Il y a un an, jour pour jour, le député et leader politique Mohamed Brahmi, Secrétaire général du Mouvement du Peuple et membre du Front Populaire a été criblé de 14 balles devant son domicile. Un second assassinat politique en l'espace de 6 mois, après celui de Feu Chokri Beaied, tué par la même main terroriste. Un choc national survenu en plein mois de Ramadan et qui plus est, a eu lieu le matin même où la Tunisie, encore endeuillée, se préparait à fêter en grandes pompes la 56ème année de la République. Le choc est le moins que l'on puisse dire, foudroyant. Paralysés, interloqués et affligés, les Tunisiens étaient d'abord, abasourdis. Un an plus tard, le crime demeure un grand point d'interrogation. Jusque-là, tout comme l'affaire de l'assassinat politique du regretté Chokri Belaied, le meurtre de Feu Brahmi n'est toujours pas élucidée. L'enquête a connu, dans un premier temps, beaucoup de rebondissements, entre informations fondées et intox. La famille Brahmi et les Tunisiens assistaient hébétés et effarés à un cirque noir et macabre. Qui sont les meurtriers ? Ils travaillent pour qui ? Qui se cache derrière ce crime ? Pour quelle raison un homme aussi pacifique et respecté par tout le monde, a-t-il été aussi froidement assassiné ? Que se cache derrière le choix de la date ? Autant de questions qui taraudent jusque-là l'esprit des Tunisiens et torturent les membres de sa famille et les proches. Des questions qui n'ont toujours pas de réponse. Les obsèques étaient historiques, à l'image du leader. Elles étaient dignes d'un héros. Toute la Tunisie, hormis les traitres de la patrie, l'a pleuré. Contre l'oubli Alors que les zones d'ombre couvrent toujours l'assassinat, les Tunisiens sont sortis par centaines, vendredi soir, commémorer le premier «anniversaire» de la disparition tragique de Feu Haj Brahmi. La foule a répondu présente à l'appel lancé par la Fondation Mohamed Brahmi, le Front populaire et la famille du martyr. Le rendez-vous était donné au lieu, devenu hautement symbolique, la Place de Bardo. Le rassemblement était prévu à 20h, quelques minutes après la rupture du jeûne. Les gens commençaient à affluer doucement vers 21h. Un quart d'heure plus tard, toutes les routes menant à la Place étaient fermées. Les périmètres étaient gardés et surveillés par un dispositif policier assez important. Or, le contrôle d'usage était presque inexistant malgré le contexte actuel et les menaces terroristes qui menacent le pays surtout les derniers jours de Ramadan. Il n'y avait pas de fouille et le contrôle d'identité se faisait très rarement. On voyait de loin les drapeaux tunisiens envahir les lieux petit à petit. La couleur rouge vive de la Tunisie dominait la place. Plusieurs manifestants brandissaient symboliquement le drapeau du Front populaire. Face à l'hémicycle de l'ANC, une scène était installée sur place avec projecteurs et hauts-parleurs. Le grand immeuble qui juxtapose les lieux était drapé de deux grands portraits des leaders politiques assassinés Mohamed Brahmi et Chokri Belaid. Vers 21h30, Mbarka Brahmi, la veuve de Feu Haj Brahmi arrive. Elle a donné un discours des plus poignants, faisant montre d'une grandeur d'âme et d'une personnalité qui forcent l'admiration ! Animée par la colère du deuil et par l'engagement de son regretté mari, elle portait dignement son statut de femme d'un martyr de l'Opposition. Dans les paroles ou dans la gestuelle, Mbarka Brahmi a animé la foule avec un discours éloquent, cohérent et patriotique. Elle a rendu, également, hommage à tous les martyrs assassinés lâchement par les ennemis de la Tunisie. Le carnage qui a lieu à Gaza était évoqué. S'adressant aux terroristes, elle a scandé : «Vous les commerçants de la religion, la vraie lutte et le vrai combat se trouve en Palestine ! Vous qui vous dites défenseurs de la religion !» Il faut le dire, dans son discours, la veuve Brahmi n'a oublié personne et n'a épargné personne non plus. Elle le voulait un hommage à tous les martyrs tunisiens, une lutte contre l'oubli et la banalisation des actes terroristes. La veuve de Feu Chokri Belaid, Mme Basma Khalfaoui a rejoint le rassemblement soutenant Mme Brahmi dans sa peine et partageant sa cause. Au terme de son discours, elle a dénoncé la lenteur de l'enquête et les zones d'ombre que l'Etat et le ministère de l'Intérieur entretiendraient. Les sympathisants du Front populaire ont scandé, à leur tour, des slogans et des chansons hostiles au parti islamiste Ennahdha où ils ont traité le leader dudit parti de «terroriste». Le Président provisoire de la République n'a pas été épargné lui non plus. Des pancartes ont été brandies le qualifiant d'«incompétent». L'ancien Chef du gouvernement Ali Laârayedh a été lui aussi ciblé par les manifestants qui ont appelé à l'ouverture d'une enquête contre lui suite aux deux assassinats politiques survenus sous son gouvernement sans que les criminels ne soient arrêtés. Plus de mille personnes étaient sur place. Après le discours de Mme Brahmi, la scène a abrité un concert où un groupe palestinien, les chanteurs tunisiens Lotfi Bouchnak et Manel Hamrouni ont animé le reste de la manifestation avec une musique engagée et patriotique. Le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami a, lui aussi, donné un discours poignant dans lequel il a rappelé le terrorisme qui sévit en Tunisie sous l'aile politique de certains et que ce même terrorisme tue tous les jours des centaines d'enfants et de Palestiniens en Palestine, le terrorisme d'Israël. A ses côtés, Mbarka Brahmi a, à son tour, déclaré : «Le terrorisme va encore se propager car Laârayedh a infesté le ministère de l'Intérieur de terroristes avant de quitter son poste. L'hymne national est scandé vers minuit trente dans une ambiance quasi-religieuse qui donne la chair de poule. Joyeuse fête de la République chère Tunisie et vif hommage à tous les martyrs.