De par son importance puisque les futures fondements de la 2ème République en dépendent, le brouillon de la Constitution continue à alimenter les débats et susciter controverses et appréhensions. La question de l'éventuelle privatisation, fut-elle partielle de l'action de protection de la sécurité des citoyens est posée. L'article 95 est exaplicite et stipule que seul l'Etat crée des forces armées et des forces de sécurité. Il n'est pas permis de constituer parallèlement des forces de sécurité ou d'armées supplétives non soumises à l'autorité de l'armée nationale ou la sécurité, sauf dans le cadre de la loi. Ainsi cet article laisse la porte ouverte à la constitution de groupes armés « conformément à la loi ». C'est ce qui a suscité des réactions négatives de la part de la société civile et des partis politiques. Lotfi Azzouz, Directeur exécutif d'Amnesty international se réfère au Droit international et pense que les restrictions ne doivent pas être laissées à la loi. Il s'élève contre la gravité de privatiser la sécurité. « Seul l'Etat détient le pouvoir et se porte garant de la sécurité des citoyens et jamais d'autres structures », dit-il. Il rappelle que des gardes de corps peuvent exister. Dans les pays démocratiques il y a des détectives privés. C'est très organisé. Il ajoute qu'il fallait mentionner dans le projet de Constitution que « les forces de sécurité sont neutres et qu'elles opèrent conformément aux lois des régimes démocratiques ». Il déplore que le brouillon de Constitution n'ait pas mentionné l'universalité des Droits de l'Homme et la supériorité des conventions internationales. « L'institution sécuritaire doit assumer ses responsabilités conformément aux conventions internationales et rendre compte des éventuels dépassements des Droits de l'Homme». Me Bochra Belhaj Hmida, membre du bureau exécutif de Nida Tounès, considère que l'article 95 est très grave. « Il suppose qu'on peut concevoir une loi qui autorise la formation de groupes privés armés », dit-elle. Elle ne connait pas les dessous de cet article. « Vu ce qui se passe, nous avons le droit de nous poser des questions sur les intentions et desseins des auteurs de l'article. Cela laisse la porte ouverte à toutes les interprétations y compris de légiférer dans l'avenir pour que des groupes armés puissent être constitués ». Mohamed Kilani, secrétaire général du Parti Socialiste (PS), n'y va pas du dos de la cuillère. « Ce paragraphe prépare la légalisation des milices et des groupes paramilitaires. C'est très grave. La vente des armes deviendra légale. Un parti politique en mesure de s'armer règlera ses affaires. On dirait qu'on se prépare pour la guerre civile. C'est très dangereux. On est en train de préparer un misérable avenir pour le pays. C'est catastrophique ». Il prévient que d'autres choses plus graves viendront. Le pire est à envisager Tahar Hmila membre indépendant de la Constituante confirme que cet article sera soumis à la révision et aux débats. « Une profonde révision touchera le premier brouillon de la Constitution qui a été préparé lorsqu'Ennahdha exerçait une forte hégémonie. Aujourd'hui, la pression d'Ennahdha a perdu de sa vigueur. Beaucoup de choses seront revues. Les rapports de force ont changé. Personnellement, je considère que l'institution militaire est au dessus des partis. Elle protège la légitimité des urnes et prémunit la Patrie contre les agressions étrangères. Sans l'armée qui a gardé ses distances, en restant à l'écart des tiraillements politiques, sans l'esprit patriotique du ministre de la Défense nationale et du Commandant supérieur des armées, la Tunisie serait devenue une deuxième Somalie. Il faut sauvegarder cet acquis. On ne peut avoir de structures de sécurité en dehors de la légitimité que ce soit pour l'armée ou la sécurité nationale. Les structures privées n'ont pas de place. Jamais la sécurité ne doit être confiée aux mains du privé ». Intervenant sur les ondes de ShemsFM, Me Abdelad Djobbi avait mis en relief son inquiétude pour le fait que la Constitution tunisienne puisse permettre l'existence de milices armées. Il a précisé qu'évoquer l'idée de l'existence de milices armées en dehors du cadre de la police et de l'armée est injustifiable.