On demande aux Tunisiens, ces derniers jours, de coopérer avec la police dans sa lutte contre le terrorisme : le Ministère de l'Intérieur lance de plus en plus d'appels aux citoyens pour l'aider à arrêter ou à repérer des assassins et des extrémistes dangereux encore en cavale ou en cachette. C'est surtout à l'ère de Lotfi Ben Jeddou que ces demandes de collaboration se multiplient. Pas plus tard qu'avant-hier, au lendemain des deux opérations kamikazes de Sousse et de Monastir, on publia sur les réseaux sociaux et l'on diffusa sur les écrans de presque toutes les chaînes publiques et privées les photos de deux jeunes suspects recherchés dans cette affaire (l'un d'entre eux est déjà arrêté, peut-être en partie grâce à la collaboration de la population). Nous imaginons par ailleurs que dans les autres traques de terroristes présumés, l'apport des citoyens n'est pas négligeable. En fait, la police a toujours eu ses informateurs et la plupart du temps ces derniers n'accomplissent pas leur « devoir » bénévolement ni par scrupule patriotique. Aujourd'hui par contre, en l'absence (ou la raréfaction) des indicateurs « professionnels », nos autorités sécuritaires sollicitent la collaboration des citoyens. Et manifestement, ces derniers ne sont nullement effarouchés de jouer aux cafteurs et aux mouchards de la police, rôles jusque-là très mal perçus chez nous et ailleurs ! En effet, dans le monde et pas seulement en Tunisie, la plupart des générations grandissent avec l'idée que le mouchard est une vile personne. Du temps de Bourguiba et de Ben Ali, la phobie du « flic », de « l'indic » et du « qawwed » s'est répandue dans tous les secteurs professionnels, dans les universités et dans les lieux publics, les cafés en particulier. On fuyait ces individus ou bien on les prenait en chasse comme cela arrive fréquemment en milieu universitaire. Après la Révolution, il y eut comme un soulagement, comme une délivrance : les langues se sont déliées et la peur des cafteurs s'est nettement apaisée. Mais le 9 Avril 2012, lors de la manifestation organisée à l'avenue Bourguiba pour la commémoration de la fête des martyrs, les Tunisiens et plus particulièrement les émeutiers découvrirent avec stupéfaction que le Ministère de l'Intérieur avait de nouveau fait appel à des « appariteurs » bien baraqués pour l'aider à disperser, à molester ou à arrêter les manifestants. Ali Lâarayedh considère que c'est maintenant une affaire classée, mais ce n'est pas l'avis de ceux qui tiennent à poursuivre en justice certains membres bien identifiés de ces milices venues ce jour-là en renfort aux policiers. En ce dernier trimestre de l'année 2013, la donne a beaucoup changé. Entre la police et les citoyens le courant passe de mieux en mieux. L'élan de solidarité inédit dont a fait preuve le peuple tunisien à l'occasion du martyre de policiers, de garde nationaux et de militaires dans leur guerre contre les terroristes religieux, a raffermi les liens entre les deux parties rarement réconciliées auparavant. A tel point que l'autre jour sur face book, une enseignante du Supérieur qui a eu plus d'une fois maille à partir avec la D.S.T. (police secrète tunisienne) et avec la police en général, racontait sans la moindre gêne comment elle a dénoncé deux individus suspects qu'elle a croisés près d'une grande surface. A propos de réseaux sociaux, on lit partout ces deux derniers jours des appels à la prudence et à la méfiance face à diverses situations suspectes : par exemple un avis circule maintenant qui vous prévient en cas de sortie de garage, si une autre voiture stationne juste devant votre porte avec un mot d'excuse et un numéro de téléphone sur son pare-brise ! On vous recommande de ne pas y toucher et d'appeler immédiatement la police, car il pourrait s'agir d'une voiture piégée !!! D'autre part, nous avons également remarqué que beaucoup de facebookers reproduisent sur leurs murs respectifs les numéros de téléphone à contacter en cas de rencontre avec des personnes ou des objets peu rassurants. En définitive, la dénonciation à la police ne dérange plus comme naguère. On éprouve même de la fierté à jouer à la « balance ». C'est qu'on ne cafarde plus désormais de manière partisane et impopulaire. On ne sert plus les gens au pouvoir, mais la Nation contre ses ennemis ; on œuvre à sa propre survie, à celle de ses enfants aussi ! La cause des groupes ou des personnes dénoncées n'est pas juste ni n'est partagée par la population. Anticiper les nuisances de ces parias et de ces mercenaires s'inscrit dans une œuvre civique, il s'agit d'une bonne action citoyenne qui ne profite pas à une minorité mais à l'ensemble de la population. La guerre que la police mène contre les extrémistes jihadistes est une guerre juste ! Le peuple tunisien n'a pas mis longtemps pour s'en convaincre. D'où ce soutien inconditionnel aux hommes de la sûreté nationale et à ceux de l'armée et plus particulièrement aux hommes de terrain qui affrontent les dangers au quotidien et qui savent que leurs sacrifices profitent non à un parti, non à un ministre, non à un président, mais à leur Patrie et aux millions de Tunisiens qui aspirent à la paix, au progrès et à la démocratie. Ne méritent-ils pas qu'on les aide à mettre hors d'état de nuire les ennemis de la paix, du progrès et de la démocratie. Vive le mouchardage s'il est citoyen et républicain, vive le caftage s'il sauve des millions de vie, vivent les indics, les flics, les balances, les appariteurs, les cafardeurs et les cafteurs s'ils dénoncent les tueurs de l'espoir !!! S'il en est ainsi du rôle de « rapporteur », alors soyons tous mouchards et…fiers de l'être !!!