Le Front Populaire, ce regroupement des partis de la Gauche et des nationalistes Tunisiens, ce Front qui a été bâti, entre autres, à la force des bras des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, brille, étrangement, aujourd'hui, alors que le pays passe par une crise aiguë, par une absence manifeste. Au lendemain des élections législatives de 2014, et alors que tous les blocs parlementaires cherchaient à se positionner, le Front a été contacté par plusieurs parties qui voulaient en faire un allié stratégique. A l'époque, et tout juste avant le second tour de l'élection présidentielle, Béji Caïd Essebsi avait mené une série de négociations avec la coalition de la Gauche afin d'obtenir ne ce serait qu'une esquisse d'accord pouvant permettre à son mouvement de procéder à la composition d'un nouveau gouvernement en assurant une majorité minimum à l'Assemblée des Représentants du Peuple. Seulement voilà, et malgré les multiples propositions, le Front Populaire s'est renfermé sur lui-même. Cette attitude a coûté au bloc parlementaire de la coalition de la Gauche le poste de vice président de l'ARP. En février 2015, Le Temps a interviewé le député Mongi Rahoui qui avait assuré que le rôle du FP est d'être dans une opposition constructive. Depuis, le bloc parlementaire de la coalition de la Gauche a livré ses batailles constructives, mais pas celles auxquelles nous nous attendions.En mars dernier, Mongi Rahoui est parti en guerre sans merci contre l'unique député d'Al Jomhouri, Iyed Dahmani. La raison ? La présidence de la commission des finances de l'ARP. Après de nombreux débats livrés publiquement sur les divers plateaux médiatiques, Rahoui finira par décrocher la présidence de ladite commission pour tout juste un an. Une année qui prendra fin bientôt puisque le député du FP devra céder son poste à son collègue d'Al Joumhouri à la fin de ce mois. Par ailleurs, on a vu les dirigeants très actifs dans la critique de presque toutes les mesures prises par le gouvernement dernièrement. Une équipe gouvernementale qui fait face, depuis l'attentat qui a visé l'hôtel Impérial de Sousse à une multitude de problèmes d'ordre économique et sécuritaire. Une situation précaire qui a amené le chef de l'Etat à décréter l'état d'urgence. Cette décision a été violemment critiquée par le CPR, Fajer Libya, le New-York Times et le Front Populaire... Après la tenue d'une réunion de ses secrétaires-généraux, le FP a appelé les autorités à lever l'état d'urgence estimant qu'il ne pouvait en rien aider dans la lutte contre le terrorisme et que, pire, il nuirait aux secteurs touristique et économique. Quand le projet de loi de réconciliation nationale a été passé, Mongi Rahoui s'est directement emporté en lançant des accusations graves contre la présidence du gouvernement et celle de la République : pour le député frontiste, ce projet de loi vise uniquement à ‘recycler la corruption'. Assurant qu'il s'agit d'un ‘coup de poignard dans le dos de la Révolution', M. Rahoui a appelé les autorités à retirer ledit projet tout en assurant que si jamais cela ne se réalisait pas, les Tunisiens seraient dans la contrainte de se rebeller. Ce qui dérange ici ce n'est ni ce genre de prise de position ni cet entêtement acharné. Le vrai problème constaté c'est que les dirigeants de la Gauche se plaisent à s'opposer à tout sans jamais être dans la construction dont ils ne cessent de parler depuis bien des lustres. Ce bilan n'est pas sans conséquence pour la coalition de la Gauche qui a perdu en crédibilité et en sympathie. Les positions du Front Populaire sont désormais prévisibles et ses stratégies biens connues de tous. Camper sur ses positions et s'entêter stérilement face à tout et à tout le monde, cela est devenu la monnaie courante du FP. La cuisine interne du Front n'est pas en meilleur état. Les tensions d'avant les élections refont surface et l'ambiance lourde est de plus en plus manifeste. Cela fait peut-être partie des raisons qui ont amené le FP à repousser son congrès national qui devait se tenir en début de cet été.