"Culture arabe, culture française, la parenté reniée" sorti aux éditions l'Harmattan, un livre du poète et essayiste tunisien Abdellaziz Kacem. L'essai fait le point des travaux des orientalistes et des médiévistes sur la question de l'amour en poésie. En intitulant sa pièce " Le jeu de l'Amour et du Hasard", Marivaux savait qu'il résumait ainsi l'un des emprunts les plus refoulés à l'arabité? Les Croisés ramenèrent d'Orient un jeu de dé appelé az-zahr francisé en "hasard". Malgré les foudres de l'Eglise agitant l'image des soldats romains qui, "au pied de la croix jouaient aux dés la tunique du Christ", la mode se généralisa et l'on peut dire que rien (et surtout pas un coup de dé) "n'abolira l'az-zahr". Les troubadours, eux, ont importé d'Andalousie le jeu érotique dans ce qu'il a de sublime et de léger. L'ancêtre de l'amour courtois est bien Hubb'udhri, l'amour virginaliste, qui se développa en Arabie, dès le premier siècle de l'islam. Il doit son nom à la célèbre tribu des Banû'Udhra connue pour ses "martyrs de l'amour", Bien des jeunes dévorés par la passion, y mouraient suicidés ou de consomption, parce que " les femmes y étaient trop belles et les garçons trop sensibles". Cet amour fut codifié par l'Irakien Ibn Dawûd (868-909) dans son Kitâb al-Zahra ( le livre de la fleur). Cet ouvrage parvint à Cordoue et servit de base pour un autre essai en la matière, Tawq al-Hammama (le collier de la colombe) d'Ibn Hazm (994-1064). Mais Cordoue s'était mise à l'heure de sa splendide rivale, la Bagdad des Abbassides, dès 845, date d'arrivée en terre espagnole de Ziryab. Grand musicien, ce dernier initie la cour d'Abd al-rahman II au chant médinois d'où "sortira le Cante Jondo". Arbitre des élégances, il introduit avec les usages nouveaux un art et un savoir-vivre achevant d'orientaliser l'al-Andalus. L'amour courtois, selon Guillaume IX ( duc d'Aquitaine, comte de Poitiers (1070-1127) est le premier troubadour connu) "nous rajeunit, nous préserve d'agir et de parler comme le "vilain", il est grand désir, émanation mystérieuse, irrésistible d'une femme sur-aimée; il n'a d'autre but que sa propre permanence. C'est à peu près ce que nous en dit Ibn Dawûd quand il définit l'amour comme "le fait d'une élite, privilégie des caractères délicats, une affinité intellectuelle ". Ne pouvant que désirer la beauté, "il est une fatalité aveugle, magnétique, d'ordre physique, et toute la dignité d'une âme d'élite est de la subir sans y céder". C'est à peu près ce que nous dit Ibn Dawûd quand il définit l'amour comme " le fait d'une élite; privilège des caractères délicats, une affinité intellectuelle". Ne pouvant que désirer la beauté, "il est une fatalité aveugle, magnétique, d'ordre physique et toute la dignité d'une âme d'élite est de la subir sans y céder". C'est ainsi l'avis d'Ibn Hazm qui, traitant de la métamorphose qu'imprime l'amour sur les amants, écrit: "Combien d'avares devenus libéraux, que de sourcilleux déridés, que de lâches rendus braves de lourdauds élégants, d'ignorants cultivés, de malpropres poudrés, de pauvres hères embellis que d'hommes d'âge retombés en enfance". Ce passage est tiré du chapitre II du Tawq. Ce chapitre intitulé Les symptômes de l'amour, l'éminent orientaliste espagnol, Garcia Gomez, le signale, "fut utilisé par les médecins chrétiens, pour le moins jusqu'au XVIII e siècle"