La diplomatie tunisienne était-elle dans sa logique en rompant les relations avec la Syrie ? Et, après avoir exporté sa Révolution en Egypte et en Libye, et quelque part infléchi les pesanteurs politiques, même au Maroc, la Tunisie, désormais, héraut de la « Révolution permanente » (pas dans le sens trotskiste du terme), pouvait-elle continuer à entretenir des liens avec un régime baathiste, sanguinaire (de père en fils), et qui est en train d'exterminer son peuple, avec l'appui de la Russie – très motivée pour enclencher une nouvelle guerre froide – et surtout avec l'appui de Téhéran ? – Etrange retour des choses au demeurant : le baâthisme a une sainte horreur historique vis-à-vis du Chiisme et pourtant c'est à Téhéran que Bachar Al Assad va chercher ses principaux atouts sans oublier, bien sûr, la force persuasive du Hezbollah. Dès lors, l'initiative de cette délégation de membres de partis politiques – dont Nidaa Tounès – et des représentants de quelques ONG de se rendre en Syrie et de s'entretenir avec Bachar Al Assad, ne va-t-elle pas à contre-courant avec les valeurs cardinales de la Révolution, (le refus du joug de l'oppression, les libertés individuelles et la démocratie) et, surtout, ne fait-elle pas ingénument un pied de nez à la position officielle de l'Etat vis-à-vis du régime syrien ? On ne sait par quel miracle les membres de cette délégation ont déclaré à leur retour à Tunis que la situation en Syrie revenait à la normale. Par contre, rien de concret sur la colonie tunisienne diabolisée par le régime syrien et rien, non plus, sur les jeunes tunisiens taxés de jihadistes qui croupissent dans les prisons syriennes et qui risquent carrément de comparaitre devant un tribunal martial. Car, essayer d'amadouer le despote syrien n'est toujours que la conséquence du problème. Les causes sont, en effet, endogènes et tiennent au minutieux réseautage des excommunicateurs de chez nous, ces groupuscules obscurantistes, adeptes du Djihadisme et qui se proposent de noyer dans l'œuf le processus transitionnel et pragmatique qu'ambitionne la Tunisie. Une visite pour rien, en fin de compte. Et qui plus est, ses instigateurs, à l'évidence ne perçoivent pas assez l'essence totalitaire du régime syrien. Raouf KHALSI