L'idée de droit en Arabie, durant la Jahilya, était liée à l'importance de la tribu et à la situation sociale et matérielle de ses membres. Les plus nantis étaient les plus favorisés, et les plus privilégiés. Il y avait des tensions entre les tribus dont chacune réclamaient des privilèges dus à son ancienneté qui lui donnait une priorité pour s'établir sur un territoire et exploiter les richesses naturelles dont la plus importante était l'eau. Celle-ci fut la cause d'une guerre entre la tribu de Âbs et celle de Thoubiane qui dura une quarantaine d'années. L'idée de justice en cette période préislamique était totalement absente, car les plus forts exploitaient les plus faibles, et ce que ce soit entre individus ou entre tribus. La Mecque ville commerçante et en même temps centre religieux, la Kâaba, le monument érigé par Ibrahim, ayant été transformé en un temple païen, était un centre de passage entre le Yémen et le Levant. Les notables qui étaient de riches commerçants y imposaient leur propre loi aux minorités qui s'y pliaient. L'esclavage ainsi que la traite des blanches et la vente des odalisques constituaient un commerce florissant. Ce sont ces mêmes Mecquois qui furent les premiers à avoir tenu au Prophète Mohamed, le Messager de Dieu, pour abolir ces pratiques iniques et inhumaines et instaurer la paix et la Justice, à travers la Parole sainte de Dieu. Le Coran est un guide et un code de vie, établissant des droits et des devoirs pour régir les rapports entre individus. C'est la raison pour laquelle, avec l'avènement de l'Islam a commencé une ère nouvelle, celle de l'abolition des injustices, et l'instauration de l'idée des droits de l'Homme. C'est l'objet du livre du professeur Yadh Ben Achour, qui traite ce problème, du point de l'éminent juriste qu'il est. Il parle de la pensée des droits de l'Homme, en tant que point de vue universel dont doit justifier l'Islam, et de ce fait il s'interroge sur une conception moderne des droits de l'Homme. Cependant à lire son ouvrage, on se rend compte tout de suite qu'il parachève ce qui a été déjà avancé par ses ascendants les éminents juristes , grands érudits et Ulémas, son père, l'illustre juriste et non moins grand théologien le Cheikh Fadhel Ben Achour, lui-même fils du grand exégète du Coran Mohamed Tahar Ben Achour. Dans son ouvrage : Les enseignements de la Chariâa (Makassed Achariâ, celui-ci a exposé cette idée de droits de l'Homme qu'il expose avec le brio d'un théologien éclairé. Lakhhar Al Hussein, émule du cheikh Tahar Ben Achour, et qui fut le seul Tunisien, à avoir été désigné à la tête de l'institut Al Azhar au Caire, avait abordé, dans l' une de ses conférences au collège Sadiki, où il avait professé en même temps que le Cheikh Tahar Ben Achour, vers les années trente du siècle dernier,l'idée des droits de l'Homme dans l'Islam, qui est fondée , précisa-t-il, sur l'idée de la liberté . On peut relever dans l'un des passages de l'ouvrage de Yadh Ben Achour Ce qui suit :
« La difficulté, c'est que l'homme est plutôt enfanté par ses servitudes. La liberté, dans son ampleur maximale, en tant qu'elle signifie l'absence de contraintes, supposerait un être inconditionné, ce qui n'est évidemment pas le cas de l'homme. En ce sens, l'histoire de la liberté est donc l'histoire d'une impossibilité, et aucune réflexion, aucune philosophie sérieuse n'a jamais prétendu attaquer le problème de la liberté sous cet angle. Elle se heurterait fatalement aux deux facteurs qui enchaînent l'homme en tant que créature. « Le premier est constitué par la chaîne du temps. Si je peux supposer être maître de mon temps présent, sachant que ce temps présent dépend d'un passé qui le conditionne par nécessité, et que ce passé que je ne peux plus gouverner a définitivement échappé à ma maîtrise, je dois en conclure que je ne peux être maître de moi-même et de mon destin. Le deuxième est constitué par la chaîne de la nature, elle-même déterminée par la chaîne du temps. L'homme constitue un élément de cette nature. Il est, comme on l'a dit, poussière et retournera à la poussière. Naître, vivre, périr constituent les lois immuables de notre espèce, parce qu'elles sont les lois de la nature. Quelle liberté, pour des êtres qui ne peuvent rien espérer de plus que de perpétuellement donner la vie à des condamnés et qui ne cessent de recommencer, toujours recommencer, sans choix possible, le cycle infernal de la vie et de la mort ? L'idée du péché constitue-t-elle un obstacle, ou une limite à celle de la liberté ? Yadh Ben Achour fait remarquer dans son même ouvrage à ce propos : « « Le péché ne peut être qu'un délit de notre volonté et non pas de notre nature. » (5). Partant de l'idée que l'homme est doué de raison, et donc de discernement, les pélagiens en ont déduit une faculté humaine qui consiste en la possibilité de choisir entre des contraires, comme le bien et le mal. Cette même raison qui permet à l'homme d'accéder à la connaissance de Dieu et à sa justice devient ainsi la source de sa liberté, y compris la liberté de violer la loi divine (6). La liberté règle les rapports entre les hommes, mais également entre l'homme et Dieu, ce qui exclut la contrainte du péché originel. » ( A suivre)