•Janvier est le mois le plus dur, avec 15 violations Les agressions contre les journalistes tunisiens ne connaissent pas de répit. Les dernières en date ont été enregistrées au début du mois en cours, notamment lors de la visite du prédicateur Saoudien Mohamed Hassen, où une journaliste de la radio régionale de Monastir a été agressée par quelques jeunes du comité d'organisation. En fait cet acte n'est pas isolé. Nombreuses sont les professionnelles qui ont subi plusieurs formes d'agression. D'ailleurs, 38 atteintes contre des femmes qui exercent dans le secteur de la presse ont été relevées au bout de 7 mois, à partir d'octobre 2012 jusqu'à avril 2013. Ce chiffre a été présenté par le rapport réalisé par l'Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, faisant état des lieux des atteintes contre les femmes journalistes. C'est dans la capitale que la majorité des professionnelles ont subi différentes formes d'agression. Le mois de janvier était le plus dur pour les femmes de média, avec un bilan de 15 violations. «Agressions physique et verbale, interdiction de mener sa mission, poursuites judiciaires, confiscation du matériel de travail... ». Il s'agit là des différentes formes d'atteintes commises contre les journalistes tunisiennes lors des sept derniers mois, rapporte l'Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse. Ce constat reflétant les conditions de travail dans lesquelles exercent les journalistes inquiète les observateurs, d'autant plus que « la majorité des violations observées relèvent de l'interdiction de travailler ». Elles sont, d'ailleurs au nombre de « 24, suivies, d'agressions verbales qui sont de l'ordre de 22 ». Concentration à la capitale C'est dans la capitale que le plus grand nombre de dépassements est observé. Cela est dû en fait, à la concentration de la quasi-totalité d'établissements médiatiques dans cette ville. Ce n'est pas tout. En plus de ce facteur d'ordre structurel, les acteurs dans le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse justifient ce constat par le fait qu'il y a une difficulté pour observer les violations dans les régions intérieures. « Le nombre, plutôt, réduit de l'effectif de la presse régionale en comparaison avec celui dans la capitale », justifie également le décalage entre les régions. Les manifestations Par ailleurs, le même rapport précise que tout au long de cette période, « les violations ayant touché les journalistes femmes se sont accentuées au cours du mois de janvier 2013, avec un nombre qui atteint 15 violations sur un total de 56 agressions contre les journalistes en Tunisie ». Mais comment s'explique ce constat ? Cela « coïncide avec la tenue de manifestations, de marches, de grands rassemblements populaires, à caractère social et politique où il y a eu intervention de la Sécurité, plutôt, avec un acharnement exagéré », explique le rapport tout en parlant d'une « structure mentale générale qui alimente les agressions contre les journalistes femmes ». A cet égard, le rapport parle d'agression à caractère sexuel. « Quatre journalistes femmes sur un total de 38 ont fait l'objet d'agressions à caractère sexuel, qui vont de l'atteinte à la pudeur jusqu'au mépris du sexe féminin et l'atteinte à la dignité », d'après la même source. « Cependant, ce chiffre ne reflète pas la réalité, dès lors où la majorité des agressions du genre et celles qui gravitent tout autour, ne sont pas systématiquement déclarées à la presse ni aux organisations concernées », attire l'attention le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse. « Et si cette abstention, relève, en grande partie de l'appréhension des agressées quant à la réaction de leurs agresseurs, surtout si ces derniers étaient des patrons de presse ou font partie de l'environnement professionnel, cette abstention, résulte d'une mentalité générale bien ancrée qui consacre l'infériorité des femmes dans les faits et les présente, la plupart du temps, comme étant partie prenante de n'importe quelle violence à caractère sexuel dont elle ne sont, pourtant, que victimes », critique le rapport. Et la mentalité ? Ce constat est certes désolant. D'ailleurs, le Centre de Tunis pour la liberté de la Presse considère que « s'opposer aux violations contre les femmes journalistes, demeure tributaire, dans une large mesure, d'une modification voire d'un bouleversement, de l'environnement social, dont la dimension culturelle et spirituelle est influencée d'une mentalité bien ancrée et qui consiste à considérer la femme et/journaliste comme étant un être inférieur ». Pour mieux remédier à cette situation et accorder à la femme une meilleure position et traitement, le Centre appelle dans des recommandations formulées dans son rapport à « une représentation égalitaire dans les responsabilités professionnelles, en cohérence avec la présence des femmes journalistes dans le secteur ainsi qu'avec leur compétence et professionnalisme ». Il conseille aussi « de s'opposer à l'image stéréotypée de la femme journalise dans les médias tunisiens et à une prise en compte particulière des femmes journalistes dans les régions intérieures, où l'environnement y est plus appauvri et plus marginalisé, ce qui favorise par conséquent, les violences et l'exploitation à leur encontre ». « Il est, également, impératif de mettre à leur disposition, suffisamment de mécanismes de protection », recommande le rapport tout en insistant sur l'importance de « mettre en place des espaces informationnels permanents pour traiter des questions spécifiques aux femmes journalistes et de renforcer les sanctions administratives et judiciaires contre les agresseurs des journalistes femmes ». Il importe en plus, « d'encourager les femmes journalistes à faire parvenir tous les cas d'agressions à leur encontre, y compris celles à caractère sexuel, à toutes les parties concernées, allant jusqu'au recours à la justice ».