La vidéo est insoutenable ! La scène filmée se passe dans le jardin d'une villa de deux étages. La séquence montre un enfant d'une dizaine d'années, criant à plein poumons, étranglé de sanglots et se démenant hors de lui. On y voit aussi une dame vêtue de noir lui faisant face, levant les bras et gesticulant de tous les côtés. Est-elle en train de le frapper ? Est-elle en train d'essayer de le retenir par les mains ? En visionnant la vidéo, impossible de le savoir de manière irréfutable car la séquence est filmée de loin. Si aucun des visages apparaissant dans cette vidéo n'est identifiable, les cris stridents de l'enfant sont par en revanche perceptibles. On voit par la suite deux autres personnes s'approcher, sans chercher à intervenir pour calmer l'enfant. La scène se déroule dans une villa presque quelconque si ce n'était la couleur bleue criarde qui revêt une partie de la clôture. Vérification faite, il s'agirait d'un jardin d'enfants situé au Bardo. Pourtant, aucune enseigne ne permet de l'identifier en tant que tel. Quant à l'enfant apparaissant dans la vidéo, il s'agirait d'un garçon autiste qui se rend tous les samedis pendant deux heures dans ce jardin d'enfants « classique » pour faciliter son intégration. Il est toujours accompagné par M.B, son éducatrice spécialisée. La séquence de 47 secondes a été filmée d'un bâtiment situé juste en face de la villa. Publiée samedi 17 janvier sur Facebook, elle a suscité l'indignation des internautes tunisiens qui l'ont largement partagée pour dénoncer ce qu'ils estiment être un « acte de maltraitance vis-à-vis d'un enfant en détresse ». Contactée par Le Temps, M.B a tenu à apporter sa version des faits Elle déclare: « Il n'y a jamais eu de violence. Le jeune garçon de 12 ans était en crise et j'ai voulu le calmer en le tenant par les mains. Comme il s'agitait dans tous les sens, j'ai dû être ferme et forcer un peu mais jamais je ne l'ai frappé. D'ailleurs, je suis sa parente. Comment aurai-je pu le violenter ? Il est suivi de près par un psychologue. S'il était victime de maltraitance, l'expert l'aurait remarqué depuis longtemps.» Egalement contactée au téléphone, la dame qui a filmé cette vidéo a déclaré avoir rencontré hier matin la directrice du jardin d'enfants et la mère de l'enfant qui lui ont toutes deux affirmé qu'il n'y avait pas eu de violence vis-à-vis de l'enfant. Embarrassée par la tournure des événements, la mère a ajouté qu'elle avait totalement confiance en M.B, l'éducatrice spécialisée, qui a bien géré, d'après elle, la crise de son fils. Toutefois, le jardin d'enfants a quand même reçu la visite d'une déléguée à la protection de l'enfance qui a promis de suivre ce dossier de près. Autisme, maladie de l'hypersensibilité au monde En créant le buzz sur la toile tunisienne, cette vidéo a surtout réussi à braquer les projecteurs sur une maladie largement méconnue en Tunisie qu'est l'autisme. Ce trouble du développement est caractérisé par une interaction sociale et une communication anormales, avec des comportements restreints et répétitifs, dont les premiers signes apparaissent dès la deuxième voire la première année d'un enfant. Un individu autiste vit dans sa propre bulle et n'arrive pas à dissocier la voix humaine des autres bruits qui l'entourent. Il est parfois sujet à des crises qui durent près d'une vingtaine de minutes et dont les signes annonciateurs diffèrent d'une personne à une autre. Pour Aman Merabet, maman d'un enfant autiste et fondatrice de l'association « Le pari de l'enfance », un autiste en crise est un individu en souffrance. Il ne faut en aucun cas l'agresser mais plutôt l'isoler dans une chambre, le tenir par les mains et l'allonger le temps qu'il se calme, en élevant légèrement la voix si nécessaire. Frapper un enfant autiste c'est l'humilier et le rendre encore plus vulnérable. Les crises ne durent jamais bien longtemps mais l'important étant de ne jamais céder à la panique et avoir des gestes brusques. Il faut être ferme mais sans tomber dans les excès. Quant à Fethi El Arem, Chef de service à la Direction Régionale des Affaires Sociales et ancien éducateur spécialisé, il estime qu'il est grand temps de créer un corps d'inspecteurs pédagogiques qui effectueraient des visites de terrain et qui seraient chargés de superviser les centres d'accueil pour enfants autistes ainsi que les éducateurs spécialisés pour éviter tout dérapage à l'avenir. Par ailleurs, il recommande à tous ceux qui assistent à une scène de maltraitance sur des enfants de la filmer et de faire aussitôt parvenir l'enregistrement à un délégué à la protection de l'enfance. Il insiste en ajoutant: « Personne n'a le droit de maltraiter ou d'agresser un enfant, quelle que soit la situation ! Celui qui le fait s'expose à des poursuites juridiques et est passible de sanctions. »