heureuse jusqu'aux eaux mouvementées de la Medjerda. Quand le chant nous prend comme une vague ou clapotis heureux, il éparpille les pétales de roses dans le roulis tendre de l'écume d'un jour de souvenir.
Quand Icare et Dédale, prisonniers du labyrinthe, condamnés par un destin implacable à vivre englués dans le sol, sur une terre d'exil, si loin de la Cité, perdus dans cet espace étroit et étouffant, décident de s'extirper de leur destinée, d'échapper à un sort inexorable, ils choisissent la voie de la liberté. Quand les jours se font pesants et lourds, quand les voix sont muselées, les libertés réprimées, l'horizon obscurci par les nuages épais de l'oppression, on rêve d'aurores et de matins lumineux. Le désir de déchirer les voiles nocturnes et d'accéder à la lumière est indomptable.
Quand les clameurs libératrices se sont élevées, un musicien les a saisies dans l'intensité d'un instant de merveille pour les imprimer dans l'éternité des notes. Répétées , partagées , leur joie en fut décuplée. Les murs de notre solitude abattus, une musique a ravivé une source secrète qui a étanché les longues années de silence et de désillusion. Légèreté de vivre, tu rejoignis ces cimes lumineuses. Sous les doigts des musiciens, coule un déluge de tristesse et d'espérance auquel nous fîmes don de larmes, amères mais légères de nous savoir ensemble et rassemblés. Instant rare de ferveur et d'admiration. La solitude éclatée, hors du désarroi et de la désespérance. Le piano dit nos frissons, nos tremblements, nos secrètes souffrances, ce silence qui crie en nous, insondable, ce qui, sur nos lèvres, danse. Et par le miracle d'une note, une étoile déploie ses ailes.