La marche u Bardo a été une réussite brillante à tous les niveaux aussi bien officiels que populaires... et seuls les absents ont eu tort ! Décidément, ce « Bardo », reste collé, à la mémoire historique de notre peuple et des systèmes politiques depuis la dynastie husseinite, comme le lieu magique de toutes les percées de la modernisation. Il fut un temps où il abritait la « salle du Trône », malheureusement, détruite par la première « constituante » comme quoi toutes les « révolutions » ont un côté « vandale » quand il s'agit de « nettoyer » l'ancien régime, pour en fabriquer d'autres ! Ben Ali, n'a-t-il pas déboulonné les statuts de Bourguiba dont les plus célèbres à l'avenue Bourguiba et l'autre à Kairouan avec un Bourguiba montant un cheval arabe de pur-sang et un « sombrero » des tribus « Zlass » du grand militant et résistant « Gaïed El Ajimi » de Bouhajla. Il va falloir un jour ou l'autre émettre une loi organique ou constitutionnelle , pourquoi pas, interdisant à tout nouveau locataire du pouvoir exécutif de détruire totu ce qui ramène )à la mémoire des dirigeants précédente. La Révolution française a bien détruit la « Bastille » mais pas le Louvre ou Versailles. Cette manie de vouloir éliminer les souvenirs et les faits du passé remonte à ces hordes venues d'orient du nom des « béni Hilal » qui ont brûlé entr'autres, le Colisée d'El Jem et que le grand historien Ibn El Athir a sanctionné dans son Histoire médiévale en ces termes : « Ces hordes... chaque fois qu'elles passaient par une ville et cité de l'Ifriquiya (Tunisie) y mettaient le feu croyant qu'ils avaient atteint « Kairouan », la capitale, vu leur ignorance de l'Histoire et de la géographie ». La barbarie commence toujours par l'adéquation entre l'idée et l'acte. L'idéologie trace les mécanismes de la violence totalitaire et le légitime puis les structures matérielles et humaines exécutent. D'où la nécessité et de façon parallèle, d'empêcher les bras armés de commettre leurs crimes, mais aussi d'aller à la racine de l'idéologie pour la rendre inoffensive et inopérante. C'est un double combat qui va se pair. Tout le monde arabo-musulman vit depuis l'Afghanistan puis Bagdad 1, une confusion énorme entre l'islamisme ou « islam politique » et l'Islam. D'où les dérives barbares et totalitaires du jihadisme et du daéchisme au nom de « l'Islam », alors qu'il ne s'agit que d'une interprétation apocalyptique de la Chariaâ avec tous les crimes abominables qu'on commet en son nom. L'Islam « politique » doit évoluer rapidement (c'est une urgence) vers « l'Islam » ! En d'autres termes, il est grand temps que les « Islamistes » redeviennent « Musulmans ». Et pour cela il faut des leaders de grande autorité religieuse et politique. Ennahdha de Rached Ghannouchi, a un grand coup à jouer dans ce sens. On parle déjà des « fondamentaux » des années 70-80 largement dépassés de l'ancien « Mouvement islamiste tunisien » qui était structurellement et idéologiquement lié aux « Frères musulmans » d'Egypte. L'évolution doit aller vers une plus grande séparation entre le « religieux » et le « politique ». Ennahdha sera, alors, le premier précurseur du monde musulman à avoir enjambé les siècles de la décadence musulmane et de l'amalgame entre « Islamiste » et « Musulman ». Elle incarnera l'essence même du réformisme et de la modernisation du 19ème et 20ème siècle. Ennahdha est sujette à plusieurs tentations. Parfois elle semble vouloir gagner du temps tout en campant sur ses « fondamentaux », « en attendant des jours meilleurs. Mais, parfois, l'envie de faire le sursaut salutaire vers le modèle de la « Démocratie chrétienne » tente aussi les jeunes générations qui ont vécu l'exil en Occident et qui ont compris l'identité de la démocratie classique qui ne peut s'adosser à la « religion-politique » ! Pour Ennahdha le choix est certainement difficile voire même douloureux. Mais, le pouvoir vaut bien une messe « laïcisante » de l'Islam politique Après tout, Henri IV, Roi de France, l'a fait en promulguant l'dit de Nantes en 1598, et nous, nous en sommes encore là ! Le destin d'Ennahdha est au bout de ce choix : Etre « islamiste » ou être « musulman » ! Oui, la difficulté d'être et de se réinventer pour avoir une chance d'exister dans le 21ème siècle ! La marche du Bardo est bien ce message : Les Tunisiens veulent être « Musulmans » mais ont peur d'être islamistes... Très peur ! Et ils ont raison ! K.G