Est-ce nouveau ? Est-ce surprenant ? Devrions-nous nous étonner de ce que des groupouscules de l'Aqmi sillonnent le territoire tunisien en long et en large, bien que Ali Laârayedh, un homme doté de civilité, ait tout fait pour ne pas nous effrayer ? Les présomptions djihadistes visant la Tunisie ne datent pas d'hier. Et où faut-il classer Soliman ? Ansar Ashariyaâ ? Non, c'était bel et bien l'Aqmi, surtout que la version officielle avait balbutié alors que l'ancien régime, qui se prétendait pourtant rigoureusement anti-intégriste, ne prêtait guère attention aux rapports des services secrets américains, convaincu qu'il était que les éléments de Soliman appartenaient à l'aile dure d'Ennahdha. Sommes-nous pour autant une terre prédisposée pour les appels au Djihad ? Notre situation géographique s'y prête. De surcroît le tourbillon malien, base arrière de l'Aqmi, finit par aboutir dans notre pays après s'être particulièrement déployé en Libye qui fait de nos frontières une véritable passoire. Cela fait déjà un moment qu'on nous informe que des armes circulent allègrement en Tunisie et que les questions sécuritaires prennent chaque jour de l'acuité. Sauf qu'à bien analyser les propos tenus par le ministre de l'Intérieur, on décèle quelque part la hantise que les infiltrations soient encore plus reseautées qu'on ne le pense. Et il ne serait pas indifférent de reconnaître l'insoutenable légèreté du dispositif sécuritaire tunisien qui s'est effiloché depuis que les forces de l'ordre ont été diabolisées du temps de Farhat Rajhi, auteur par ailleurs d'une fiction surréaliste avec trois acteurs de premier plan : l'Algérie, Béji Caïd Essebsi et le Général Ammar. Justement : tout le nœud gordien est là : on a tellement affabulé sur un prétendu coup d'Etat qu'on ne s'est guère occupé de ces hordes de djihadistes qui entrent (ou rentrent) sur notre territoire. Maintenant, il faut reconnaître que la situation est inquiétante... Inquiétante principalement, parce que ces fous sanguinaires trouvent du répondant parmi beaucoup de Tunisiens, obnubilés qu'ils sont par l'application exégétique de la chariâa, combattant la société civile, fustigeant les arts et nous qualifiant tous de mécréants. Quelque part Ennahdha elle-même, est interpellée. Son indolence équivoque face à la mouvance salafiste et les « Ansar Ashariyaâ » aura contribué à fortifier le monstre djihadiste. C'est là un glissement de vocation : si des forces étrangères ont laissé tomber Ben Ali, c'est pour favoriser l'accession d'un islamisme modéré dont se revendique Ennahdha elle-même. Et dans la pure logique américaine, c'est cette composante religieuse modérée qui doit combattre le djihadisme. Pour l'heure Ennahdha marque un certain retard par rapport à ses engagements...