Avec les premiers jours de l'automne et la diminution des températures diurnes, l'envie de randonnée est revenue. Aujourd'hui, nous avons décidé de partir en direction du Cap Bon. Le « Beau promontoire », consacré à Mercure, présente un avantage certain. Sa côte Sud est bien abritée des vents de secteur Nord alors que le littoral septentrional est battu par les vents de Nord / Nord-Ouest. L'approche Passé Hammam-Lif – nous y reviendrons bientôt ! – on atteint Soliman où on peut faire une petite pause-café à proximité de la « mosquée andalouse ». Soliman aussi mérite une visite : sa plage, ses marais – hélas en cours d'assèchement, pour le plus grand plaisir des riverains mais, au grand désespoir des amoureux des oiseaux – et son quartier « andalou » sont intéressants. Par de nouvelles belles routes, on dépasse Menzel Bouzelfa, on « escalade » le versant Ouest du Jebel Sidi Abderrahmane. On redescend de l'autre côté et à 30 kilomètres environ de ce dernier bourg, on atteint un carrefour. Une petite route sinueuse mène au village de Fortuna. La région de Fortuna est riche en vestiges protohistoriques et récemment d'importantes traces d'occupation humaine durant la préhistoire ont été découverte au lieu-dit Kef El Ahmar. Le bourg de Fortuna existait à l'époque romaine. Il se trouvait sur une voie joignant Karpis / Sidi Raïs à Menzel Horr. Au voisinage immédiat de Fortuna, on peut découvrir les deux haouanet – tombeaux rupestres berbères – de Bit El Mal, situé au lieu-dit Zitoun Bou Rouag et de Demnet Erramla ou El Karoui ainsi que deux faux « menhirs » qui ont indubitablement servi de monuments de culte. L'un d'eux, appelé « El Hajra Ezzarga » à cause de sa couleur bleuté, porte de nombreuses traces de polissage d'outils coupants. A quelques kilomètres de Fortuna, on découvre les vestiges groupés autour du hameau d'Er'rouiguet appelé aussi Sidi Bou Ali : le hanout proche de la zaouïa de Sidi Ali Rouiguet, les deux haouanet du lieu-dit Abada à un kilomètre environ et le hanout de Dar Ayed ou Ayad. Au bas d'un escarpement rocheux de couleur rougeâtre appelé Kef El Ahmar et situé à deux kilomètres du hameau de Rouiguet, des « outils » de différentes industries préhistoriques ont été recueillies. Ils appartiennent d'abord à l'industrie atérienne, paléolithique, typique de l'Afrique du Nord et caractérisée par des pièces pédonculées. D'autres « pièces » font parties d'une industrie épipaléolithique qui pourrait être attribuée à l'Ibéromaurusien, typique, lui aussi, de l'Afrique du nord. En surface, les archéologues ont ramassé aussi de nombreux « outils » datant du néolithique dont de nombreux racloirs, un éclat en obsidienne, « importée » en Tunisie et des pièces foliacées. On pourrait se contenter de « faire le tour » de ces sites : ce qui prendra environ deux heures parce qu'on ne sait pas exactement où ils sont. Nous vous conseillons de les réserver pour l'après-midi après être redescendu du « mont ». On pourra déjeuner à Menzel Témime tout proche ou dans un des bons restaurants de Kélibia puis revenir voir, si on a oublié, les nombreuses espèces d'orchidées fleurissant dès la fin février tout autour du carrefour des routes de Fortuna et de Menzel Bouzelfa. La randonnée Quand on arrive au village de sidi Bou Ali, on est au pied du versant Sud du Jebel Sidi Abderrahmane et on n'a qu'une envie : « l'escalader ». La randonnée ne présente aucune difficulté : 250 mètres de dénivelé environ, une bonne heure de marche à peu près. Nous avons choisi d'emporter le pique-nique dans nos sacs à dos : une bouteille d'eau et un peu de nourriture pèsent au maximum – quand est très gourmand ! – 3 à 4 kilogrammes. Là-haut, la petite tâche blanche du marabout consacré à Sidi Bou Ali nous appelle et nous invite à nous mesurer aux