Artiste aux multiples talents, femme libre et engagée, Violeta Parra (1917-1967) est une icône au Chili. Le réalisateur Andres Wood lui rend hommage dans son dernier film,Violeta, actuellement sur les écrans en France. Le réalisateur, qui a travaillé avec le fils de celle-ci, Angel Parra, lui-même musicien, nous donne à voir et à entendre un portrait tantôt grave tantôt tendre de Violeta. Créatrice autodidacte, Violeta Parra a ouvert la voie à des générations d'artistes, notamment musiciens, qui ont porté sur les scènes du monde entier la culture populaire du Chili, les luttes et les espoirs de son peuple.
Comment faire un film sur un monument national comme Violeta Parra au Chili sans étouffer le spectateur sous des tonnes de révérence ? Comment raconter la vie d'une artiste hors des clous dans le Chili bien pensant des années 50-60 sans noyer ce même spectateur sous des tonnes de références ? Pour répondre à ce double défi, Andres Wood, le réalisateur a construit un scénario en zigzag, comme le vol d'un oiseau, où passé et présent, vie et mort s'entrecroisent. «L'acte de créer est comme un oiseau sans plan de vol, qui ne vole jamais en ligne droite» dit Violeta dans une interview à la télévision chilienne. Cet entretien un peu guindé, auquel les pirouettes de l'artiste donnent par petites touches un peu de légèreté, sert de fil rouge au film. Il déroule chronologiquement l'enfance pauvre de Violeta, héritière de la « guitare pleine de chants d'oiseaux » de son père, suit la caravane de saltimbanques –amis, mari et enfants- avec laquelle elle sillonne le Chili pour jouer saynètes et chansons, raconte la mort de son bébé alors qu'elle était en tournée en Europe, sa rencontre avec le musicien suisse Gilbert Favre, dernier et grand amour de sa vie pour lequel elle écrira la chanson Run run se fue para el Norte, et enfin la création de son université populaire du folklore, sous tente, à côté de Santiago, dernière station d'une vie vouée à la création.
Une travailleuse infatigable Car Violeta, remarquablement interprétée y compris au chant par la comédienne Francisca Gavilan, vit dans une tension permanente de création. Ses talents s'exercent de façon multiple : poésie, chant, tapisseries (les arpilleras représentant des scènes de la vie quotidienne faites de chutes de tissu et de broderies), peinture. Elle sera même exposée au musée des Arts décoratifs du Louvre à Paris, en 1964. Toute la famille est embringuée dans ce tourbillon créatif, parfois à leur corps défendant : enfant, son fils Angel l'accompagne, sous un soleil de plomb, dans ses quêtes de chants populaires et de vieux receleurs de «trésors cachés», dans les sierras reculées ; son mari joue un christ en croix –légèrement- enrobé lors d'un spectacle improvisé dans le désert minier du Nord chilien ; ou encore sa plus jeune fille prête son visage au papier mâché que sa mère lui applique sans égard pour faire des masques. Car Violeta ne ménage pas sa peine, ni celle des autres.
Andres Wood et Angel Parra, qui a beaucoup contribué au scénario, nous dépeignent une femme passionnée, obstinée, parfois dure, et libre toujours. Elle pleure la mort de la vieille femme, détentrice de chants qu'elle a emporté dans la tombe comme elle pleure la mort de son bébé au Chili alors qu'elle, chante en Pologne. « Rester au Chili ça aurait été comme de m'enterrer vivante », or elle a une mission à accomplir : travailler pour faire connaître et vivre les cultures traditionnelles de son pays. «Le travail est ce qui rend le plus heureux dans la vie. Le reste, ce ne sont que papillons et euphories passagères » dit Violeta. Le Chili rendra hommage à son œuvre, à son travail, notamment pendant les années de gouvernement de l'Unité populaire. Violeta Parra se suicide en 1967, trois ans avant l'arrivée au pouvoir de Salvador Allende, mais ses textes et chansons font désormais partie du patrimoine culturel chilien. (Agences)