En politique, les coordinations entre les partis sont monnaie courante et revêtent des formes différentes allant de la rencontre à l'alliance. La première est simple consistant en une réunion à propos de tâches précises et ponctuelles, alors que la seconde est beaucoup plus développée, elle réside dans un rassemblement autour de programmes sur le moyen ou le long terme ; en d'autres termes, les alliances se font sur la base de plateforme commune. Donc, dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'une union pour une action commune différant de par sa nature et sa durée dans le temps, les deux exemples illustrant la première formule sont le Front Populaire et l'Union pour la Tunisie, et celui éclairant la seconde est le Front de Salut National. Tentatives de ressuscitation Conformément à ces définitions, la rencontre de la semaine dernière entre les six partis, ayant réclamé leur participation au Dialogue national, n'intègre ni l'une, ni l'autre des deux catégories. On voit mal ce qui pourrait réunir des partis comme le PS, le PTPD de et le Mouvement baâtiste, d'un côté, et le Mouvement du Peuple, le MUP et le PTT, de l'autre. Les premiers font partie d'un front élargi, le Front de Salut et de coalitions qui sont respectivement l'Union pour la Tunisie et le Front Populaire, alors que ces derniers n'appartiennent à aucune alliance. Si le comportement de ces partis solitaires est, à la limite, plus ou moins concevable, vu qu'ils cherchent à se positionner sur la scène politique dont ils sont quasiment absents et où ils n'ont aucun poids, l'attitude des autres est à la fois surprenante et inquiétante. Déjà, le choix de l'endroit de la conférence de presse, qu'est le siège du Mouvement du Peuple, en dit long sur l'auteur de cette initiative et les mobiles non déclarés de cette rencontre des six. La détresse du parti hôte a commencé avec l'assassinat de son ex secrétaire général, Mohamed Brahmi, depuis cette date, il vit un isolement politique qui s'accentue de plus en plus avec le temps, et les différentes tentatives qu'il a faites en vue de faire restituer au parti les galons qu'il a perdus avec le départ du martyr, le 7 juillet dernier, étaient vouées à l'échec. Mais cet échec qu'il a essuyé ne le laisse pas abandonner la partie surtout avec cette échéance capitale, à savoir le Dialogue national, cette aubaine dont il souhaite profiter en y jouant un rôle et entrer dans la cour des grands pour essayer de se redorer le blason. Le Mouvement du Peuple accuse le Courant Populaire, le nouveau parti de Brahmi, de s'être allié à Nida dans le cadre du Front de Salut National, alors qu'il s'associe à des partis qui sont les alliés de Nida, c'est-à-dire le Parti Socialiste de Mohamed Kilani et le PTPD de Abderrazak Hammami qui appartiennent tous deux à l'Union pour la Tunisie. Le moins que l'on puisse y dire, c'est que cela relève de la pire hypocrisie politique, comme l'a exprimé Zouhaier Hamdi sur les colonnes de notre journal dimanche dernier. Quant à Othman Ben Amor, il prétend que 90% des nationalistes sont dans le Mouvement baâtiste et 70% dans le Mouvement du Peuple. On se demande, alors, qu'est-ce qu'il fait avec le Courant Populaire au sein du Front Populaire; si c'est le cas comme il le prétend, il n'a qu'à former un front regroupant l'ensemble des nationalistes arabes avec le Mouvement du Peuple. Le comble de l'immoralité politique c'est lorsque Othman Bel Haj Amor et Zouhaier Maghzaoui parlent de l'exclusion délibérée des nationalistes aussi bien en ce moment qu'au temps de la Haute Instance de Iyadh Ben Achour. Il s'agit là d'une déformation de la réalité et de l'histoire, parce que, d'une part, à cette époque, ce sont les Nassériens qui ont refusé d'intégrer cette instance pour des considérations politiques et ont préféré rester au sein de l'instance nationale de protection de la Révolution issue du Front du 14 Janvier. Les Baâtistes, eux, étaient représentés par Attaliâ de Ahmed Seddik au sein de cette instance, étant donné que les places y étaient attribuées par famille idéologique. Et pour ce qui de leur prétendue exclusion du Dialogue national, les paramètres établis par le quartet, consistant à n'y inviter que les partis représentés à l'ANC, sont très plausibles et n'ont aucun caractère discriminatoire, car il n'est pas logique d'y convoquer les 170 partis politiques présents sur la scène politique. Indiscipline et opportunisme En fait, ces six partis réunis autour de la même table ont quelque chose de commun : leur taille. Ce sont des partis minuscules qui n'ont aucune présence sur les grilles des sondages, que rien n'unit sur le plan politique, étant donné qu'ils appartiennent à différents bords, comme nous l'avons précisé plus haut, qui ont eu le sentiment d'être marginalisés soit politiquement, soit médiatiquement, et qui cherchent à jouer des rôles pour dire qu'on est là. Par ce travail parallèle, voire opposé et hostile aux coalitions auxquelles ils appartiennent, la PS, le PTPD et le MB déshonorent leur engagement politique, moral et organisationnel à l'égard de ces dernières. Pire, ils perdent de leur crédibilité auprès de l'opinion publique, car ils donnent la preuve qu'ils cherchent des intérêts strictement personnels et non pas une solution à la crise, leur seul souci c'est de satisfaire leur égo en posant devant les caméras et en occupant la une de l'audiovisuel et des journaux. Cet égocentrisme permet à l'un d'entre eux, Zouhaier Maghzaoui, de prétendre que la solution ne pourrait pas provenir de l'ANC qui est l'origine du problème, une vérité qu'il est le dernier à reconnaître. On n'a pas la mémoire courte et on se rappelle très bien que le Mouvement du Peuple s'est, vivement, opposé à la revendication du Front de Salut relative à la dissolution de la Constituante au déclenchement du sit-in « Errahil » à la suite de l'assassinat de Mohamed Brahmi. Maghzaoui s'improvise avec ses partenaires comme sauveurs, ceux qui disposent de la clé du dénouement heureux ; s'ils sont les libérateurs, cela veut dire, à contrario, que ceux qui participent au dialogue et qui sont représentés au sein de l'ANC, le grand titre de l'échec, ne le sont pas. Drôle de logique et drôle de politique ! Avec de tels comportements, on ne pourrait plus s'en vouloir à ceux des citoyens qui s'en détournent… il y a de quoi s'en dégoûter…