marches géantes, ocre, du Jebel. On taille sa route, à son goût, plutôt vers le Sud du village, là où, le versant est moins escarpé. Les chèvres et les moutons ont « martelé », depuis l'Antiquité, de petits sentiers le long desquels on grimpe en zigzag, en s'arrêtant chaque fois qu'on en a envie. Sur la crête, vous découvrez d'abord des arbres dont personne n'a pu nous dire le nom. Il nous faudra questionner le Service des Forêts : ce ne sont pas des arbres Nord-africain. Puis, le panorama vous surprend. Côté gauche, face au Nord-Ouest, on découvre le Bou Kornine, le Ressas, Port-Prince et, à ses pied, le barrage et les très belles plages de l'Oued El Abid. A droite, face au Sud-Est, la côte Sud du Cap Bon s'étend au bord de la mer qui scintille au loin. Après avoir visité le marabout qu'on voyait du bas, on s'aperçoit qu'il y a bien d'autres curiosités : une faille dans laquelle coule un filet d'eau où les « pèlerins » viennent faire leurs ablutions et ... nettoyer la « daouara » de l'agneau sacrifié en offrande. Un peu plus loin, dans un creux de rocher peint en vert une bougie se consume : dernière « reste » de cultes ruraux préislamiques. Et ... masqué par un amas de rochers, un mur, blanchi à la chaux et percé d'une petite porte, s'appuie à la « falaise ». A ses pieds, s'écoule un minuscule ruisseau. Même s'il n'y a pas de pèlerins, poussez délicatement, respectueusement la porte. L'intérieur baigné d'une lumière pâle, respire le calme, la paix, la dévotion. Le catafalque du Saint Homme occupe la première pièce dont le pavement est couvert de nattes et de tapis sur lesquels les pèlerins se reposent et prient. Derrière, un grand renfoncement, taillé dans le rocher, fait office de bassin dont le trop-plein forme le ruisselet que nous avons vu en arrivant. Seul, le bruit cristallin des gouttes d'eau, suintant du plafond, trouble le silence en tombant dans la vasque. Quel enchantement ! Nous avons préféré prolonger notre plaisir en déjeunant au sommet et nous sommes redescendus lentement pratiquement le long des sentiers qui nous avaient permis de monter. Une autre voie Ceux que la pente pourrait rebuter peuvent tout de même aller visiter le marabout consacré à Sidi Abderrahmane. Ils iront par la route d'El Haouaria jusqu'à la pépinière forestière de Zougag. Juste à gauche de l'entrée de cette dernière, s'amorce une belle petite route qui sinue jusqu'aux antennes qui couronnent le sommer du mont. Ils laisseront leur véhicule à la surveillance du gardien des locaux et descendront vers le Sud jusqu'à une prairie parcourue constamment par des moutons. Ensuite, il suffit de suivre l'arête du sommer, en direction du Sud-Ouest, toujours à la même altitude – à plat donc ! – durant une heure ou deux suivant le rythme qu'ils s'imposeront pour arriver jusqu'au marabout de Sidi Bou Ali. Ensuite, il faut longer le pied de la falaise vers le Sud-Ouest pour atteindre la source et l'autre marabout. Pour cette randonnée aussi, nous préférons emporter le pique-nique. Mais on peut aussi aller manger une grillade à Sidi Daoud ou un délicieux poisson dans un restaurant d'El Haouaria et revenir lentement. On peut occuper son après midi en allant visiter, à Tazograne proche, le marabout consacré à Sidi Maaoui et le dolmen sous lequel les dames déposent leurs offrandes à sa mère qui bénéficie encore d'un culte vivace. On pourra aussi aller reconnaître la piste carrossable menant à la très belle plage de Bir Jedi ou encore pousser une pointe jusqu'au port de Sidi Daoud qui le mérite. Le Cap Bon offre de très nombreuses « escapades », baignades, « découvertes », parties de pêche ou de chasse – aux grives en particulier – possibles en toutes saisons, en dehors de « sentiers battus » par la foule. Il suffit de sortir de chez-soi !